Ceci n’est pas un canular des plus sournois. Le Ministre de la Justice Constant Mutamba n’est d’ailleurs pas de nature à gloser devant des journalistes sur des matières vitales. Le jeune ministre, 36 ans, est catégorique : depuis sa prise de fonction il y a bientôt deux mois, voici que les prisonniers de la prison centrale de Makala prennent trois repas par jour ! On se prendrait même à rêver d’un séjour aussi court soit-il dans ce pénitencier pourtant réputé être un mouroir du fait d’une surpopulation unique en Afrique en s’infligeant une auto-incarcération pour profiter de cette manne providentielle.
Dans un pays régulièrement classé parmi les cinq plus pauvres de la planète, où les ¾ des ménages vivent avec moins de deux dollars par jour, où les dizaines de milliers de déplacés de guerre se contentent de 150 FC par an, que des prisonniers jouissent d’une attention aussi délicate n’est rien moins qu’un don du ciel.
Peu importe si les trois ripailles quotidiennes sont faites du perfide « vungure », cette bouillie de maïs-grain mélangé au «madesu ya ba soda» (haricots coriaces qui ne ramollissent pas à la cuisson et qui faisaient jadis l’ordinaire des soldats de la Force publique, appellation de l’armée coloniale), du moment que les estomacs sont remplis, la détention, même étalée sur plusieurs années sans jugement n’en devient que plus agréable.
Vive donc Constant Mutamba, le plus jeune ministre de la Justice depuis 1960, comme il aime à le rappeler ! Avec lui fini le spectacle des détenus décharnés de la prison de Mbuji-Mayi mimant dans le vide le geste de préparer le foufou dans une marmite imaginaire. Terminé le spectacle de ces pauvres hères entassés les uns sur les autres à Makala, ou ces zombies faméliques d’Ekafela, de la Kasapa ou de Buluo qui n’ont que leur peau gangrenée par une gale purulente sur des os mangés d’arthroses chroniques. L’époque est certainement révolue de ces prisonniers squelettiques et à moitié nus de Makala chassant pour les manger crus d’énormes rats jusque dans les fosses d’aisance débordantes.
Offrir trois festins quotidiens aux pensionnaires des prisons est une bonne chose à saluer absolument. Mais il serait mieux en plus de désengorger les établissements pénitentiaires par le traitement rapide des dossiers des détenus et de libérer ceux d’entre eux, nombreux, qui franchement n’ont rien à faire en ces lieux où ils sont arrivés pour des délits mineurs comme le vol d’un téléphone portable par exemple.
Mwin Murub Fel