Le procès du chercheur et journaliste camerounais Charles Onana, ouvert le 7 octobre devant le Tribunal correctionnel de Paris, a connu, lors de l’audition des premiers témoins, la comparution d’un témoin de taille en la personne du colonel belge à la retraire Luc Marchal, commandant des casques bleus de l’ONU dans la ville de Kigali lors du déclenchement du génocide en avril 1994.
Selon lui, tout en rappelant la thèse universellement admise, ‘‘l’élément déclencheur du génocide au Rwanda a été l’assassinat du président Habyarimana, le 6 avril 1994, par la branche armée du FPR commandée par Paul Kagame’’.
Devant la Cour, il a déploré la politique de la chaise vide pratiquée par le FPR en mars 1994.
Le colonel Marchal a soutenu devant le tribunal que la branche armée du FPR a également été la première à perpétrer un massacre de masse le 7 avril, soit 24 heures après l’assassinat de Juvénal Habyarimana, estimant que ‘‘tout a été planifié parce qu’on ne peut pas abattre l’avion présidentiel par hasard’’.
Abordant le sort des Tutsi restés au Rwanda et jamais partis en exil en Ouganda ou ailleurs, il a tenté de démonter que ‘‘c’était le cadet des soucis des dirigeants du FPR’’ qui les considéraient comme des «collabos» du régime Habyarimana.
Luc Marchal est venu témoigner en faveur de l’accusé Onana et rejette les accusations de négationnisme portées contre lui car son livre mis en cause est un «ouvrage scientifique», fruit de 10 ans de recherches qui ont abouti à la soutenance d’une thèse à l’Université Lyon III, obtenue en 2017 «avec félicitations du jury». Cette dernière s’appuyant sur des documents militaires et des archives issues de la CIA, de l’armée belge et du renseignement militaire français.
CHARLES ONANA SE DÉFEND
L’auteur franco-camerounais est jugé aux côtés de son éditeur pour « contestation de l’existence d’un crime de génocide », précisément le génocide des Tutsi au Rwanda de 1994.
Il est poursuivi pour des propos tenus dans son livre «Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise », paru en 2019. En 2020, la FIDH, la LDH et Survie avaient porté plainte. Après l’audition de Charles Onana, c’est au tour des témoins d’être entendus.
Face aux juges, lundi, Charles Onana s’est défendu de contester l’existence du crime de génocide. « Je ne nie pas du tout le génocide et ce procès d’intention ne le ferai jamais », a-t-il déclaré, dénonçant un «».
Il s’agit du second procès en France pour contestation du génocide des Tutsi. Le premier, en 2022, avait débouché sur une relaxe de la journaliste française Natacha Polony après des propos ayant suscité une vive polémique.
Le procès de M. Onana sera « historique, puisque qu’il n’existe pas encore de jurisprudence à proprement parler en lien avec le Rwanda » sur les questions de négationnisme, a affirmé à l’AFP Camille Lesaffre, chargée de campagne de l’association Survie. « Cela va permettre de préciser les limites légales des propos que l’on peut tenir sur ce crime contre l’humanité ».
Une vingtaine de témoins, dont d’anciens officiers militaires français et rwandais, ont été cités par la défense, tandis que les parties civiles ont fait appel à des historiens et professeurs de droit.
HUGO TAMUSA