Les propositions coupe-gorge d’Emmanuel Macron à Félix Tshisekedi

Le 19ème Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu récemment à Paris, a été marqué par des tensions palpables entre la République Démocratique du Congo (RDC) et la France. Le Chef de l’État congolais, Félix Tshisekedi, a exprimé son mécontentement face à ce qu’il considère comme une politique de deux poids, deux mesures de la part de Paris, qui semble soutenir le Rwanda dans le contexte des conflits dans l’Est de la RDC. Agacé par cette situation, Tshisekedi a décidé de boycotter un huis clos samedi, un geste fort qui témoigne de son désaccord avec la position française. Le message de Tshisekedi a été entendu, mais il est clair que Paris n’est pas prêt à abandonner son soutien à Kigali. Entre Kinshasa et Paris, c’est méfiance et frustration.

Le XIXème sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui s’est tenu à Paris du 4 au 6 octobre s’est transformé pour le chef de l’Etat congolais Félix Tshisekedi en un marathon diplomatique dont les retombées (probablement négatives) auront un impact probablement négatif sur les relations franco-congolaises au cours des mois à venir.

Revenant de l’assemblée générale de l’ONU à New York où il a réitéré pour la énième fois son appel à la «communauté internationale» à instaurer des sanctions ciblées à l’encontre des dirigeants rwandais dont le pays agresse la République démocratique du Congo par le biais  de la rébellion du M23, Félix Tshisekedi comptait certainement le redire devant ses homologues chefs d’Etat et de gouvernement de l’OIF.

DES PHOTOS DE FAMILLE ASSASSINES

Force est de reconnaître que le séjour français du président congolais a plutôt démarré sous d’improbables auspices. Tout d’abord, et se pliant aux rigueurs du protocole élyséen, il a salué sur le perron de l’Elysée en présence du couple Macron la secrétaire générale de l’OIF, la Rwandaise Mushikiwabo, ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda (sa venue à Kinshasa n’avait pas été souhaitée lors des 9ème Jeux de la Francophonie un an plus tôt),  suscitant étonnement et une certaine incompréhension dans l’opinion congolaise.

Mais le «pire» était à venir. Vingt-quatre heures après la poignée de main – quoique glaciale – avec Mme Mushikiwabo, le même protocole alignant les participants  pour la photo de faille, le président Tshisekedi apparaît au premier rang, séparé de son homologue rwandais par l’Ivoirien Ouattara, le Centrafricain Touadera et le Ghanéen Nana Akoufo-Addo. Image surprenante, sachant que le numéro 1 congolais avait juré qu’il ne rencontrerait Paul Kagamé qu’au ciel auprès du Père.

On se rappelle que lors du XVIIIème sommet de la Francophonie tenu à Djerba en Tunisie en 2022,   Sama Lukonde, alors Premier ministre, avait préféré ne pas figurer sur la photo de famille aux côtés de la SG Mushikiwabo.

Comme pour rendre les choses plus compliquées encore, le président français et hôte du sommet a omis, dans son adresse, de mentionner la guerre dans l’Est du Congo, alors qu’il s’est appesanti sur les seules crises en Ukraine, en Géorgie et à Gaza. Inacceptable pour Félix Tshisekedi qui a alors pris la résolution de boycotter  la séance de huis clos, et écourtant son séjour dans la capitale française et regagnant aussitôt son pays. Emmanuel Macron a bien cherché à arrondir les angles au cours de la conférence de presse de clôture.

Répondant à une question de Jeune Afrique, le président français a enfin daigné mentionner la crise congolaise, affirmant l’attachement de son pays à la souveraineté de la RDC. Pour Kinshasa, le mal était fait. D’autant plus que se basant certainement sur un rapport du Médiateur de l’Union africains dans la crise congolaise, le président angolais Joao Lourenço, Emmanuel Macron a posé trois préalables de sortie de crise, mais en tous points irrecevables par le gouvernement de Kinshasa.

DES PROPOSITIONS INACCEPTABLES

Tout d’abord, il a suggéré d’engager des pourparlers avec le M23, assorties de l’implication de «toutes les composantes politiques». Sous-entendu, Paris invite en fait Kinshasa à organiser un dialogue, ou une table-ronde où serait représenté le M23, mais aussi les groupes armés dont les Wazalendo, cette mosaïque de «rébellions» devenus des supplétifs des FARDC.

Viendrait également la cessation de toute collaboration de l’armée congolaise avec les rebelles rwandais des FDLR. Une affirmation régulièrement refutée par Kinshasa qui a toujours clamé que la plupart des rebelles génocidaires rwandais arrivés en RDC en 1974 seraient pour la plupart retournés depuis dans leur pays où ils ont été « recyclés» par Kigali, les renvoyant au Congo sous la bannière du M23.

La troisième exigence est celle de «mettre fin au discours de la haine». Une prise en compte à peine voilée de la thèse de Kigali selon laquelle les Tutsi seraient stigmatisés, l’une des causes affichées du conflit portées par le M23.

Ces trois propositions, toutes faisant la part belle au Rwanda, ne pouvaient qu’irriter le président Tshisekedi qui, en débarquant à Paris, n’avait pas encore digéré les propos de Joe Biden qui, du haut de la tribune des Nations Unies, avait lui aussi zappé la crise congolaise.

Dans cette perspective, il est peu probable que la rencontre prévue à Luanda au courant du mois aboutisse à des avancées notables et favorise la recrudescence des affrontements armés dans le Nord-Kivu. Dos au mur, et ayant épuisé toutes les voies possibles qui lui auraient assuré des appuis significatifs, le président Tshisekedi doit avoir dans sa manche un joker diplomatique qui pourrait retourner la situation. Mais à ce jour, il se garde bien de le dévoiler alors que le temps ne semble pas jouer en faveur de Kinshasa.

MWIN M. F.

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