Sur le terrain opérationnel du Nord-Kivu et de l’Ituri, deux provinces en situation d’état de siège, les Forces armées de la République Démocratique du Congo, appuyées par des unités spéciales de l’armée ougandaise, ratissent large pour réduire le plus possible la capacité de nuisance des ADF. Au même moment, une certaine agitation gagne de plus en plus les rangs de la Mission de l’organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (Monusco). Depuis lors, la Monusco multiplie des réunions pour avoir sa part dans les actions «concertées et ciblées» qui sont menées. Et l’effet surprise est tel que la patronne de la Monusco, Bintou Keita, est allée récemment à la rencontre du président Yoweri Museveni, avant que le chef du corps militaire de la Monusco ne signe un protocole de coopération avec les FARDC. On aurait bien souhaité que la Monusco se lance dans ces opérations, bien avant que l’Ouganda n’entre en jeu. Qu’elle le fasse maintenant, au moment où la panique gagne les rangs des ADF, il y a de quoi s’interroger sur les suspectes agitations qui gagnent la Monusco.
La Mission de l’ONU pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (Monusco) est présente dans le pays depuis 1999. Malgré plus de 20 ans de présence, avec plus de 20.000 hommes des troupes, les violences des groupes armés sont le quotidien des Congolais, notamment ceux de la partie Est. C’est donc depuis plus de 20 ans que les troupes onusiennes sont en RDC en quête d’une paix toujours hypothétique.
En termes de budget, il faut reconnaître les efforts de la communauté internationale qui dépense annuellement plus d’un milliard de dollars américains pour cette lourde, coûteuse et, à la fin, inefficace mission de maintien de la paix au monde. Le tableau est pour le moins très peu reluisant pour tous ces moyens militaires mis à la disposition de cette mission de maintien de la paix.
Pour intervenir et ainsi protéger des civils des violences, les Casques bleus sont obligés d’avoir l’autorisation de New York suivant des procédures lourdes et donc inefficaces. Les groupes armés, eux, ne se soumettent pas à ces protocoles. Ils commettent des exactions, massacrent et la Monusco ne se contente que d’une comptabilité macabre des dommages collatéraux.
Plus de 20 ans, Kinshasa a préféré expérimenter une nouvelle stratégie en se tournant vers l’Ouganda, très exposé à la menace des ADF, après le dernier attentat terroriste de Kampala.
Face à la persistance des violences, le nouveau régime a donc tenté de faire quelque chose, refusant de se vautrer dans la résignation.
Dans la foulée, l’état de siège est décidé. La Monusco continue, elle, d’observer malgré la mise en place de la Brigade d’intervention, pourtant dotée d’un mandat robuste, c’est-à-dire, l’usage de la force contre les groupes armés pour maintenir la paix.
Opération conjointe FARDC-UPDF
Dans la partie Est de la RDC, les morts se comptent par milliers. Curieusement, c’est dans des territoires où les Casques bleus sont déployés en grand nombre que se commettent toujours ces tueries en série. Dès que Kinshasa s’emploie à contourner la Monusco en faisant alliance avec Kampala pour traquer les ADF sur le sol congolais, une agitation suspecte gagne les rangs de la mission onusienne. Sa patronne Binta Keita a même fait le déplacement de Kampala pour des entretiens avec le président Yoweri Museveni.
En fin de compte, contre toute attente, la Monusco estime que l’option militaire n’est pas la solution. Que propose-t-elle de nouveau qu’elle n’a jamais fait en 20 ans de présence continue en RDC ? Rien du tout !
Sentant que ces opérations pourraient produire des résultats positifs et faire revenir les villageois dans leurs maisons qu’ils avaient désertées et retrouver leurs plantations de cacao et de café, la Monusco vient d’accepter de signer un accord pour des opérations conjointes contre les groupes armés.
Lors de cette cérémonie, le commandant de la force de la Monusco, Affonso Da Costa, a révélé que le verrou de l’autorisation préalable de New York aurait sauté. Plus encore, il a indiqué que tous les contingents sont désormais sur le chapitre 7 quittant le chapitre 4 qui se limite à des seules observations. Ce qui suppose que des Casques bleus pourraient passer à l’action à tout moment en cas de menace évidente sur le terrain. Sans requérir préalablement l’avis favorable de New York, ils peuvent sûrement contrer la menace et cesser d’être ces touristes en tenue militaire dont l’insolence du train de vie choque ceux qui attendent d’eux la protection.
Curieusement, le chef militaire de la Monusco a attendu que les troupes ougandaises se mettent en mouvement pour annoncer enfin que les Casques bleus sont prêts à faire pleinement du mandat leur conféré par l’article 7. Pourquoi avoir attendu tout ce temps pour lever enfin ce verrou ? Qu’est-ce qui a servi de déclic ?
On comprend aisément ce qui explique la débandade qui a gagné les rangs de la mission onusienne. Cette agitation de la Monusco conforte chaque jour les appréhensions des Congolais pour qui, il existe un complot contre la RDC et des Congolais. Et en 20 ans de présence sans discontinuer, la Monusco passe pour un maillon important de ce vaste complot. Sinon, rien ne saurait justifier sa passivité malgré tous les milliards de dollars américains lui alloués chaque année.
Un accord de coopération militaire scellé à Bunia
Pour l’instant, sur le terrain opérationnel, les FARDC et l’armée ougandaise consolident leur position. C’est à ce titre que les ministres congolais et ougandais de la Défense ont signé jeudi à Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, un accord qui pose le principe de la «mutualisation» et de l’«harmonisation » des opérations lancées le 30 novembre 2021 dans l’Est de la RDC contre les rebelles ADF.
«Nous sommes ici en frères », a déclaré à la presse le ministre ougandais de la Défense, Vincent Bamulangaki, rappelant que «nous faisons face au même ennemi et on ne peut pas rester sans rien faire quand vos frères ont des problèmes». «Nous sommes ici pour renforcer la coopération », a-t-il précisé.
«Que devient la Monusco déboussolée ?»
Selon Nicaise Kibel’Bel Oka, éditeur du journal Les Coulisses, grand connaisseur de la région des Grands Lacs, «l’Ouganda ne veut pas voir la Monusco participer aux opérations conjointes lancées le 30 novembre 2021. Durant 21 ans de présence sur le sol congolais, la Monusco a fait preuve d’inefficacité et d’inutilité à aider les Congolais à ramener la paix dans l’Est. Ce que l’Ouganda a dit à haute voix, de nombreuses personnes le disent aussi ».
Pour l’éditeur du journal Les Coulisses, la Monusco est d’autant plus embarrassée que son comportement sur certains dossiers «fait douter de sa bonne foi à remplir sa mission d’appui aux FARDC».
Convaincu du rôle nuisible des troupes onusiennes dans l’instabilité récurrente de la partie Est de la RDC, Nicaise Kibel estime que « l’annonce de la mutualisation des forces FARDC-UPDF a ébranlé la Monusco. Sa réussite mettrait fin à cette présence devenue un boulet au pied de la RDC ».
Ainsi, tout s’explique. La réussite des opérations menées conjointement entre les FARDC et l’UPDF viderait le mandat de la Monusco de tout son contenu. Aussi cherche-t-elle à s’impliquer le plus possible pour en avoir le contrôle, et pourquoi pas, en limiter la portée. A Kinshasa de prendre la bonne décision.
Econews