Sous médiation américaine, la RDC et le Rwanda ont scellé, vendredi à Washington, un accord de principes, marquant une avancée potentielle vers la paix dans la région des Grands Lacs. Supervisé par Marc Rubio, chef de la diplomatie américaine, ce rapprochement fait suite aux pré-négociations de Doha et relance l’espoir d’une stabilité régionale. Mais derrière cette déclaration se cachent des concessions sensibles : Kinshasa accepterait une gestion partagée des ressources naturelles avec Kigali, en échange d’un désengagement rwandais des zones conflictuelles. Une perspective qui divise profondément l’opinion congolaise, entre ceux qui y voient une capitulation et ceux qui saluent un compromis nécessaire. Alors que la cheffe de la diplomatie congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner, appelle à l’apaisement en promettant que « la souveraineté n’est pas négociable », une question persiste : cet accord, aussi historique soit-il, suffira-t-il à tourner la page de décennies de violences dans l’Est de la RDCongo ?
Sous les auspices des États-Unis, la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont signé un accord de principes, marquant une étape cruciale vers une possible stabilisation de la région des Grands Lacs. En présence de Marc Rubio, chef de la diplomatie américaine, les deux pays en proie à des tensions meurtrières de longue date, ont esquissé les contours d’une coopération inédite.
Cet accord fait suite aux pré-négociations engagées à Doha (Qatar) entre Kinshasa et les groupes rebelles, ouvrant la voie à des discussions directes. Washington prend désormais le relais, réunissant les deux « frères ennemis » autour d’une table. Mais derrière cette avancée diplomatique se cachent des concessions mutuelles qui divisent l’opinion congolaise.
Si les détails de l’accord restent partiellement confidentiels, plusieurs éléments clés émergent. La RDC aurait accepté d’envisager une gestion régionale des ressources naturelles impliquant le Rwanda – une perspective qui suscite méfiance et colère chez de nombreux Congolais. En échange, Kigali s’engagerait à cesser son soutien présumé aux groupes armés opérant dans l’Est de la RDC.
Pour les États-Unis, cet accord renforce leur influence dans une région stratégique, riche en minerais critiques (cobalt, coltan). Washington y voit aussi un moyen de contrer l’expansion chinoise et russe en Afrique centrale.
UNE OPINION CONGOLAISE DIVISEE
En RDC, les réactions sont mitigées. Pour certains, cet accord équivaut à une «capitulation» après des années de massacres et de pillages dans l’Ets de la RDC. «Comment accepter un partenariat avec ceux qui ont financé les tueries ? », s’indigne un activiste de Goma (province du Nord-Kivu). D’autres, plus optimistes, y voient un premier pas vers la paix. «Mieux vaut une solution négociée qu’une guerre sans fin », tempère un analyste politique de Kinshasa.
Therèse Kayikwamba Wagner, cheffe de la diplomatie congolaise et signataire de l’accord, a adressé un message aux Congolais, en particulier à ceux de l’Est : «Nous comprenons vos inquiétudes, vos espoirs et vos doutes. Vous méritez plus que des promesses : des actes. Notre souveraineté n’est pas négociable.»
Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, signataire pour le Rwanda du document, a précisé : «Aujourd’hui, nous parlons de vrais problèmes, de causes profondes qui doivent être abordées, pour parvenir à une paix durable dans notre région. Celle-ci inclut, avant tout, la sécurité, ainsi que le retour des réfugiés.» Il a ajouté que cette déclaration «ouvre la porte à un accord de paix définitif, donnant un nouvel élan aux efforts en cours», y compris la voie de Doha facilitée par le Qatar, «où nous avons vu d’importantes percées ces derniers jours ».
La porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, a souligné que la signature représente «un changement notable dans la conversation sur la résolution de la situation dans l’Est de la RDC, d’une manière durable». Elle a conclu : «Il n’y a pas de raccourcis, et toutes les parties devront travailler dur pour bien faire les choses. Le Rwanda attend avec impatience l’accord de paix global, qui couvrira toutes les questions importantes, y compris la sécurité, la gouvernance et les initiatives d’intégration économique régionale.»
Dans un communiqué de presse, la Monusco (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo) «salue» la signature de cette « Déclaration de Principes » entre les gouvernements de la République démocratique du Congo (RDC) et de la République du Rwanda. La MONUSCO «relève l’engagement des participants à soutenir la Mission dans l’accomplissement de son mandat, notamment la protection des populations civiles et la mise en œuvre de la résolution 2773 (2025) du Conseil de sécurité de l’ONU » et «prend note également de la volonté des participants à protéger, faciliter et promouvoir sa capacité d’action ainsi que celle des forces et mécanismes régionaux agissant conformément à leurs mandats ».
«La signature de cette déclaration traduit une volonté de consolider les avancées obtenues grâce aux efforts antérieurs et d’ouvrir la voie à un renforcement de la coopération. La MONUSCO demeure prête à soutenir les efforts de mise en œuvre, notamment en matière de protection des civils et de consolidation de la paix», a déclaré Bruno Lemarquis, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en RDC et Chef par intérim de la MONUSCO.
La Monusco est convaincue que «cette Déclaration de Principes constitue une étape importante en faveur de la paix, de la stabilité et du développement durable dans l’Est de la RDC et dans l’ensemble de la région des Grands Lacs. La MONUSCO se félicite de voir les parties s’appuyer sur les avancées obtenues lors des initiatives précédentes, notamment le processus de Luanda et les efforts de médiation menés par le Président angolais João Lourenço, sous l’égide de l’Union africaine ».
QUI PERD GAGNE ?
La RDC semble avoir opté pour une stratégie de compromis, espérant que le dialogue paiera davantage que l’affrontement. Reste à savoir si cet accord se traduira par une paix tangible ou s’il ne sera qu’un autre chapitre dans un conflit qui dure depuis des décennies.
Pour l’heure, Washington se pose en médiateur victorieux, tandis que Kinshasa et Kigali jouent leur crédibilité. La balle est désormais dans le camp des acteurs régionaux : la population congolaise attend des preuves, pas des mots.
Econews