Entre Paris et Bamako, l’apaisement n’est toujours pas là.
Officiellement, le déplacement du président français, Emmanuel Macron, prévu ce lundi 20 décembre 2021 au Mali, a été annulé en raison de la crise du Covid-19. Alors que persiste un climat de fortes tensions entre Paris et Bamako, Emmanuel Macron a déprogrammé vendredi le déplacement qu’il devait effectuer au Mali pour rencontrer le président de la transition et célébrer Noël avec les troupes françaises.
«Cette décision a été prise dans un souci de cohérence entre les mesures annoncées au niveau national et l’agenda international du président, et dans un souci de ne pas exposer notre dispositif militaire dans un moment de dégradation de la situation sanitaire en métropole », a expliqué l’Élysée, à l’issue d’un conseil de défense sanitaire consacré à la cinquième vague de Covid-19.
Dans le même temps, Jean Castex a décidé d’annuler son déplacement prévu pour le Nouvel-An en Jordanie afin « d’éviter d’importer le variant Omicron à nos troupes qui sont en territoire exposé », a indiqué vendredi Matignon. Le Premier ministre devait s’y rendre pour «témoigner du soutien de la nation aux militaires français engagés dans le cadre de l’opération Chammal aux côtés des alliés de la France présents dans la région».
La France accusée de dirigisme
Paris avait indiqué mercredi que le chef de l’État devait se rendre lundi à Bamako pour une première rencontre avec le colonel Assimi Goïta, chef de la junte malienne. Cette annonce avait été froidement reçue au Mali. L’annonce de la venue d’Emmanuel Macron avait été suivie, mercredi, sur le compte Facebook de la télévision nationale, d’un post à la provenance indéterminée, mais très critique contre la France. Le post a été rapidement retiré. Un opposant notoire à l’engagement français au Mali, membre de ce qui tient lieu d’organe législatif du pouvoir dominé par les militaires, Adama Diarra, plus connu sous le sobriquet de «Ben le cerveau», a, de son côté, agité le spectre d’une manifestation contre la venue du président français.
Les réseaux sociaux ont continué à répercuter les propos nationalistes, jaloux d’une souveraineté malienne refusant de s’accommoder de ce qui est dénoncé comme un dirigisme français.
Au-delà de ce contexte et des préoccupations sanitaires motivant officiellement l’annulation du voyage, la présidence française a admis que l’organisation de la rencontre était difficile. Emmanuel Macron voulait qu’y participent les présidents en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) – le président ghanéen Nana Akufo-Addo – et du G5 Sahel – le Tchadien Mahamat Idriss Déby Itno. Un format rejeté par les autorités maliennes.
De fait, aucun apaisement des tensions n’a été perceptible récemment et les autorités maliennes ont paru prises de court par la communication venue de Paris sur cette visite.
«Des moments d’incompréhension»
Au terme de près de neuf ans de présence au Sahel, la France a entrepris en juin de réorganiser son dispositif militaire en quittant ses trois bases les plus au nord du Mali (Tessalit, Kidal et Tombouctou) pour se recentrer autour de Gao et Ménaka, aux confins du Niger et du Burkina Faso. Ce plan prévoit une réduction des effectifs au Sahel, de 5000 actuellement, à 2500/3000 d’ici 2023. Au-delà de la coordination opérationnelle affichée – au moins côté français – sur cette rétrocession des emprises militaires françaises du nord, l’impasse demeure sur les deux sujets qui fâchent : la contractualisation par Bamako des services des paramilitaires russes de Wagner et la durée de la transition censée ramener les civils au pouvoir.
Dans une interview accordée à une radio, le ministre Abdoulaye Diop a maintenu le flou sur le dossier Wagner. «Le gouvernement du Mali n’a signé aucun contrat avec cette société de sécurité privée », a-t-il déclaré. Avec Paris, «nous avons des relations difficiles. (Dans) les relations entre pays, il y a des moments d’incompréhension (…). Nous souhaitons seulement que le dialogue puisse se poursuivre, dans le même esprit constructif et un esprit de sincérité».
Plusieurs sources à Paris ont confirmé à l’AFP que des éléments de Wagner commençaient à se déployer à Bamako. «Le robinet est ouvert», a estimé l’une d’elles.
Quant à la transition politique, la Cédéao vient de redire que les élections devaient avoir lieu le 27 février 2022. « Si d’ici à fin décembre aucun progrès concret n’est fait dans la préparation des élections », des sanctions supplémentaires, « économiques et financières », s’appliqueront à partir du 1er janvier 2022, en plus du gel des avoirs et de l’interdiction de voyage de près de 150 personnalités, a précisé l’organisation africaine.
Econews avec LCI