L’après-reddition de comptes 2023 : Kamerhe lance une fatwa contre Aimé Boji et Nicolas Kazadi 

La séance plénière de l’Assemblée nationale du 29 octobre 2024 consacrée à l’audition du rapport de la Commission ECOFIN se rapportant à l’examen de la reddition des comptes du Budget de l’exercice 2023 a relancé l’épineuse question des malversations financières imputées aux deux ministres les plus concernés par l’élaboration et l’exécution du budget de la République.  Il s’agit de celui (reconduit) du Budget, Aimé Boji Sangara, et de son ancien collègue aux Finances, aujourd’hui député national, Nicolas Kazadi. En favorisant la mise sur pied d’une commission chargée d’enquêter sur les malversations constatées ou alléguées à charge des deux membres éminents de l’Union Sacrée de la Nation (USN), Vital Kamerhe met littéralement leurs têtes à prix. Une fatwa d’où ils ont du mal à s’extirper, à moins d’un sauvetage politique de haut vol.  

A l’Assemblée nationale, la reddition de comptes de l’exercice 2023 a mis en lumière de graves indices de malversation imputés à l’ancien argentier national, Nicolas Kazadi, et à l’actuel Ministre d’Etat en charge du Budget, Aimé Boji Sangara.

Faisant l’économie du Rapport de la Commission ECOFIN présidée par le député Guy Mafuta, le président de la chambre basse du Parlement, Vital Kamerhe, a résumé la situation jugée catastrophique et appelé à l’examen approfondi des conclusions qui devraient nécessairement déboucher sur des poursuites judiciaires éventuelles.

DÉPASSEMENTS BUDGÉTAIRES «INCROYABLES»

«Nous avons constaté que 450.000 milliards de FC (154.64 millions de dollars US) pour des dettes non certifiées dont 51% ont été réglées en procédure d’urgence tandis que le Programme de développement de 145 territoires (PDL-145) n’a reçu que 89 milliards de FC (33,68 millions de dollars US) […] Nous avons découvert des dépassements budgétaires incroyables, concentrés dans certains secteurs, tandis que d’autres demeurent totalement négligés. Les dépenses d’urgence ont également dépassé 51%, établissant ainsi une nouvelle norme. C’est devenu plutôt la loi. Vous avez aussi relevé que ce n’est pas le fait seulement des ministères du Budget et des Finances, mais il est question que l’on puisse établir les responsabilités de chaque responsable de ces actes de mégestion» a-t-il déclaré.

Après l’adoption du Rapport, la majorité des députés a adopté le principe de la mise en place d’une commission ‘enquête chargée d’établir les responsabilités individuelles de chaque membre du gouvernement concernant les irrégularités constatées, la finalité étant d’identifier les responsables des dysfonctionnements et de déterminer les mesures à prendre pour prémunir l’action du gouvernement des dérives dans la gestion des finances publiques.

ENJEUX POLITIQUES EN FILIGRANE

La décision de mettre en place une commission d’enquête l’a emporté sur une partie de l’Assemblée nationale qui aurait souhaité le rejet pur et simple du Rapport portant reddition de comptes en raison de nombreuses irrégularités alléguées et fautes de gestion constatées dans l’examen du projet de loi portant sur cette matière. Ce groupe de députés a été débouté au motif que cette issue aurait débouché sur une crise entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale, au moment où le pays fait face à une situation sécuritaire instable dans sa partie Est.

Une analyse objective  des débats concernant l’examen du projet de loi de reddition de comptes de l’exercice 2023 ciblant le ministre Aimé Boji et le député Nicolas Kazadi cache mal des enjeux politiques qui risquent d’influer en sens divers l’évolution à court terme des alliances au sein de la majorité parlementaire.

L’ancien argentier national avait déjà été mis en cause dans la sulfureuse affaire de surfacturation dans l’acquisition des lampadaires et des forages d’eau dans les 26 provinces a été partiellement mis hors en cause par le chef de l’Etat en personne invitant à «ne pas jeter en pâture l’honneur et la dignité d’un père de famille ».

Pour des raisons qui sont propres à l’UDPS dont il est un membre influent, Nicolas Kazadi peut encore compter sur le soutien du chef de l’Etat et le groupe parlementaire de l’UDPS à l’Assemblée nationale, à moins que des développements occultes ne soient survenus entre-temps, l’exposant aux fourches caudines des nombreux ennemis qu’il n’a pas manqué de susciter à l’époque encore récente de sa toute puissance.

Il n’en est pas de même d’Aimé Boji, un transfuge de l’Union pour la Nation (UNC) de Vital Kamerhe. Arrivé au gouvernement sous les couleurs et la bénédiction de l’UNC et Alliés, le ministre du Budget a,  depuis,  pris ses distances avec sa formation politique d’origine.

Reconduit contre l’avis de Vital Kamerhe, Aimé Boji doit s’attendre à un déclenchement sans merci des foudres de la revanche. Au mieux, il pourrait aussi compter sur les faveurs présidentielles pour se sortir du bourbier parlementaire et au pire, il devra céder son portefeuille au profit de l’UNC/A.

L’HEURE DE VÉRITÉ POUR KAMERHE

L’affaire des malversations n’est pas prête à livrer des conclusions qui remettraient en cause aussi bien le mandat parlementaire de Nicolas Kazadi ou la présence d’Aimé Boji  au gouvernement.

Le speaker de l’Assemblée nationale de son côté n’est pas à l’abri d’une volée de bois vert venant de l’UDPS. Son maintien au perchoir dépendra de sa diplomatie avec laquelle il va négocier le dossier de Nicolas Kazadi.

L’épée de Damoclès qui suspendue au-dessus de sa tête est entre les mains de l’UDPS où les plus radicaux lui reprocheraient son mutisme sur le projet de révision constitutionnelle. Une attitude qualifiée de tiède et résultant de nombreuses frustrations subies de son alliance avec Félix Tshisekedi.

Faire tomber avec fracas Nicolas Kazadi équivaudrait à se faire hara-kiri, une option secrètement caressée par ses partenaires politiques de circonstance. Fin politique, Kamerhe est conscient que son heure de vérité n’est guère éloignée.

Econews