Près de 7% de fonds européens de développement passent par des ONG, alors que l’Union européenne est incapable de définir ce qu’est une organisation non gouvernementale…
Quand la Cour des comptes européenne (CCE) reconnaît qu’il «n’existe actuellement aucune définition commune au niveau de l’Union européenne de ce qu’est une ONG», qu’elle estime que «la Commission ne faisait pas suffisamment preuve de transparence en ce qui concerne la mise en œuvre de fonds de l’UE par des ONG», on peut commencer à se poser des questions quant à l’utilisation judicieuse de l’argent des contribuables européens. Car, en termes moins policés, cela signifie que Bruxelles n’accorde que peu d’attention à l’utilisation des milliards d’euros versés chaque année aux ONG. Et que n’importe quelle structure, n’importe quel comité Théodule peut se prétendre ONG, et rafler la mise.
Les sommes en jeu sont pourtant loin d’être anecdotiques. En effet, 6,8 % des Fonds européens de développement (FED) sont attribués aux ONG, ce qui représente 11,314 milliards d’euros pour la période allant de 2014 à 2017. L’Allemand Klaus-Heiner Lehne, le président de la Cour des comptes européenne, a rendu le 5 décembre 2018 à Luxembourg un rapport accablant de 37 pages, intitulé «Mise en œuvre de fonds de l’UE par des ONG : des efforts supplémentaires pour plus de transparence». Il révèle, par exemple, que «la Commission avait accepté des incohérences et des déclarations erronées d’expériences antérieures lors de la sélection de deux projets».
En d’autres mots, certaines ONG qui n’avaient pas rempli leur contrat réussissaient pourtant à obtenir d’autres subventions…
La Cour des comptes européenne en accusation
Le problème, c’est que les recommandations de la CCE sont restées lettres mortes depuis 2018. Pour preuve, la Commission européenne n’a pas cessé d’être mise en cause, soupçonnée notamment de verser généreusement des subventions à des ONG islamistes, favorables au port du hidjab.
Si le rapport ressort aujourd’hui, symbolisant la paralysie des institutions européennes, c’est en lien avec une vaste enquête de Libération, sortie le 26 novembre, intitulée «Fraudes à la tête de la Cour des comptes européenne».
Elle met notamment en cause son président, l’Allemand Klaus-Heiner Lehne, ancien député européen de la CDU (conservateur). Parmi les reproches : comme un bon tiers des 27 membres de la CCE, il ne serait presque jamais présent dans le Grand-Duché, mais toucherait néanmoins de grasses primes de logement en s’y domiciliant fictivement.
Le plus grave, c’est que cette institution, basée à Luxembourg, a pour vocation de protéger les fonds européens et de s’assurer de leur bonne utilisation.
Le rapport de la Cour des comptes européenne sur les fonds attribués aux ONG est totalement passé sous les radars. Il révèle pourtant des faits d’une extrême gravité. Même s’il n’emploie pas le mot de « corruption », il ne cesse de dénoncer le manque de transparence, de fiabilité des informations sur les ONG, et il dénonce l’octroi de subventions en cascade.
Les ONG bénéficiaires de subventions confient souvent le job à d’autres entités, «sans que cette information soit enregistrée dans les systèmes de la Commission».
En clair, l’ONG 1 perçoit l’argent mais sous-traite tout ou une partie du projet à l’ONG 2, qui elle-même s’adresse à l’ONG 3. Et ainsi de suite, jusqu’aux ONG 4, 5 et 6, comme le dévoile un projet en Éthiopie. Ensuite, comment effectuer le moindre contrôle si la Commission ne connaît même pas les sous-traitants ?
Des contrôles stricts en Europe
Un exemple de rémunération abusive ? Alors que les frais généraux sont plafonnés à 7 % du budget, «dans cinq des six cas que nous avons examinés, nous avons relevé des frais généraux déclarés pour les différents échelons de mise en œuvre, d’abord pour l’entité chargée de l’exécution, ensuite pour les ONG bénéficiaires d’une subvention en cascade», constate la Cour des comptes européenne. En revanche, à aucun moment, la Cour des comptes européenne ne se pose de questions sur les fonctionnaires à Bruxelles qui choisissent les ONG et leur attribuent des subventions. Ne pourrait-il pas y avoir, parfois, certaines complicités ?
Toutefois, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur la grande majorité des ONG, active dans l’aide humanitaire, l’environnement, la culture. « Ce rapport parle de fonds alloués à l’action extérieure. En revanche, concernant les ONG travaillant dans l’Union européenne, je peux vous assurer que les dépenses sont contrôlées au cent près. On vérifie jusqu’au billet de train, au ticket de métro», affirme le Belge Michaël Privot, ancien directeur de l’ONG European Network Against Racism (Enar).
ECONEWS avec Le Point Afrique