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Gouvernement d’union nationale : pour quelle efficacité sans un dialogue au préalable ?

Le Président de la République, Félix Tshisekedi, a annoncé samedi la mise en place imminente d’un Gouvernement d’union nationale, incluant certaines forces de l’opposition. Objectif affiché : élargir le front commun face à l’agression armée qui frappe le pays, notamment dans l’Est, où des groupes rebelles comme le M23 continuent de semer l’instabilité. 

«Je compte dans les prochains jours, charger mon conseiller spécial de voir d’autres Congolais acteurs politiques pas ceux qui portent les intérêts étrangers, de les inviter à venir dans cette coalition que je veux nationale, forte et indivisible qui va faire front face à l’ennemi (…) celui qui acceptera de prendre la main, sera le bienvenu et nous discuterons peut-être de la composition d’un gouvernement d’union nationale », a-t-il dit devant ses alliés de l’Union sacrée de la nation qu’il a rencontrés samedi au chapiteau de la cité de l’UA.

Toutefois, cette initiative, bien que saluée pour son ambition, suscite des interrogations sur ses modalités et son efficacité en l’absence d’un dialogue national préalable.

UN CONTEXTE CRITIQUE

La RDC traverse une crise sécuritaire persistante, marquée par des conflits dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, où des milliers de civils sont déplacés.

Face à cette urgence, le Chef de l’État insiste sur la nécessité d’une unité nationale renforcée. «Seul un front commun nous permettra de surmonter les défis sécuritaires et de préserver notre souveraineté», a-t-il déclaré. L’idée d’un exécutif inclusif, intégrant des figures de l’opposition, vise ainsi à transcender les clivages politiques pour prioriser la lutte contre l’« agression étrangère ».

Si l’intention est louée, les détails pratiques restent dans l’ombre. «Comment constituer un tel gouvernement sans avoir au préalable défini un pacte social commun?», interroge un analyste politique sous couvert d’anonymat.

En effet, plusieurs acteurs politiques et observateurs soulignent que la réussite d’une union nationale passe nécessairement par un dialogue approfondi entre toutes les parties, incluant la majorité présidentielle, l’opposition et la société civile. Or, les initiatives de médiation portées par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) peinent à convaincre, notamment au sein de la mouvance présidentielle, accusée par certains de manquer d’ouverture.

LE RISQUE D’UNE COHESION ILLUSOIRE

Les sceptiques redoutent qu’un gouvernement élargi, mais non consensuel, ne cristallise les tensions au lieu de les apaiser. «Sans accord sur les priorités nationales — sécurité, élections, réforme des institutions —, ce projet pourrait se muer en champ de bataille politique», met en garde un membre de l’opposition.

D’autres craignent que l’inclusion symbolique de certaines figures oppositionnelles ne serve davantage à légitimer le pouvoir en place qu’à instaurer une réelle collaboration.

Pour de nombreux experts, le dialogue reste la clé. «L’histoire récente de la RDC montre qu’un exécutif d’union nationale, sans base négociée, est voué à l’échec», rappelle un universitaire congolais. Les précédents gouvernements, dits «de cohésion », ont souvent buté sur des luttes de pouvoir et des désaccords structurels. La CENCO et l’ECC, bien que crédibles pour leur neutralité, n’ont jusqu’ici pas réussi à impulser une dynamique inclusive, en raison de la méfiance persistante entre acteurs politiques.

Si la volonté du Président  Félix Tshisekedi de rassembler les forces vives du pays est perçue comme un pas vers l’apaisement, elle ne saurait contourner l’impératif d’un dialogue franc et inclusif. Sans cela, le Gouvernement d’union nationale risque de rejoindre la longue liste des initiatives bien intentionnées, mais inefficaces, dans un pays où la défiance politique reste un obstacle majeur à la stabilité. L’espoir d’une cohésion durable repose désormais sur la capacité des Congolais à prioriser le dialogue sur les calculs partisans.

Francis N.

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