Comme Premier ministre de la RDC entre 2012 et 2016, Matata Ponyo Mapon a gardé un souvenir amer de la suspension en novembre 2012 du PEG 2, second programme économique conclu en 2009 entre le FMI et l’Etat congolais. A l’époque, des contrats mal négociés à la Gécamines étaient à la base de cette rupture. Quelques années après, Matata s’étonne que le FMI se montre de plus en plus «complaisant» envers Kinshasa, malgré de graves ratés dans la gouvernance économique. A ce titre, Matata reste convaincu que «le FMI est complice des détournements en cascade et du sous-développement de la RDC entre 2019 et 2024». Dans une conférence de presse, organisée mardi à l’UPC (Université protestante au Congo) et coïncidant avec la présentation du nouveau numéro de la «Revue Congo Challenge», Matata a incontestablement cherché à régler ses comptes avec l’institution de Bretton Woods.
L’ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon, à la tête du gouvernement congolais de 2012 à 2016, a récemment soulevé de sévères critiques contre le Fonds monétaire international (FMI), accusant l’institution d’avoir contribué aux dysfonctionnements économiques et aux détournements de fonds en RDC. Lors d’une conférence de presse tenue mardi à l’Université protestante au Congo (UPC), Matata a fait des révélations inédites, affirmant que la «complaisance» du FMI a facilité le sous-développement de la RDC.
Dans un article, co-écrit avec le prof Jean-Paul Tsasa de l’UPC et publié dans le nouveau numéro de la «Revue Congo Challenge», les deux auteurs, enseignant en économie, ont lancé des piques méchantes envers le FMI.
«Le FMI est un faux médecin qui accompagne le malade qui ne prend pas ses médicaments, un faux médecin qui se réjouit de voir la température du patient monter. Il conclut la revue et procède au décaissement des fonds alors que les critères ne sont pas respectés. En 2010, lorsque j’étais ministre des Finances, la Gécamines avait conclu un programme, et le FMI avait déclaré qu’en raison de ce contrat non conforme à la transparence, je ne pouvais pas valider la revue. Aujourd’hui, le FMI, tel un apprenti sorcier, constate que les critères ne sont pas respectés à grande échelle, tant au niveau quantitatif que structurel, mais il continue à débourser des milliards de dollars, dont une partie est malheureusement détournée», a lancé Matata Ponyo.
Avant de fustiger la complaisance dont fait preuve cette institution de Bretton Woods, alors que les indicateurs conjoncturels et structurels ne sont pas au vert : «Trois personnalités de ce pays avaient écrit une lettre au FMI pour lui demander d’auditer afin de vérifier les détournements massifs. Malheureusement, il n’a jamais répondu à cette lettre. C’est-à-dire que le FMI est aussi complice du détournement. Le peuple congolais est conscient que le FMI est complaisant et qu’il accompagne les autorités congolaises dans les détournements des fonds publics »
LE SOUVENIR AMER DE LA SUSPENSION DU PEG 2 EN 2012
Matata Ponyo est revenu sur un épisode marquant de son mandat, à savoir la suspension en novembre 2012 du Programme économique gouvernemental (PEG 2), conclu trois ans plus tôt entre le FMI et la RDC.
Depuis lors, Matata Ponyo observe avec inquiétude l’évolution des relations entre le FMI et le gouvernement congolais, en particulier dans le cadre de l’accord triennal signé en juillet 2021. Cet accord visait à stimuler la croissance économique et à renforcer la transparence financière en RDC. Cependant, l’ancien Premier ministre déplore que les défaillances et «ratés» dans la mise en œuvre de cet accord n’aient pas été sanctionnés par le FMI. Il se dit «étonné» de constater la «complaisance» du Fonds envers le gouvernement, malgré des détournements présumés et une mauvaise gestion récurrente.
Pour Matata Ponyo, le FMI porte une part de responsabilité dans la dégradation économique du pays entre 2019 et 2024. Il estime que l’institution aurait fermé les yeux sur des détournements de fonds publics et des irrégularités dans l’application des réformes promises. «Le FMI est complice des détournements en cascade et du sous-développement de la RDC», a-t-il affirmé sans détour, accusant le Fonds de manquer de rigueur dans ses contrôles et de soutenir indirectement des pratiques dommageables pour le pays.
PRESENTATION DE LA «REVUE CONGO CHALLENGE»
Cette conférence coïncidait avec la présentation d’un nouveau numéro de la Revue Congo Challenge, une publication initiée par Matata Ponyo qui se penche sur les enjeux économiques et de développement en RDC. À travers cette revue, l’ancien Premier ministre s’efforce de sensibiliser l’opinion publique aux faiblesses du système économique et de proposer des alternatives pour améliorer la gouvernance du pays. Les critiques à l’égard du FMI, abordées dans le dernier numéro, reflètent selon lui la nécessité de réformer en profondeur la coopération entre la RDC et les institutions financières internationales.
Les critiques acerbes de Matata Ponyo pourraient bien susciter des débats sur la relation entre le FMI et la RDC, ainsi que sur l’efficacité des programmes d’aide internationale, alors que Kinshasa négocie une nouvelle ligne de crédit de 2,5 milliards USD avec le FMI, encouragé dans cette démarche par le succès du dernier programme de juillet 2021.
Les reproches de l’ancien Premier ministre Matata résonnent comme un appel à la vigilance et à la transparence. Il reste à voir si ces questions seront prises en compte dans les futures réformes, afin de bâtir un partenariat durable, bénéfique à l’économie congolaise et à la population.
En attendant, Matata Ponyo appelle les institutions, la Société civile et les acteurs politiques à un engagement collectif pour une meilleure gouvernance économique en RDC.
Econews avec Benny Lutaladio
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