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Prospective : le dialogue intercongolais bis repetita (*)

Ce papier était rédigé en réaction dans un groupe WhatsApp il y a  plus de quatre mois. Je pense que son contenu est d’actualité. J’ai effectué une mise à jour étant donné son caractère open source.  

Faisons de la prospective sur l’intégrité de la RD Congo en mode open source. Il s’agit de partager les intelligences sur le devenir de notre pays au-delà de l’ambiance délétère ressentie par certains, tandis que d’autres sont dans le déni absolu, portant l’institutionnalisation de la banalisation de la distraction.

Cette dynamique implosive est réversible pour autant que les hommes, les citoyens, prennent conscience du péril ou des périls auxquels notre désir ardent de vivre ensemble est fortement menacé.

Le débat politique actuel porte sur le dialogue entre Congolais autour du thème de la cohésion nationale. Ce concept devra être clairement défini pour que chaque Congolais intériorise sa valeur sans appréhension partisane. Ce débat semble rendre inaudible l’autre concept portant sur la révision de la Constitution au motif que certaines de ses dispositions n’assurent pas l’effectivité du séquençage de mise en place des institutions à l’issue d’un cycle électoral. Faudrait-il renvoyer les citoyens à la lecture limpide de son préambule ? Si l’on y prend garde, les mauvaises conceptions engendreront l’éclatement de la RD Congo, non pas par son occupation directe par les forces étrangères identifiées rwandaises et ougandaises, malgré le déni sur la seconde,  mais parce que son implosion sera provoquée par l’irresponsabilité de ses citoyens, facilitant une intervention extérieure au motif du droit international pour la protection des vulnérables.

Depuis la prise de Bunagana par le M23 assisté des RDF, le 13 juin 2022, qui ont fait leur irruption à partir de l’Ouganda, malgré son déni, nos forces armées n’arrivent pas à récupérer nos territoires désormais sous contrôle de ces étrangers. Dans ce tunnel, quelles sont les options qui nous restent ? Les braillards patriotes réclament la poursuite des combats, mais comment ? Avions-nous établi les bilans de ces trente-deux mois d’occupation d’une partie de notre pays ?  Oui à la guerre ! Devoir sacré pour récupérer nos terres. Cependant, la guerre n’est pas une question de grande gueule. Mais procède de la stratégie froide, de destruction de l’autre quel qu’en soit le prix,  après avoir évaluer les capacités et les capabilités de nos ennemis. Devrions-nous continuer à battre en retraite jusqu’à Kinshasa ou nous ouvrir au dialogue national initié par le Président de la République à travers les hauts représentants des églises chrétiennes ? 

Le dialogue, pour quoi faire ?

L’initiative du Président pour un dialogue sincère, sans tabous, est louable. Elle vise à construire les fondations de la consolidation de notre vivre-ensemble dans un Congo Uni, fort et prospère. Sinon, ce sera la fin du Congo unitaire et décentralisé qui a constitué le point de convergence de l’accord global et inclusif de Sun City.

Avec l’absence d’institutions fortes dirigées par des hommes de valeur et de grande vertu, capable de mettre le pays au-dessus des intérêts personnels ou tribaux bassement primaires, il y a lieu de croire, lors de la tenue de ce dialogue, les « notables » auto-proclamés, portés par des élans de se retrouver roitelets, originaires du Kivu, de l’Ituri et du Katanga, se livreront à exiger le fédéralisme immédiat. Nous ne pouvons ignorer qu’aujourd’hui, l’écosystème politique et administratif, alimenté par des ressentiments fortement linguistiques, ruine les fondations de résistances internes et externes forgées par Mobutu pour garantir l’unité de la RD Congo. Les socles des sentiments de l’identité congolaise s’effritent au jour le jour. Les référentiels d’identité tels que la carte d’identité, le permis de conduire, le numéro fiscal personnel, le système d’immatriculation des véhicules et bien d’autres font l’objet de détournements abjects. Nombre de ces coupables se retrouvent dans les institutions publiques. Qui est Congolais ? Comment le justifie-t-il dans un pays où l’état civil est quasi inexistant !

