Plus que deux ans ! C’est le temps que dispose le Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, avant la reddition des comptes fin décembre 2023 par la voie des urnes. En trois ans d’exercice d’un pouvoir qu’il a inauguré en s’imposant une coalition atypique avec le FCC (Front commun pour le Congo), Félix Tshisekedi est passé par plusieurs épreuves avant de réussir son dribble politique en inversant les rapports des forces dans les deux chambres du Parlement. Si les avis sont partagés sur son bilan à mi-parcours, certains y voyant un verre à moitié vide là où d’autres voient un verre à moitié plein, le Président de la République a néanmoins deux ans pour colmater les brèches et, enfin, donner un réel contenu à son quinquennat.
Pour le Président de la République, Feìlix-Antoine Tshisekedi, 2021 aura été l’année de l’émancipation. Apreès deux ans d’une laborieuse cohabitation avec son prédécesseur, Joseph Kabila, il est parvenu a renverser la majorité à son avantage. Depuis avril 2021, c’est avec le Gouvernement issu de sa nouvelle coalition, l’Union sacrée pour la nation (USN), qu’il poursuit un triple objectif : rattraper le temps perdu par ces deux années de coalition, étoffer son bilan économique, diplomatique et sécuritaire, et, surtout, preìparer la conquete du second mandat auquel il s’est déjà déclarée candidat. «Et les deux années qui le séparent des prochaines échéances électorales seront loin d’etre un long fleuve tranquille», commente Jeune Afrique.
Candidat à sa propre succession – en tout cas il n’en fait aucun mystère – Félix Tshisekedi s’attèle à donner un nouvel élan à son quinquennat. Ainsi, des programmes et projets autrefois pilotés depuis son cabinet de la Présidence de la République ont été ramenés dans le giron du Gouvernement sous la coordination du Premier ministre. Le plus en vue est ce Programme de développement de 145 territoires pour lequel le Chef de l’Etat pense injecter plus d’un milliard de dollars US pour un développement à partir de la base.
Le défi est grand, mais Félix Tshisekedi a nettement appris de ses erreurs du passé, en rapport particulièrement avec le programme, dit de 100 jours, et, tout récemment le projet «Tshilejelu» qui s’est révélé, par la suite, comme un tonneau de Danaïdes – des millions USD étant partis en fumée.
Avec le programme de développement de 145 territoires, le Président de la République veut faire les choses autrement. Sur le plan politique, ce programme passe pour une bouée de sauvetage pour le faire remonter dans les sondages, nettement en sa défaveur. Réussir le programme de 145 territoires, c’est le nouveau pari du Chef de l’Etat. Son quinquennat en dépend. Il le sait.
Pour ce faire, il ne dispose plus que de deux ans pour se relancer. A ce propos, il jouit d’une bonne marge de manœuvre pour y arriver. Avec une majorité confortable au Parlement et un Gouvernement qui l’obéit au doigt et à l’œil, il sait tout aussi qu’il n’aura droit à aucune excuse.
Après une année marquée par la rupture de son alliance avec Joseph Kabila, Félix Tshisekedi va devoir étoffer son action s’il veut être réélu.
Rattraper le temps perdu
En 2023, les élections auront lieu. Félix Tshisekedi a promis de se plier à cette exigence constitutionnelle. ApreÌs des mois de controverse, Tshisekedi a finalement donné feu vert au nouveau bureau de la Céni.
Malgré un mauvais départ dans la mise en place du nouveau bureau de la Céni (Commission électorale nationale indépendante), il n’y a pas de doute sur la tenue, dans le délai constitutionnel, des élections de 2023.
Reçu récemment par le Chef de l’Etat, le tout nouveau président de la Centrale électorale avait d’ailleurs réaffirmé ce principe, rappelant aux uns et aux autres que son institution s’attèle déjà à rattraper le temps perdu pour être au rendez-vous en 2023.
Pour le Président de la République, le rappel de la Céni est à la fois une interpellation et une sonnette d’alarme pour donner plus de consistance à son mandat
En 2023, lorsque viendra le moment de se représenter devant le peuple, le Président de la République sera seul. Il sera, à ce titre, le premier comptable de son bilan. C’est cela aussi la particularité de l’architecture institutionnelle congolaise.
Elu au suffrage direct dans une présidentielle à un seul tour, le Président de la République n’est pas cependant redevable devant l’Assemblée nationale. Seul le Premier ministre l’est devant la chambre basse du Parlement qui investit le Gouvernement après approbation de son programme.
Vu sous cet angle, c’est le Premier ministre qui est censé rendre compte de sa gestion quand arrive le moment du bilan. En RDC, c’est tout autre. C’est au Président de la République qu’on réclame des comptes, chaque fois qu’il s’agit de solliciter le suffrage populaire au cours d’une présidentielle. C’est à cet exercice que se pliera Félix Tshisekedi en 2023.
Sur ce point précis, il n’y a point de doute possible. Car, sur sa prochaine candidature, le Chef de l’Etat n’entretient aucun mystère. Candidat en 2023, il le sera. Avec quel bilan ? C’est la grande inconnue.
Dans ce registre particulier, Félix Tshisekedi ne donne plus d’assez de temps. Sur ce compteur, il ne lui reste plus que deux ans. Deux ans pour convaincre.
En décembre dernier, Félix Tshisekedi s’est adressé à son peuple devant les deux chambres du Parlement réunies pour décliner la nouvelle trajectoire de ces deux prochaines années. Plus de temps à perdre. Car, en 2023, lorsque le peuple lui demandera des comptes, aucune excuse ne lui sera accordée.
Des points qui ont marqué
Selon le Sondage Les points, Félix Tshisekedi a marqué des points sur deux actions majeures, à savoir l’augmentation du budget de l’Etat pour l’exercice 2022 et la lutte contre la corruption à travers l’Inspection générale des finances (IGF). Mais, les attentes sont encore nombreuses, note l’enquête. Il y a notamment la situation sécuritaire précaire qui règne dans la partie Est de la République Démocratique du Congo, malgré la proclamation de l’état de siège qui se trouve déjà à sa quinzième prolongation.
Dans une tribune publiée dans le journal belge Le Soir, Colette Braeckman parle d’un «bal des chauves» qui régnerait à Kinshasa au sein de la majorité au pouvoir. «Il y a trois ans, le 24 janvier, Félix Tshisekedi accédait à la présidence de la République. Alors que se rapproche déjà la prochaine échéance électorale, c’est l’heure d’un premier bilan et il n’est guère encourageant», note-t-elle.
Bref, il y a de grands défis que le Chef de l’Etat doit encore relever. Et décidément, le temps ne joue plus en sa faveur. C’est une course contre la montre qui est engagée. Plus que deux ans pour convaincre.
Hugo Tamusa