À l’issue du second tour des élections législatives qui s’est tenu, le dimanche 7 juillet 2024, l’Assemblée nationale française n’a toujours pas de majorité absolue et apparaît divisée entre trois blocs distincts. Dans ce contexte, le nom du prochain Premier ministre est plus qu’incertain. Voici tout de même cinq scénarios différents.
1. Un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire
Parmi les trois blocs, c’est celui de gauche qui est arrivé en tête, à la surprise générale. La Nouvelle Union populaire obtient 182 sièges, selon les données du ministère de l’Intérieur, ce qui en ferait la première force à l’Assemblée. Si ces chiffres sont loin de la majorité absolue (289 sièges), l’une des possibilités est la formation d’un gouvernement NFP qui disposerait d’une simple majorité relative.
Dans ce cas, les différentes forces de l’alliance devraient choisir un Premier ministre. Une question qui n’avait pas été tranchée pendant la campagne. Jean-Luc Mélenchon s’était déclaré «capable» d’occuper le poste mais fait l’objet d’un fort rejet de la part de ses partenaires de gauche. Parmi les autres figures de La France insoumise, qui reste le groupe le plus important du NFP, on retrouve également Manuel Bompard, coordinateur du parti qui avait participé à l’un des débats, Clémence Guetté qui a crevé l’écran lors de la fin de la campagne ou Mathilde Panot qui dirigeait le groupe LFI lors de la dernière mandature.
Chez les socialistes, le nom qui revient le plus est celui de Boris Vallaud. On peut aussi citer Olivier Faure. Valérie Rabault qui s’était positionnée a, elle, été battue dans sa circonscription. Existe également l’hypothèse Marine Tondelier. L’écologiste a été une des révélations de la campagne et pourrait constituer un point d’équilibre entre LFI et le PS. Enfin, François Ruffin qui est parvenu à se faire réélire dans une circonscription compliquée pourrait être une option malgré son conflit ouvert avec Jean-Luc Mélenchon.
Quoi qu’il en soit, un gouvernement du Nouveau Front populaire aurait peu de chance de se maintenir, selon l’historien Jean Garrigues. «En prenant en compte l’effet répulsif de LFI vis-à-vis du reste de l’Assemblée, il est vraisemblable qu’une motion de censure serait votée pour renverser ce potentiel gouvernement», estime-t-il.
2. Gabriel Attal reste à la tête d’un gouvernement provisoire
Le camp présidentiel défait, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé qu’il allait présenter sa démission dès lundi. «Ce soir, la formation politique que j’ai représentée dans cette campagne, quand bien même elle a réalisé un score trois fois supérieur à ce qui était prédit ces dernières semaines, ne dispose pas d’une majorité. Ainsi, fidèle à la tradition républicaine et conformément à mes principes, je remettrai demain matin ma démission au président de la République», a-t-il déclaré après la publication des résultats.
Pour autant, il n’est pas impossible que Gabriel Attal occupe encore quelque temps l’Hôtel de Matignon. Dans l’hypothèse où aucune majorité de gouvernement ne se dégagerait, celui qui a été réélu dans les Hauts-de-Seine s’est dit prêt à rester «aussi longtemps que le devoir l’exigera» et notamment pendant le déroulement des Jeux olympiques. Emmanuel Macron est d’ailleurs libre de refuser la démission de Gabriel Attal comme il l’avait déjà fait pour Élisabeth Borne après les législatives de 2022.
3. Un Premier ministre issu d’une coalition entre la gauche et le camp présidentiel
La troisième hypothèse est celle de la constitution d’une coalition qui irait de la gauche aux macronistes. Pendant la campagne, cette hypothèse avait été rejetée par les cadres de La France insoumise. Une position réaffirmée par Jean-Luc Mélenchon dimanche soir. Emmanuel Macron avait, lui, assuré que le camp présidentiel ne gouvernerait pas avec LFI.
Quid d’une coalition sans La France insoumise ? Olivier Faure a, plutôt, semblé fermer la porte à cette option, se disant opposé à «une coalition des contraires» mais Raphaël Glucksmann a tenu un discours légèrement différent. «Il va falloir se comporter en adulte, parler, discuter, dialoguer », a-t-il déclaré.
«Cette situation doit pousser certains partis de ces trois blocs à faire des compromis, trouver des convergences, essayer de penser la politique différemment», estime Jean Garrigues.
Qui pourrait alors incarner ce compromis ? Les regards se tourneraient probablement vers une personnalité de gauche ou de centre gauche. Encore une fois, les noms de Boris Vallaud ou de Marine Tondelier pourraient revenir auquel on pourrait ajouter celui de Yannick Jadot. Cela aurait pu aussi être le cas de François Hollande, élu en Corrèze, mais l’ancien président de la République a déclaré ne pas être candidat à Matignon.
4. Un Premier ministre consensuel à la tête d’un gouvernement d’union nationale
Si aucun accord de coalition n’était trouvé, les principaux partis français, RN exclus, pourraient choisir de former un gouvernement d’union nationale qui irait du Nouveau Front populaire aux Républicains sur un programme minimal pour assurer les affaires courantes jusqu’à une prochaine dissolution – le président de la République ne peut dissoudre l’Assemblée qu’une fois par an.
Dans ce cas, la logique voudrait qu’un tel gouvernement d’union nationale soit dirigé par une personnalité plutôt consensuelle. S’il est difficile de dégager des noms, on peut citer le commissaire européen Thierry Breton, le député Liot Charles de Courson ou l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve.
5. Un Premier ministre non-politique avec un gouvernement d’experts
La dernière hypothèse est la mise en place d’un gouvernement d’experts, à l’image de ce qu’avait pu faire l’Italie avec Mario Draghi entre 2021 et 2022. Jean Garrigues imagine «une personnalité un petit peu extérieure au monde politique, de sensibilité plutôt de gauche pour tenir compte de la composante majoritaire de l’Assemblée».
Un portrait qui fait penser à Laurent Berger. L’ancien secrétaire général de la CFDT avait déjà été cité par Raphaël Glucksmann comme potentiel Premier ministre. «Ce n’est pas mon envie. J’ai fait le choix de me retirer de la vie publique », avait répondu Laurent Berger, le 24 juin.
Avec Ouest-France