Les « notables », les seigneurs de guerre, les pilleurs de nos ressources minérales collectives, les détourneurs des deniers publics ont compris que dans cet écosystème de désordre structurel et mental, il y sera difficile de forger la paix dans le Grand Est tant que le pouvoir central de Kinshasa sera incapable d’engager des réformes structurelles comme mettre en place une armée (lire Leny Ilondo : 30.08.10 Le Potentiel: L’Africom ne formera pas une armée congolaise intégrée – Congoforum.be), développer des infrastructures adéquates et assurer les prestations sociales de base de qualité (eau, électricité, école, santé, article 48 de la Constitution). Certains diront que le PDL145T est un début de solution. Je veux bien, mais un audit profond est impératif.

Dans la prospective des « notables », la confédération des États fragiles du Congo, il faudra s’attendre à des résurgences des conflits tribaux internes telles que vécues au début des années 60. Les « présidents autoproclamés » du Lualaba, du Haut Katanga, du Tanganyika, du Sud Kivu, du Nord Kivu, de l’Ituri, de Maniema se verront immédiatement courtisés par les Chinois, les Indiens et les Occidentaux qui ont besoin de sécuriser leurs importations de matières premières pour s’imposer dans le nouvel ordre mondial qui est en train de voir le jour à travers notamment le BRICS. Vous connaissez le complexe du Congolais devant l’étranger. Le népotisme et le clanisme serviront aux étrangers pour  torpiller toute initiative louable de satisfaction de l’intérêt général qui viendrait des « présidents autoproclamés ».

Il n’y aura pas que ces étrangers qui viendront de loin, de très loin. Dans notre sous-région, les Angolais sont « rassurés » par les premiers envois de cuivre par le CFB (Chemin de fer de Benguela). J’ai demandé les éléments relatifs aux bénéfices que tire la RD Congo grâce à la réhabilitation de cette voie ferroviaire, susceptible d’annihiler les effets positifs du Port en eau profonde de Banana en cours de construction. Pour les Angolais, la fédération des États du Congo, le Kongo Central (à cause du Cabinda, de Inga, et du pétrole) et la capitale surpeuplée de Kinshasa (40 minutes d’avion) présentent deux centres d’intérêts majeurs sur lesquels leur armée peut fondre en cas de problème. Ils s’assureront que Katanga exportera ses productions minérales par Lobito, qui est la source d’approvisionnement de leur parrain USA et du bloc Occidental. Ils verront d’un bon œil le réveil des velléités séparatistes absurdes dans le Grand Kasaï en 1960.

L’Ouganda, le Rwanda, le Kenya, la Tanzanie, la Zambie et même le Burundi, avec notre adhésion précipitée à l’EAC, la Confédération des Etats du Congo est probablement le dividende pour le prix payé pendant des années de poursuite des FDLR et ADF imaginaires et pour une paix durable axée sur les intérêts mutuels avec tous les voisins. L’Ouganda s’empressera de signer des accords commerciaux et de défense avec ses voisins (Ituri et Haut Uele). Ces accords seront appuyés par les pétroliers français et chinois qui lorgnent les réserves du Lac Albert dans de l’Ituri, ainsi que les miniers qui sont intéressés par Mongwalu. Le Rwanda sera rassuré que les Etats du Nord Kivu et du Sud Kivu pourront s’engager à assurer la sécurité de la frontière tout en resserrant les liens financiers et commerciaux par les réserves d’or et de tantale et l’exploitation du gaz méthane en unitisation. La Tanzanie et le Burundi qui ont déjà érigé des ports secs pour approvisionner la région du Lac Tanganyika qui touche un marché de 20 millions d’âme trouveront leur compte. Quant à la Zambie, elle a déjà l’exemple d’un leader politique congolais dont les intérêts économiques sont à cheval entre deux pays. Tous les autres leaders katangais ont déjà des liens étroits avec les pays voisins et peuvent garantir le développement d’un pôle économique prospère qui va irradier l’Afrique Australe.

