La polémique relancée : «Construisez chez vous !»

C’est une polémique sans précédent qui a vu jour sur  les réseaux sociaux après une publication d’un certain Benjamin Babunga. Intitulé «Construisez chez vous», le post a soulevé et soulève encore bien des passions, exacerbées par sa récupération par une communauté congolaise qui se serait sentie particulièrement indexée. Cependant, des esprits plus mâtures ne manquent pas de tempérer les ardeurs des uns et des autres, faisant valoir que dans la réalité, le Congolais est partout chez lui et que ce faisant, il a toute la latitude de s’établir dans la province ou la ville de son choix. 

Il s’appelle Benjamin Babunga. Illustre inconnu hier, cet internaute congolais est subitement apparu sous les feux des projecteurs après avoir lancé dans les réseaux sociaux le concept inédit de ‘‘Construisez chez vous’’.  Une invitation, dans son entendement, destinée aux dirigeants et autres mandataires publics ou privés à songer  enfin à investir dans l’immobilier dans leurs terroirs d’origine respectifs.

Il est à remarquer d’emblée que l’auteur ne s’est pas expressément adressé à une communauté bien identifiée, ni cité l’un des quelconques dirigeants politiques.  En filigrane cependant, il est facile d’imaginer qu’il s’adresse aux voleurs et autres détourneurs de deniers publics trop enclins à placer leurs gains illicites en Occident ou dans les paradis fiscaux.

ET POURTANT…  

Autant le fameux «Surveillez le Fleuve» lancé par l’humoriste Herman Amisi lors du tournoi final de la Ligue des Champions africaine (CAN) en Côte d’Ivoire (où ne prenait pas part le Congo-Brazzaville éliminé en amont), de même ‘‘Construisez chez vous’’ est venu alimenter une chronique populaire  en mal de repères de réflexion et marquée par une propension morbide à tout ramener à la personne du Président de la République et à sa communauté d’origine.

Dès sa publication sur son compte X (anciennement Twitter) , des réactions massives venant principalement de la communauté kasaienne ont afflué, arguant que la réflexion de  Benjamin Babunga était en réalité destinée à inviter les ressortissants des Kasaï établis au Katanga à regagner leur province où ils avaient négligé à construire malgré les jours prospères et heureux de l’exploitation du diamant jadis.

Il se trouve néanmoins parmi les internautes des esprits lucides qui posent la question cardinale. Celle de savoir le sens ultime du «chez vous». Ils en veulent pour argument irréfutable la disposition constitutionnelle qui stipule que tout Congolais est bien chez lui partout au Congo, quel que soit son terroir d’origine.

Ces derniers en veulent pour preuve que Zoé Kabila, frère cadet de l’ancien Président de la République Joseph Kabila, a construit un complexe hôtelier à Muanda dans le Kongo Central; que le propriétaire de l’hôtel Béatrice à Kinshasa, originaire du Kasai  (Kadima «La Chaumière» aujourd’hui décédé), ou que Kimbembe Mazunga, originaire du Kongo Central ait investi dans le secteur touristique à Kisangani (Tshopo).

A contrario, il n’est jamais venu à l’esprit de quiconque de reprocher au Maréchal Mobutu d’avoir construit une somptueuse résidence dans sa ville natale de Lisala (Mongala) et bâti son palais présidentiel de Kawele à Gbadolite. Ses homologues africains dont certains lui ont survécu n’ont d’ailleurs pas hésité à faire de même dans leurs villages d’origine. Denis Sassou Nguesso a son Oyo natal où il reçoit régulièrement d’autres chefs d’Etat. La dynastie Eyadema a son Kara dans le Nord du Togo. Félix Houphouët-Boigny, alors en vie avait  initié son vaste projet cacaoyer à partir de son village de Yamoussoukro…

Les tenants de la thèse de la construction «chez soi » soulignent également l’exemple de Katumba Mwanke  (décédé) qui a réalisé son rêve de moderniser la cité de Pweto, ou celui de Moïse Katumbi, l’opposant et ancien gouverneur du Katanga dont les efforts sont en voie de transformer Kashobwe dans le Haut-Katanga.

Il va de soi que les plus durs parmi le noyau qui se croit proche du Chef de l’Etat détournent le débat et font croire que le fameux « Construisez chez vous » lui est particulièrement destiné. En d’autres termes, ils veulent faire avaliser la thèse selon laquelle Félix Tshisekedi n’a pas daigné, après plus de cinq ans de pouvoir à la tête de l’Etat, songé à construire dans son fief ancestral de Kabeya Kamwanga.

Ils pointent de même du doigt tous ceux parmi les internautes qui cherchent désespérément à voir publiées les images de la maison familiale du clan Tshisekedi dans cette partie du territoire du Kasaï Oriental.

AU NOM DE LA COHESION NATIONALE

En définitive, la cohésion nationale, voulue par tous, reste un combat de longue haleine, voire une utopie tant que les dirigeants politiques n’auront pas à cœur de transcender leur appartenance à leur communauté traduite par des campagnes électorales auprès de leurs bases tribales.

Ils auront beau proclamer leur attachement à l’unité nationale, leurs actions les contrediront toujours, aussi longtemps que leurs  initiatives seront axées sur leurs «compatriotes ». Ainsi, il est quasi impossible de voir un candidat député originaire du Haut-Uélé par exemple, battre campagne à Likasi (Haut-Katanga).

Le slogan «Construisez chez vous» apparaît dès lors comme un appel aux uns et aux autres à prendre conscience de la triste réalité des populations laissées dans une profonde misère, oubliées de «leurs leaders» qui se la coulent douce dans leurs résidences huppées dans la capitale.

Econews