Des troupes de l’UPDF, l’armée ougandaise, sous la supervision du général Muhoozi Kainerugaba, fils du président Museveni, ont fait leur entrée mardi à Bunia, en Ituri, avec l’aval des autorités militaires congolaises. Officiellement, cette intervention vise à mettre un terme aux massacres perpétrés par les milices dans la région. Un déploiement qui suscite néanmoins des interrogations, bien que les FARDC assurent qu’il ne s’agit pas d’une invasion.
Comme annoncé, les troupes de l’UPDF, l’armée ougandaise, ont franchi mardi les frontières de la République Démocratique du Congo (RDC) et sont entrées dans la ville de Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri. Ce déploiement, supervisé par le général Muhoozi Kainerugaba, fils du président ougandais Yoweri Museveni et chef d’état-major général des forces armées ougandaises, vise à mettre un terme aux violences meurtrières perpétrées par les milices actives dans la région.
Ce déploiement survient alors que le groupe armé antigouvernemental M23, allié à des troupes rwandaises, s’est emparé dimanche de la ville de Bukavu, capitale provinciale du Sud-Kivu, après une progression éclair dans l’Est de la RDC qui les a vus prendre fin janvier Goma, grande ville et nœud économique du Nord-Kivu.
Bunia, non loin du lac Albert et de l’Ouganda, est régulièrement le théâtre d’attaques de groupes armés, notamment du M23 et des Forces démocratiques alliées (AFD), à l’origine des rebelles ougandais majoritairement musulmans.
«Oui, nous avons déployé nos troupes à Bunia », a déclaré à l’AFP le porte-parole de la défense ougandaise, Felix Kulayigye. « Il y a eu des massacres commis par des milices et nous avons convenu avec nos homologues congolais de mener des opérations conjointes pour sauver des vies », a-t-il poursuivi.
UN DEPLOIEMENT SOUS SURVEILLANCE
L’arrivée de ces troupes étrangères en territoire congolais suscite des interrogations, notamment sur la souveraineté nationale et les implications d’une telle intervention. Toutefois, du côté des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), on tente de rassurer.
«L’armée ougandaise n’a pas l’intention d’envahir la ville de Bunia», a affirmé le lieutenant Jules Ngongo, porte-parole du gouverneur militaire de l’Ituri.
Selon les autorités locales, ce déploiement s’inscrit dans le cadre d’une coopération militaire entre la RDC et l’Ouganda, qui collaborent déjà depuis 2021 dans la traque des rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé d’origine ougandaise sévissant dans l’Est congolais.
La présence des troupes ougandaises à Bunia vise donc à renforcer la sécurité et à appuyer les FARDC dans la lutte contre les groupes armés qui sèment la terreur parmi les populations civiles.
Samedi, le chef des forces armées ougandaises Muhoozi Kainerugaba avait donné 24 heures « à toutes les forces de Bunia pour rendre leurs armes ». «S’ils ne le font pas, nous (…) les attaquerons », avait aussi averti sur X le fils du président Yoweri Museveni, réputé pour ses publications incendiaires.
L’armée ougandaise (UPDF) avait annoncé fin janvier qu’elle allait « renforcer ses défenses » dans l’Est de la RDC contre les groupes armés, sans détailler combien d’hommes y seraient envoyés.
Selon des sources militaires, des milliers de soldats ougandais sont déployés en Ituri.
Les ADF ont tué des milliers de civils et multiplient des pillages et meurtres malgré le déploiement de l’UPDF aux côtés des forces armées congolaises (FARDC) dans le cadre d’une opération appelée «Shujaa », lancée fin 2021.
Le déploiement à Bunia fait partie de cette opération et n’accroît pas les effectifs ougandais en RDC, selon Felix Kulayigye.
L’Ouganda a été accusé par des experts de travailler aussi contre les intérêts de la RDC en soutenant le M23, lui permettant d’utiliser le territoire ougandais comme voie d’approvisionnement – des accusations que le pays a fermement rejetées.
Des analystes craignent que l’escalade dans l’Est de la RDC ne conduise à une répétition de la situation de 1998, lorsque l’Ouganda et le Rwanda soutenaient des groupes rebelles dans la région.
Cela a déclenché ce que l’on a appelé la deuxième guerre du Congo, qui a duré jusqu’en 2003, impliquant de nombreux pays africains et entraînant des millions de morts dus à la violence, aux maladies et à la famine.
Les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) et les Forces armées de la RDC (FARDC) mènent des opérations conjointes contre le groupe terroriste islamiste ADF. La traque, débutée à Beni (Nord-Kivu), devrait s’étendre en Ituri où les combattants de cette ex-rébellion ougandaise ont trouvé refuge.
HUGO TAMUSA