Régime Tshisekedi : un bateau en dérive

Dans la cour du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, on assiste à un feuilleton à multiples rebondissements. Si ce ne sont pas ses conseillers qui se mettent en vedette sur la place publique, c’est l’UDPS, son parti politique, qui prend le relais. Arrivé au pouvoir au terme de la présidentielle de décembre 2018, l’UDPS ne semble pas véritablement habiter la fonction, si bien que le parti est apparemment gagné par l’ivresse du pouvoir. La grande vedette, c’est encore et toujours son président ad intérim qui a appris à trop rêver. Comme Icare dans la mythologie grecque, Kabund vise le soleil, se confondant par moment à la loi. Une humiliation en public d’un militaire de la Garde républicaine (GR) lui a valu une expédition punitive de l’unité spéciale de protection présidentielle. Entre le Président de la République et Kabund, les fissures sont bien visibles. Ce qui n’écarte plus son exclusion de la cour présidentielle.

Il ne se passe pas un jour sans que l’UDPS, le parti au pouvoir, ne se mette en vedette. De la pire manière alors. Si ce ne sont pas des détournements de fonds dans la cour présidentielle, c’est au niveau du parti que ses plus hauts gradés jettent en pâture l’honneur de tout un parti.

En 37 ans de lutte, l’UDPS a tout appris. Sauf l’exercice du pouvoir dans un esprit républicain.

Le ver est dans le fruit

Il se passe des choses qui ne rassurent pas dans les arcanes du pouvoir actuel en République Démocratique du Congo.

Comme un bateau en dérive, tout part en vrille comme si les instruments du pilotage sont sabotés ou encore le capitaine n’aurait plus le contrôle réel de ses troupes. Chaque jour apportant son lot d’histoires croustillantes, il n’est pas hasardeux de considérer que le régime passe des moments de crise qui serait difficile de régler. Et lorsqu’un bateau est en dérive, le plus difficile est de se heurter à un iceberg ou à une grosse pierre. Parce que c’est le naufrage qui va s’en suivre à coup sûr.

Un tel chaos peut se vivre dans la vie d’un parti politique comme l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Mais, il n’est pas bon de transposer pareille situation dans les institutions en impliquant les forces de sécurité.

Le déclin de Kabund

Au faite de son ascension fulgurante au sommet de l’Etat, le président intérimaire de l’UDPS porte déjà la veste de « dauphin » du Chef de l’Etat actuel. Il a porté haut ses rêves qu’il se voit déjà comme un potentiel successeur de Félix Tshisekedi au strapontin présidentiel. Il se croit dès lors tout permis et tente de se donner l’étoffe d’un homme de rigueur qui est déjà habitué à la tâche de mettre de l’ordre dans le pays.

S’improvisant agent de régulation de la circulation routière, il n’était pas bon de croiser sur son chemin le cortège du 1er vice-président de l’Assemblée nationale. Il suffit de se mettre au travers de la réglementation pour subir la fougue des hommes de Kabund. Souvent d’ailleurs, c’est lui-même qui impose les règles, malgré l’absence de qualité : des pneus troués, des gens molestés ou dépouillés de leurs véhicules. La liste est longue à charge de celui qu’on surnomme «Maître-nageur ».

A Kinshasa, un colonel des Forces armées de la RDC vient de porter plainte contre sa garde rapprochée parce qu’ils lui avaient pris sa voiture de marque « IST ».

Comme personne ne lui indiquait les limites de ses attributions, Kabund a cru que tout lui était permis. Ses hallucinations ont été telles qu’il s’est donné l’étoffe d’un «vice-président de la République» à qui tout était autorisé, même les écarts les plus abjects. Erreur grave !

Le lundi 11 janvier 2022, comme dans ses habitudes, il a interpelé de manière musclée un véhicule à bord duquel se trouvait  un militaire de la Garde républicaine (GR) commis à la protection d’un membre de la famille biologique du Chef de l’Etat. Curieusement, au lieu de se limiter à réguler la circulation, les policiers commis à la garde de Kabund ont désarmé le militaire de la GR – la loi du nombre aidant! Un crime de lèse-majesté vu de la cité de l’Union africaine et du camp Tshatshi.

Selon des sources recoupées par Econews, des négociations ont été engagées afin que des policiers responsables de cette humiliation se rendent eux-mêmes auprès de la Justice militaire. Pour ne pas perdre la face, Jean-Marc Kabund aurait opposé un refus catégorique. D’où, la décision de les prendre de force et de les amener auprès de la justice militaire.

L’expédition, qui s’est rendue dans la somptueuse résidence de Kabund à Kingabwa (Limete), a interpelé plusieurs personnes, civils et policiers. Selon des images partagées largement sur les réseaux sociaux, la maison a été saccagée par ces militaires. Ce que rejette la GR qui estime que, dans ses stratégies, Kabund tente de passer pour la victime alors qu’il est le bourreau qui a incité des policiers à commettre des actes contraires à la discipline de leur corps.

Cette mise en scène, se défend la hiérarchie de la GR, vise à détourner l’attention sur le mal qu’il a fait au Corps d’élite de la sécurité présidentielle. Cette stratégie a toujours marché parce que l’opinion congolaise a toujours été du côté des faibles et des maltraités. Mais, cette fois-ci, en face il y a ses compagnons qui maîtrisent à la perfection ces techniques de victimisation. «Ça ne passera pas cette manipulation», clame-t-on dans les rangs de la GR.

Il est aussi reproché au patron intérimaire de l’UDPS d’être un multi récidiviste en la matière. Dans le passé, il avait réservé un traitement quasi similaire à un véhicule de Maman Marthe, la mère du Chef de l’Etat.

Se mettant déjà dans la peau de «dauphin» naturel de Tshisekedi, Kabund ignore sans doute qu’il vient de déclencher sa descente aux enfers parce qu’ayant désacralisé le saint des saints de la protection du Président de la République.

Le Président Tshisekedi qui devra démontrer à la face de l’opinion être le seul maître à bord, va le faire savoir de la plus belle manière à Kabund. S’il ne le fait pas, il apparaîtra comme ces rois français dont la cour était transformée en salle de jeux pour gamins. Ses adversaires politiques, qui reçoivent sans efforts des bâtons et des missiles pour le descendre, feront avec un réel plaisir la comptabilité de ces bourdes et impairs qui émaillent le mandat de Tshisekedi qui veut rempiler en 2023.

Jusqu’aux prochaines échéances électorales, l’addition risque de faire exploser la marmite.

Econews