La République Démocratique du Congo (RDC) traverse, une fois encore, une crise institutionnelle qui en dit long sur les fragilités de son édifice démocratique. Le procès de l’ancien Premier ministre Matata Ponyo, accusé d’avoir détourné plus de 80 millions de dollars dans le scandale du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, a viré au duel entre deux piliers de l’État : l’Assemblée nationale, dirigée par Vital Kamerhe, et la Cour constitutionnelle, présidée par Dieudonné Kamuleta.
Derrière les arguments juridiques sur l’immunité parlementaire et l’indépendance de la justice, c’est une question fondamentale qui se pose : dans un État de droit, qui doit l’emporter lorsque les gardiens de la loi semblent se contredire ?
Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, a raison de rappeler que l’immunité parlementaire est un pilier de la démocratie. Elle protège les élus du peuple contre des poursuites arbitraires, permettant à la représentation nationale d’agir sans crainte de représailles.
La Cour constitutionnelle, de son côté, brandit l’article 165 de la Constitution, qui lui confère le pouvoir de juger les hautes personnalités de l’État.
En refusant de plier devant les injonctions de l’Assemblée nationale, Dieudonné Kamuleta affirme l’autorité d’une justice « malade », selon les propres mots du Président de la République, mais dont l’indépendance reste sacro-sainte. Pourtant, dans un pays où les procès à haute teneur politique sont souvent perçus comme des instruments de règlement de comptes, la légitimité même de la Cour est mise à l’épreuve.
Bien plus, une Cour constitutionnelle, qui ignore les garde-fous démocratiques, risque de sombrer dans l’arbitraire.
Le vieil adage selon lequel « la justice élève une nation » résonne aujourd’hui comme un défi. Les neuf sages de la Cour constitutionnelle ont le devoir de rendre une justice équitable, mais aussi de regagner la confiance d’un peuple épuisé par des décennies d’impunité.
La réouverture du procès ce mercredi 23 avril doit être l’occasion d’un sursaut. Pour la Cour constitutionnelle, cela implique de démontrer son impartialité par des preuves tangibles et un procès équitable. Pour l’Assemblée nationale, cela suppose de faire entendre sa voix comme gardien de la démocratie.
La démocratie congolaise est à la croisée des chemins. Elle ne survivra pas si ses institutions continuent de s’entre-dévorer au lieu de se contrôler mutuellement. Le procès Matata Ponyo doit devenir un test de maturité : non pas un spectacle où s’affrontent des egos politiques, mais un moment où le droit et l’éthique triomphent des calculs partisans.
En cette période de Pâques, où le Cardinal Ambongo appelait à « trouver les germes d’un avenir radieux », la RDC a besoin plus que jamais d’une justice qui élève, et non qui humilie. Car sans justice crédible, aucune nation ne peut renaître.
KUEDIAS