Depuis mars 2022, la République Démocratique du Congo (RDC) s’est lancée dans un projet ambitieux : la mise en place d’unités locales de production de plaques d’immatriculation, dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). Cette initiative, portée par le Ministère des Finances et adoptée lors de la 19ème réunion du Conseil des ministres en septembre 2021, visait à moderniser le secteur automobile, renforcer la sécurité routière et améliorer la gestion des données fiscales et territoriales. Cependant, près de trois ans après son lancement, le projet demeure dans l’impasse, alimentant l’incertitude et révélant des lacunes administratives préoccupantes.
Une Initiative prometteuse, mais bloquée par l’interruption de procédure d’interruption décidée par le Ministère des Finances datée du mois novembre 2024 évoquant un décret non applicable au cas de réimmatriculation complète et des divergences entre les attributaires provisoires donc avouant ne pas vouloir annoncer le gagnant du marché. La base légale de cette décision d’interruption d’attribution n’indique pas l’accord de la DGCMP pourtant nécessaire.
Le projet prévoyait la production locale des plaques d’immatriculation, une première en RDC, afin de réduire la dépendance aux importations, générer des emplois et moderniser la gestion des immatriculations. Le processus a débuté en mars 2022 par un appel d’offres structuré en deux volets distincts :
1. La production de plaques d’immatriculation.
2. Le volet numérique, incluant un logiciel intégré pour la gestion des immatriculations.
En mars 2024, le ministère des Finances a annoncé que le volet (2) logiciel était opérationnel. La Direction Générale des Impôts (DGI) utilise désormais une plateforme numérique servant de «guichet unique» pour les commandes de plaques et de cartes roses. Toutefois, le volet de la production des plaques, plus simple que complexe, reste au point mort, bien que trois groupes aient été déclarés « gagnants provisoires » en avril 2024 : CASTILLO VALERE, GROUPEMENT IMMO SERKAS & MUHLBAUR et GROUPEMENT RAY-GROUP/SPM.
Malgré cette annonce, aucune avancée tangible n’a suivi.
Le retard prolongé dans la mise en œuvre du projet met en lumière des failles majeures, notamment : l’absence de transparence dans le processus de sélection, l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) n’a pas publié de détails clairs sur les critères ayant conduit à l’attribution provisoire, la gestion opaque des ressources, des dépenses significatives ont été engagées pour les vérifications administratives et techniques, sans résultat concret.
Il y a aussi l’inertie administrative où le blocage prolongé reflète une incapacité à dépasser les obstacles bureaucratiques au détriment d’un projet stratégique pour la RDC.
Enjeux stratégiques et sécurité des données
La production locale des plaques d’immatriculation dépasse le simple aspect logistique. Elle touche à des enjeux stratégiques, notamment :
1. La sécurité des données sensibles : les informations relatives aux véhicules et à leurs propriétaires sont cruciales pour la fiscalité et la lutte contre la fraude. Leur gestion par un acteur privé, envisagée dans le projet, soulève de sérieuses inquiétudes.
2. La souveraineté nationale : dans la plupart des pays, la gestion des données sensibles reste une prérogative des autorités publiques, garantissant leur protection et leur intégrité.
3. L’interopérabilité entre les systèmes : la séparation des volets numérique et physique permet néanmoins de séparer et corréler ensuite les rapports l’harmonisation entre la production et livraisons de plaques d’immatriculation et le logiciel de gestion de la DGI. Cela éviterait des préjudices pour l’Etat tels qu’en Côte d’Ivoire en 2018, via le Guichet Unique. Des incohérences entre les données du système de dédouanement automatisé et celles du système informatique du Guichet Unique avaient été constatées.
Le temps presse
L’absence de production locale des plaques d’immatriculation retarde la modernisation du secteur automobile, pourtant indispensable pour :
– Améliorer la sécurité routière. Une gestion modernisée réduit les fraudes et facilite le suivi des véhicules.
– Renforcer les finances publiques. La vente de plaques localement produites génèrerait des revenus importants pour l’État.
– Stimuler l’économie nationale. La création d’emplois locaux dans la production et la gestion administrative serait un atout majeur.
Il est impératif que les décideurs impliqués dans ce projet fassent preuve de transparence et d’efficacité. Les recommandations suivantes s’imposent :
1. Publier un rapport détaillé sur les critères d’attribution provisoire des marchés. Cela inclut les prix proposés, les garanties bancaires et les capacités techniques des soumissionnaires.
2. Désigner rapidement le candidat final pour la production des plaques. Ce choix doit s’appuyer sur des critères objectifs et inclure un calendrier précis.
3. Garantir la sécurité des données sensibles. L’État doit conserver le contrôle total sur les informations relatives aux véhicules et à leurs propriétaires.
Une opportunité à ne pas gâcher
Le projet de production locale de plaques d’immatriculation est une occasion unique pour la RDC de démontrer sa capacité à gérer des réformes structurelles essentielles. Les Congolais attendent des résultats concrets, dans un climat de confiance et de transparence. Il est temps pour les autorités de dépasser les blocages administratifs et de transformer cette initiative en un exemple de bonne gouvernance.
Le temps presse, il faudra veiller à ce que cette interruption d’attribution du marché ne pas soit pour un gré à gré pour la solution d’un autre Guichet Unique et d’autres coûts supplémentaires pour le volet numérique sans veiller à la production locale de plaques infalsifiables. Aussi l’exercice budgétaire 2025 projette une baisse des revenus sur les ventes de plaques donc est contraire à l’effet qu’aurait une réimmatriculation pose la question relative à la sécurité, impératif qui ne semble pas à l’ordre du jour en dépit de l’insécurité grandissante.
Tighana Masiala
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