Le difficile «dialogue» de Martin Fayulu : Katumbi dit non !

L’idée d’un dialogue politique proposé par Martin Fayulu suscite de vives réactions, notamment du camp de Moïse Katumbi Chapwe. Alors que Fayulu prône un rapprochement et une discussion sur l’avenir du pays, Katumbi refuse catégoriquement d’accorder du crédit à une telle initiative dans un contexte marqué par des événements tragiques. La mort de Chérubin Okende, figure emblématique et respectée de son parti, et l’incarcération de Mike Mukebayi, membre influent de son équipe, sont des incidents que Katumbi ne se décide pas à minimiser. Pour lui, ces faits ne peuvent en aucun cas être considérés comme de simples «charges et pertes diverses», à éponger par voie de dialogue. La division qui semble se creuser entre les deux figures de proue de l’opposition pourrait fragiliser davantage leur position face au pouvoir en place.

Des Etats-Unis où il séjourne, l’opposant Martin Fayulu a invité la classe politique congolaise à prendre part à un dialogue qu’il souhaite de «cohésion nationale». Arrivé deuxième lors de la présidentielle de décembre 2023 qui a vu la victoire de Félix Tshisekedi dont il n’a de cesse de contester la légitimité, Martin Fayulu semble avoir mis beaucoup d’eau dans son vin, étant entendu que son invitation à dialoguer s’adresse tout aussi à la famille politique du chef de l’Etat sous la médiation de l’église catholique.

Pour la énième fois, l’opposant Martin Fayulu appelle la classe politique à un dialogue de cohésion nationale. Une démarche, considère-t-il, pourrait déboucher sur une solution à la crise sécuritaire marquée par l’intervention militaire du Rwanda dans le Kivu sous le couvert de la rébellion du M23.

«Les autres pays évoluent et nous, nous régressons», indique-t-il. «On ne stagne pas, mais on régresse (…) Aujourd’hui, la solution  et la seule, c’est qu’on se mette autour d’une table, nous tous, autour de nos chefs spirituels (…) Nous sommes attaqués par le Rwanda. Il faut qu’on se mette ensemble, comme un seul homme, comme une seule femme pour contre-attaquer avec un esprit d’engagement, avec un esprit patriotique».

Il est évident que le leader de Lamuka, dont le retour est annoncé ce samedi 31 août, et qui coïnciderait avec un meeting prévu à la Place sainte Thérèse dans la municipalité de Ndjili sera amené à renouveler son appel qui, à l’heur actuelle, ne rencontre pas un accueil enthousiaste.

Si l’UDPS, parti présidentiel, n’a pas opté pour une position claire, il n’en est pas de même des autres partis politiques d’opposition parmi les plus en vue.

D’emblée, il est à faire remarquer que la famille politique de l’ancien chef de l’Etat Joseph Kabila ne se sentirait nullement concernée. Ayant boycotté le processus électoral et n’ayant jamais reconnu l’élection de Félix Tshisekedi, il n’est pas certain que ses cadres applaudissent l’initiative.

LE NIET D’ENSEMBLE POUR LA REPUBLIQUE 

Pour Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, il n’existe aucune équivoque.

Sur son compte X, son porte-parole, Me Hervé Diakiese, est catégorique : «A quoi servira-t-il de «dialoguer» si nos compagnons de lutte restent emprisonnés par un régime issu de la tricherie ? A quoi servirait-il de «dialoguer» si aucune enquête sur la mort de Chérubin Okende n’a désigné les auteurs et les commanditaires de ce crime crapuleux ? A quoi servirait-il de «dialoguer» si les auteurs des tueries de Luilu, Kilwa, Kilobelobe n’ont pas été poursuivis ? A quoi servirait de dialoguer alors que les services de sécurité, transformés en police politique, kidnappent et gardent en détention secrète quiconque déplaît à un régime qui ne masque plus ses tendances dictatoriales ?»

Olivier Kamitatu, de son côté, ne s’embarrasse pas non plus d’énumérer des griefs qui sont autant d’écueils à un dialogue voulu par celui qui, hier encore, se présentait en champion de la «vérité des urnes» !

Cependant, il ne mentionne pas de conditions préalables qui, une fois satisfaites, verraient Moïse Katumbi répondre positivement à l’appel de Martin Fayulu, son ancien partenaire au sein de la plateforme Lamuka.

«Ceux qui s’accrochent à l’idée que le regretté Chérubin Okende a mis fin à ses jours de lui-même, ceux qui croient fermement en la «culpabilité» de Mukebayi, ceux qui acceptent sans sourciller que le coût réel d’un forage d’eau est de 370.000 dollars, et que le vieux Samih Jamal a vraiment livré toutes ses maisons low cost, ces âmes candides peuvent tout aussi croire que Moïse Katumbi est concerné par une prétendue table ronde ! Rien n’est plus faux ! Quoi qu’on en dise, dialogue, négociations ou table ronde, ces attrape-nigauds lancés par le pouvoir ont pour seul but de leurrer une opposition dont certains membres semblent déjà essoufflés», lâche l’ancien président de l’Assemblée nationale, désormais Directeur de cabinet de Moïse Katumbi.

LA CENCO ET L’UDPS DANS L’EXPECTATIVE

A ce stade, la position de l’UDPS reste encore un mystère, quoique dans les milieux du parti présidentiel, on se réjouit que Martin Fayulu reconnaisse enfin la légitimité du chef de l’Etat élu dans des conditions qu’il avait toujours contestées.

Quant au docteur Mukwege, tout semble indiquer qu’il serait favorable à l’initiative de Martin Fayulu, certainement conforté par la récente déclaration de Félix Tshisekedi qui se réjouissait de ses «critiques constructives».

Quant à l’église catholique, dont les «pères spirituels» seraient  au cœur du dialogue proposé par Martin Fayulu, il n’y a pas d’empressement à épouser une démarche dont les contours restent encore à préciser.

Econews