Alors que Kinshasa refuse catégoriquement toute négociation avec les «terroristes» du M23, le processus de paix de Luanda, conduit par le président angolais João Lourenço, semble désormais dans une impasse. Le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, ferme dans ses déclarations, a réaffirmé samedi devant les membres de l’Union sacrée de la nation qu’il n’y aurait «aucune négociation» avec un mouvement qu’il qualifie de «Rwanda déguisé». Cette position intransigeante place João Lourenço face à un défi de taille : comment réconcilier Kinshasa, qui rejette toute discussion, et Kigali, qui insiste sur un dialogue direct entre le gouvernement congolais et le M23 comme condition préalable à la paix dans l’Est de la RDC ? La question se pose : Tshisekedi a-t-il scellé le sort du processus de Luanda ? Une hypothèse qui prend de plus en plus de poids.
Face à l’inflexibilité affichée par Kinshasa, le processus de paix de Luanda, orchestré par João Lourenço, s’enlise dans une impasse qui pourrait s’avérer fatale. La position tranchée du président Félix Tshisekedi, réaffirmée avec force devant les parlementaires, membres du Gouvernement et chefs des regroupements politiques de l’Union sacrée de la nation, laisse peu de doutes quant à l’avenir immédiat des pourparlers. Pour Kinshasa, négocier avec le M23 – qualifié de «Rwanda déguisé» – est tout simplement hors de question.
Cette posture radicale soulève une question cruciale : le refus de dialogue condamne-t-il le processus de paix ou constitue-t-il une affirmation nécessaire de souveraineté nationale ?
UNE LIGNE ROUGE INFRANCHISSABLE
Dans son discours, le président Tshisekedi a été clair : même dans le cas hypothétique où le M23 avancerait jusqu’à la porte de sa résidence à la Cité de l’Union africaine, aucun dialogue ne serait envisagé. Ce refus catégorique marque une rupture avec l’approche conciliatoire préconisée par le processus de Luanda. Aux yeux de Kinshasa, toute forme de négociation reviendrait à légitimer une entité jugée illégitime et manipulée par Kigali.
En optant pour cette fermeté, Tshisekedi entend défendre l’intégrité territoriale et la dignité nationale. Mais cette stratégie comporte des risques. D’une part, elle peut renforcer l’unité interne face à une menace extérieure perçue. D’autre part, elle pourrait éroder la crédibilité des efforts régionaux de médiation et alimenter la méfiance entre acteurs de la région.
Le processus de Luanda visait à instaurer un cadre de dialogue pour résoudre la crise sécuritaire qui ravage l’Est de la RDC. Mais l’attitude de Kinshasa, combinée aux prétentions du M23, menace de réduire à néant les efforts entrepris. Pour Tshisekedi, tout dialogue avec le M23 reviendrait à légitimer une organisation qu’il accuse d’être la marionnette de Kigali. Ce refus s’ancre dans une volonté de préserver la souveraineté nationale et de ne pas céder à une organisation qu’il qualifie de «terroriste».
Cette position radicale contraste avec les attentes de João Lourenço, qui espère aboutir à une solution pacifique à travers le dialogue. Toutefois, sans la participation active de Kinshasa, le processus de Luanda risque de perdre toute crédibilité et pertinence.
QUELS ENJEUX POUR LA PAIX REGIONALE ?
L’impasse actuelle pose de sérieuses questions sur l’avenir de la stabilité dans la région des Grands Lacs. Déjà marquée par des décennies de conflits, l’Est de la RDC continue de souffrir des incursions de groupes armés. La communauté internationale, bien qu’impliquée, peine à trouver un levier efficace pour mettre fin aux hostilités. Le processus de Luanda représentait un espoir, mais les divergences entre les parties prenantes compliquent son aboutissement.
D’un côté, Kinshasa se veut inflexible sur sa ligne de conduite. De l’autre, Kigali et le M23 exigent un dialogue direct comme condition préalable. Cette opposition traduit une fracture qui pourrait non seulement faire échouer le processus de Luanda, mais aussi alimenter une escalade de violences.
LE DILEMME DE JOÃO LOURENÇO
Pour le président angolais, le processus de Luanda était censé offrir une feuille de route pour une paix durable dans l’Est de la RDC. Mais comment avancer lorsque les positions des principaux protagonistes sont aussi inconciliables ? Kigali conditionne toute avancée à des discussions directes entre Kinshasa et le M23, alors que Tshisekedi rejette cette idée avec une intransigeance assumée.
João Lourenço se retrouve ainsi face à un casse-tête diplomatique. Toute tentative de pression sur Kinshasa pourrait être interprétée comme une remise en cause de sa souveraineté, tandis qu’un soutien à cette position risque de désarçonner Kigali et de rendre le M23 encore plus agressif.
La question se pose désormais avec acuité : Tshisekedi a-t-il délibérément tourné le dos au processus de Luanda ? La réponse semble pencher vers l’affirmative, du moins pour l’instant. Le refus de tout contact avec le M23 fragilise irrémédiablement les mécanismes de dialogue. En conséquence, le processus de Luanda pourrait devenir un outil diplomatique vide de substance, faute de volonté politique partagée.
Cette situation appelle à une réflexion plus large sur les mécanismes de paix en Afrique centrale. L’intransigeance de Kinshasa, bien qu’elle puisse être comprise dans le cadre d’une défense de la souveraineté nationale, illustre à quel point les médiations régionales peinent à s’adapter aux réalités complexes des conflits locaux.
POSTURE SOUVERAINISTE
Pour éviter un enlisement durable, une révision de la stratégie semble indispensable. L’implication d’acteurs internationaux comme l’Union africaine ou les Nations Unies pourrait offrir un levier supplémentaire. Mais cette voie n’aura de sens que si elle parvient à dépasser les blocages actuels.
Tshisekedi joue une partie risquée en refusant tout compromis. S’il parvient à démontrer que cette posture ferme peut aboutir à une stabilisation par d’autres moyens, il renforcera sa position sur la scène nationale et régionale. Dans le cas contraire, il pourrait être tenu pour responsable de l’enlisement des efforts de paix. Ce qui est certain, c’est que le processus de Luanda, tel qu’il est conçu aujourd’hui, est en train de sombrer.
Quoi qu’il en soit, en refusant toute interaction avec le M23, Tshisekedi envoie un message clair : la souveraineté de la RDC est non négociable. Mais cette posture, bien que ferme, risque de marginaliser le processus de Luanda, laissant la région dans une instabilité prolongée. Le futur du dialogue régional dépendra donc de la capacité des différents acteurs à trouver un terrain d’entente, malgré des positions jusqu’ici inconciliables.
Econews
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