Le lundi, à l’occasion de la commémoration des 60 ans de l’assassinat de la bienheureuse Anuarite Nengapeta, le Président de la République a surpris plus d’un en exprimant son souhait de recourir à la prière pour ramener la paix dans l’Est du pays. Une déclaration qui, au-delà de son aspect spirituel, soulève d’importantes interrogations sur l’état de la nation et l’efficacité de sa gouvernance face à la crise sécuritaire.
La République Démocratique du Congo, riche de ses ressources du sol et du sous-sol et forte de ses 100 millions d’âmes, fait face depuis des décennies à une instabilité chronique dans sa partie Est. Les groupes armés se multiplient, les violences se poursuivent et l’État semble incapable de reprendre la main. Alors, quand le Chef de l’État, garant de l’intégrité territoriale, en appelle à la prière comme ultime recours, faut-il y voir un élan de foi ou un aveu d’impuissance ?
Certes, le recours à la spiritualité n’est pas nouveau dans l’histoire des nations. Bien des dirigeants ont invoqué l’aide divine face à des défis majeurs. Mais dans un pays où les attentes envers l’État sont énormes, cette déclaration pourrait être perçue comme un aveu d’échec. Car, au-delà des prières, le peuple attend des actions concrètes : renforcement de l’armée, lutte contre les complicités internes, engagement diplomatique sérieux, et surtout, une stratégie claire et courageuse.
Le peuple congolais, victime d’atrocités inqualifiables, observe avec consternation ce glissement du pragmatisme vers le mysticisme. Si la foi est une force puissante, elle ne saurait remplacer la volonté politique et l’efficacité institutionnelle.
À qui se fier lorsque les autorités elles-mêmes semblent capituler face à l’ampleur de la tâche ?
Cette posture pourrait également affaiblir la crédibilité du gouvernement sur la scène internationale. En s’en remettant publiquement à la prière, Kinshasa envoie un signal troublant à ses partenaires étrangers : celui d’un État dépassé, incapable de maîtriser une partie de son territoire.
Personne ne contestera la légitimité d’une démarche spirituelle dans une société où la foi est ancrée dans les mœurs. Cependant, elle ne saurait se substituer à l’action. Le rôle d’un Chef d’État n’est pas seulement de prier pour son peuple, mais aussi de le protéger, de créer les conditions de la paix et du développement.
Les Congolais ont besoin d’une réponse forte, structurée et adaptée aux enjeux. L’heure est venue de mobiliser les ressources nationales, d’exploiter les alliances stratégiques et de faire preuve d’un leadership exemplaire. La paix dans l’Est de la RDC ne viendra pas uniquement des prières; elle résultera aussi d’un mélange d’actions courageuses, de résilience et d’une foi collective en l’avenir.
Il est impératif que cette déclaration du Président de la République ne soit pas interprétée comme une abdication, mais comme un appel à un sursaut national. Si la prière peut nourrir l’espérance, elle doit être accompagnée d’actes concrets pour répondre à l’urgence. Car la souffrance des Congolais, elle, ne prend pas de pause, et leur patience a des limites.
La RDC, riche de son potentiel humain et naturel, ne peut se permettre de laisser l’histoire se répéter. L’Est du pays attend des solutions, pas des incantations. Que la prière guide l’action, mais que l’action devienne la priorité.
Econews