23 ans après Sun City, retour à la case départ

Vingt ans après Sun City, il faut admettre que les institutions centrales vidées de leurs substances dictées par les constituants et animées par ceux qui s’installent et installent dans Kinshasa, ma ville, ma vie, la capitale congolaise, sont devenues le centre de la corruption. L’institutionnalisation de la banalisation de la distraction devient le catalyseur du sous-développement de la RD Congo. De surcroît quand elles sont abandonnées entre les mains de satrapes !

Enfin, le dialogue devrait aboutir à l’atteinte des objectifs suivants :

     

      • Assurer de l’intégrité de notre territoire telle que reconnue depuis 1885 et à laquelle la communauté international requiert son intangibilité.

      • Résoudre les conflits régionaux avec nos voisins une fois pour toute et construire la paix. Ils seront toujours physiquement et commercial là. Ce qui importe, c’est l’intérêt que va tirer la RDC. Il faudra se rappeler pourquoi le Maréchal Mobutu tenait tant à la pérennité de la CPGEL. Si nous ne savons pas où aller, au moins souvenons-nous d’où l’on vient. En effet la politique de la table rase est souvent l’opprobre des irresponsables.

      • Construire une stabilité politique intérieure dans le strict respect de la hiérarchie de nos lois. Taire les logorrhées de divisions porter par les impertinents du village.

      • Garantir la cohésion nationale et sociale par l’application des lois, règlements et sanctions acceptés par tous.

      • Protéger notre environnement et le rendre rentable pour capter les crédits carbones indispensables aux investissements dans l’éducation, la santé et autres.

      • bâtir une armée moderne, équipée, formée et motivée.

      • Repenser la politique de l’artisanat minier. Cette activité est le terreau fertile de notre instabilité politique et sécuritaire partout où elle est autorisée. Nous n’avons pas appris les leçons de la libéralisation de l’artisanat minier diamantifère dans les deux Kasaï à l’époque du Maréchal Mobutu. Depuis, les deux provinces sont appauvries par l’artisanat qui est une activité individuelle égoïste ne contribuant pas au développement ni d’un territoire, ni d’une province, ni de notre pays. Elle est la source permanente des conflits armés semant des catastrophes humanitaires, la désolation. Pour preuve, la trajectoire du M23/AFC passe par les territoires les plus dotés en minerais facilement exploitable avec un marteau, un burin et un sac en polypropylène. Dans l’ITURI, la production artisanale d’or née du conflit sanglant entre les groupes armés CODECO et ZAÏRE passe par l’Ouganda. Dans le Grand Est, l’exploitation des 3T et l’or passe par le Rwanda et n’apporte aucun développement social. En revanche, on voit comment ces minéraux transitant par le Rwanda et l’Ouganda contribuent aux développement infrastructurel de nos agresseurs. Malgré les chiffres des productions artisanales en hausse, l’indice de développement humain (IDH) en RDC et plus particulièrement dans les provinces riches en minerais est de 0,481 (2022), ce qui classe notre pays au 180ème rang mondial sur 189.  L’artisanat minier : quelle illusion, quelle gâchis !

    J’ai signalé que ce texte est un open source. Prière de partager vos intelligences pour la construction d’une stratégie d’intégration de notre diversité dans notre beau pays. Pour ceux qui partagent une opinion contraire, libre à le manifester. De grâce, évitez de descendre dans les caniveaux, car le pays n’en a pas besoin.

    (*) Les intertitres sont de la rédaction

    Leny Ilondo

    Kinshasa, 6 février 2025

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