Malgré les engagements d’approvisionnement responsable affichés par Apple et d’autres géants technologiques, les autorités congolaises dénoncent l’insuffisance des mécanismes de contrôle pour exclure les minerais de sang des produits finis. Accusant le Rwanda de faciliter ce trafic transfrontalier de ressources stratégiques, la RDC pointe une complicité indirecte des multinationales dans le pillage de ses richesses et les violations des droits humains. L’affaire est désormais portée concomitamment devant la justice française et belge.
Les autorités congolaises estiment que, malgré les garanties affichées par Apple et d’autres entreprises technologiques en matière d’approvisionnement responsable, les mécanismes existants ne suffisent pas à empêcher l’intégration de « minerais de sang » dans les produits finis. Face à ces allégations, Apple a réfuté toute implication dans le trafic de minerais et mis en avant ses efforts en matière de transparence.
Le trafic de minerais tels que l’étain, le tungstène, le tantale et l’or (réunis sous l’acronyme « 3TG ») via des circuits transfrontaliers, notamment par le Rwanda, reste un enjeu majeur.
La RDC considère ces pratiques comme une violation des droits humains et une forme de complicité dans le pillage de ses ressources. Elle accuse le Rwanda de jouer un rôle clé dans ce trafic qui bénéficierait à des firmes comme Apple.
La défense d’Apple
«Nous contestons fermement les affirmations de la RDC. Chez Apple, nous sommes engagés dans un approvisionnement responsable. Suite à l’intensification du conflit en 2024, nous avons demandé à nos fournisseurs de cesser d’approvisionner les fonderies en minerais provenant de la RDC et du Rwanda. La majorité des minerais utilisés dans nos produits sont recyclés, notamment 99 % du tungstène et 100 % du cobalt dans les batteries de l’iPhone 16 », a déclaré Apple dans une note à la presse.
L’entreprise souligne avoir renforcé son soutien aux initiatives locales pour aider les communautés affectées par ces conflits. Cependant, les ONG restent sceptiques quant à l’efficacité des mécanismes de contrôle d’Apple.
Un trafic bien organisé
Emmanuel Umpula, directeur exécutif de l’Observatoire africain des ressources naturelles, dénonce le rôle du Rwanda et de l’Ouganda dans ce commerce illicite : « L’or peut faire partie de ces cas-là. On sait qu’il y a des raffineries dans ces pays qui s’approvisionnent en minerais comme l’or venant de la RDC. Des rapports le démontrent clairement ».
Le Groupe d’experts des Nations unies sur le Congo a en effet révélé que l’or extrait en RDC transite illégalement par le Rwanda et l’Ouganda avant d’être exporté. Les autorités rwandaises nient ces affirmations, mais des négociants de Bukavu confirment que l’or du Sud-Kivu est souvent vendu à des acheteurs basés à Kigali ou à Cyangugu, au Rwanda.
«L’exploitation illicite des minerais dans l’est de la RDC est l’une des raisons pour lesquelles la guerre se perpétue. C’est un système prédateur qui pille les ressources minières et contribue à la persistance des conflits » ajoute Emmanuel Umpula.
Ces minerais alimentent pourtant le marché international. Pour brouiller les pistes, des négociants les acheminent vers des pays comme la Chine, où ils sont transformés avant d’être livrés à des entreprises telles qu’Apple, précise le chercheur.
Des solutions incertaines
La raffinerie d’or de Gasabo, seule opérationnelle au Rwanda depuis 2022, présente des lacunes dans sa politique de diligence raisonnable, selon le Groupe d’experts des Nations unies. Ceux-ci estiment que les responsables de cette raffinerie n’ont pas mis en place de procédures permettant de retracer l’origine exacte de l’or, ce qui renforce les soupçons d’implication dans le trafic transfrontalier.
La plainte de la RDC pourrait ouvrir un nouveau chapitre dans la lutte pour une exploitation plus éthique des ressources et forcer les multinationales à reconsidérer leurs chaînes d’approvisionnement, estime encore Emmanuel Umpula.
Avec DW
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