A son époque, Mobutu disait : «Le Zaïre n’a pas de problème politique, il a un problème économique». Jusqu’au jour où il se résigna à en admettre l’évidence.
Un certain 24 avril 1990, il fut pris rattrapé par le contenu de la Lettre des 13 parlementaires du 1er novembre 1980, parlementaires devenus en 1982 «pères fondateurs» de l’UDPS…
SE CONTREDIRE DE FAÇON AUSSI FLAGRANTE !
Et même après l’avoir fait, le maréchal avait tenté de substituer en 1991 à la Conférence nationale souveraine une Conférence constitutionnelle. Là aussi, il finit par céder devant la pression des évènements. Moralité : quand Félix Tshisekedi, en cette année 2024, soutient que le pays n’est pas en crise politique alors qu’il est pour la révision de la Constitution, c’est à se demander comment peut-il se contredire de façon aussi flagrante ! Ce d’autant plus que les motifs évoqués jusque-là pour cette initiative ne portent ni sur l’économie, ni sur le sociale, mais sur la gouvernance institutionnelle qui est avant tout politique…
EN PRENDRE ACTE
C’est à l’étape de Budapest (Hongrie) que le Président de la République, parti de New York où il a participé à la 79ème Assemblée générale ordinaire des Nations Unies, a fait le 1er octobre dernier cette déclaration devant la communauté (Diaspora) congolaise. Il répondait à la question d’un compatriote qui voulait être fixé sur la proposition de Martin Fayulu relative à la cohésion nationale.
Dans son compte X, Steve Wembi a publié une vidéo dans laquelle on entend le Chef de l’Etat déclarer clairement ceci : «Je ne suis pas à l’origine d’une telle initiative car pour moi le pays n’est pas en crise politique pour chercher à obtenir encore des dialogues qui vont aboutir sur des arrangements. Nous ne voyons pas ni la nécessité ni l’urgence (…) j’ai toujours eu les bras ouverts pour parler avec quiconque le voudrait. Ce débat ne concerne ni ma personne ni la famille politique qui est la nôtre (…). Ceux qui parlent du dialogue, ils parlent peut-être de leur volonté à vouloir parler avec nous».
Le lendemain, comme par le fait du hasard, l’archevêque de Kinshasa, Cardinal Fridolin Ambongo, a eu cette repartie sur France 24, parlant de la RDC comme «un pays qui souffre où tous les signaux sont au rouge» avec un peuple qui «ne sait plus vers quel saint se tourner », un «pays en faillite sur beaucoup de points ».
Il y a lieu pour toutes les forces politiques et sociales qui préconisent le Dialogue politique sous n’importe quelle forme (dont les États généraux de la République), d’en prendre acte.
Félix Tshisekedi vient de signifier à tout le monde – juste un exemple – que la situation sécuritaire qui prévaut en particulier à l’Est est tout, sauf un problème politique. Que la révision ou le changement de la Constitution est tout, sauf un problème politique !
AUCUNE DE CES ÉTAPES N’A PRÉSÉANCE SUR LES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 219
Faut-il en pleurer ? Pas du tout. C’est plutôt positif puisque sa position est désormais claire : il sait que, selon l’article 219 de la Constitution, «aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la Présidence de la République ni lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat se trouvent empêchés de se réunir librement».
Certes, l’article 218 lui reconnaît l’initiative de la révision constitutionnelle concurremment avec le Gouvernement, après délibération en Conseil des ministres, avec chacune des chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) et avec une fraction du peuple congolais, en l’occurrence 100.000 personnes, s’exprimant par une pétition adressée à l’une des deux Chambres.
L’article poursuit : «Chacune de ces initiatives est soumise à l’Assemblée nationale et au Sénat qui décident, à la majorité absolue de chaque Chambre, du bien-fondé du projet, de la proposition ou de la pétition de révision». Il précise : «La révision n’est définitive que si le projet, la proposition ou la pétition est approuvée par référendum». Et d’ajouter : «Toutefois, le projet, la proposition ou la pétition n’est pas soumis au référendum lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat réunis en Congrès l’approuvent à la majorité des trois cinquième des membres les composant».
Seulement voilà : aucune de ces étapes n’a préséance sur les dispositions de l’article 219. Elles y sont plutôt soumises.
JUSTIFIER LE MAINTIEN DE LA PRÉSENCE DE LA MONUSCO
En d’autres termes, Félix Tshisekedi, pour atteindre son but, doit impérativement commencer par lever l’état de siège en application au Nord-Kivu et en Ituri.
Cinq années après sa proclamation, cet instrument légal en est à sa 82ème prolongation. La dernière a été boycottée par plusieurs députés nationaux du Kivu et de l’Ituri qui en exigent l’évaluation en plénière ouverte ou à huis clos.
Par conséquent, toute décision de Félix Tshisekedi d’en proclamer la levée sera interprétée dans l’objectif de la révision de la Constitution et non d’y ramener la paix pérenne !
La population opposée jusque-là à la prolongation de l’état de siège et à la prolongation du mandat de la Monusco pourrait changer d’avis dès lors que la motivation aura changé d’objectif : la révision de la Constitution.
Aussi, est désormais à craindre l’accentuation de la crise sécuritaire à l’Est avec pour effet d’entraînement le maintien de la présence de la Monusco et l’impact sur les processus de Nairobi et, surtout, de Luanda.
Évidemment, dans l’entendement du Chef de l’Etat, ce double processus ne résulte pas d’une crise politique !
Pas facile, par ces temps, d’être tshisekediste. Ou, simplement, de l’Union sacrée de la nation, sinon de l’Udps. Car on en vient à s’emmêler les pinceaux. Cas de la Constitution qu’on veut changer au motif des difficultés de mise en place des institutions. Pourtant, le problème résulte non de la Loi Fondamentale, mais du calendrier électoral, matière désormais catégorisée non politique.
Au moins l’Histoire ne ment pas. C’est en commençant à s’entêter par rapport au Dialogue (ou Conférence) que Mobutu Sese Seko et Laurent-Désiré Kabila avaient été rattrapés par les enjeux politiques, diplomatiques, sécuritaires, économiques et sociaux.
Quand ils avaient cherché à l’intégrer dans leur vision, ils en avaient déjà perdu l’initiative politique.
Or, perdre l’initiative, dans n’importe quel domaine de la vie, est la pire des choses à arriver dans tout leadership…
Omer Nsongo die Lema
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