Le développement de Kinshasa est en pleine accélération. Sur les bords du fleuve Congo, une partie entière de la balade est désormais cachée derrière des tôles. «Construction autorisée», peuvent lire les passants contraints de se satisfaire de seulement deux dizaines de mètres de promenade. Dans le quartier huppé de la capitale, la Gombe, les constructions d’immeubles et de villas de luxe ne s’arrêtent plus depuis les années 2000. D’autant plus que ces investissements profitent à l’économie de la capitale congolaise.
C’est en tout cas ce qu’avance la société Milvest qui a inauguré en décembre 2023 le nouveau centre financier de la capitale. Onze bâtiments qui offrent aux Kinois de nouveaux lieux de vie (restauration, salle de conférences, parkings) et des bureaux. La boîte turque s’est engagée également dans la reconstruction du nouvel aéroport, la réhabilitation de la Foire internationale de Kinshasa, la construction d’une salle de spectacle de 20.000 places et le téléphérique qui devrait désengorger la capitale en l’espace de deux ans. Sur chacun des chantiers estimés à des centaines de millions de dollars, Milvest se targue d’employer de la main-d’œuvre locale. L’investisseur promet aussi la création de centaines d’emplois et de nouveaux revenus pour la République démocratique du Congo, notamment grâce à l’hôtel Marriott, en construction près du fleuve, dont l’État devrait récupérer une partie des recettes.
UN POTENTIEL QUI ATTIRE LES INVESTISSEURS
Bien que sur le point d’exploser tant sa densité est importante, la capitale congolaise parvient à attirer les investissements étrangers car le marché est sous-alimenté en plusieurs produits et le profit potentiel est assez élevé. «Les Américains construisent une nouvelle ambassade, les Français ont refait la leur il n’y a pas longtemps, Milvest, l’ancienne société du président turc Recep Erdogan, investit en masse dans les infrastructures de Kinshasa», énumère Jean-Luc Mouzon, responsable d’un bureau d’études. Au volant de sa voiture à travers le quartier aisé de la Gombe, l’ingénieur belge, installé ici depuis 25 ans, s’étonne encore des nouveaux chantiers qui débutent un peu partout. «C’est bien le signe que le pays intéresse, non ? » questionne-t-il.
Mais cette vague d’intérêt pour la République démocratique du Congo apporte ses effets néfastes : déforestation, déboisement, urbanisation anarchique? «C’est comme un serpent qui se mord la queue, explique Jean-Luc Mouzon. Les gens détruisent un environnement pour construire, mais c’est justement ce qu’ils détruisent qui peut résoudre leurs problèmes».
Selon plusieurs rapports de la Banque mondiale, sans action concrète de la part de l’État pour se prémunir des effets du changement climatique, tous ces investissements pourraient être caducs d’ici à quelques années. «Les changements climatiques ont eu plusieurs impacts sur les entreprises nationales et internationales à Kinshasa, relate Christian Vang Eghoff, spécialiste principal du développement urbain à la Banque mondiale, chargé du projet Kin Elenda à Kinshasa. La fréquence et l’intensité des pluies impactent le réseau de distribution d’électricité, des postes de distribution sont régulièrement touchés par les inondations et l’érosion».
Ces coupures d’électricité sont parmi les plus grands obstacles aux activités économiques, mais s’ajoute également le manque de gestion de la pollution plastique et de l’urbanisation, qui crée des inondations et impacte la circulation. Dans une ville de près de 10.000 kilomètres carrés, cela peut avoir un effet néfaste pour les affaires. « Par le passé, les fortes pluies ont entraîné la coupure de la route de Matadi et l’accès au port de Matadi pendant plusieurs jours, le temps de reconstruire la route», se remémore Christian Vang Eghoff.
STOP OU ENCORE ?
Kinshasa, capitale d’un des pays les plus pauvres du monde, doit alors réussir à allier développement et sauvegarde de l’environnement sans quoi les phénomènes climatiques pénaliseront la productivité des entreprises et des industries. Dans un rapport publié en 2023, l’institution de Bretton Woods indique qu’en fonction «de divers scénarios de développement, l’absence d’adaptation au changement climatique pourrait conduire à une diminution du PIB atteignant jusqu’à 13 % d’ici à 2050». La population pourrait s’appauvrir davantage.
Deux choix s’offrent alors à la ville : mettre le holà ou renforcer les institutions et les investissements en faveur de la protection de l’environnement. Pour le moment, les initiatives prises par le gouvernement pour tenter de rendre Kinshasa résiliente face au changement climatique peinent à changer la donne.
Avec Le Point Afrique