Doit-on s’attendre au pire en Ukraine ? L’Amérique en a bien peur. Washington a placé jusqu’à 8.500 militaires en état d’alerte. Ils pourraient être déployés au sein des troupes de l’OTAN en cas d’invasion de l’Ukraine par la Russie, a annoncé, lundi 24 janvier, le porte-parole du Pentagone, John Kirby. Qu’est-ce qui se passe à la frontière russo-ukrainienne ? Décryptage.
Ce qui était qualifiée d’«incursion mineure» est aujourd’hui présentée comme une «possible invasion ». Washington a revu à la hausse ses préoccupations quant à la crise ukrainienne. Alors que Kiev anticipe une action des forces armées russes dans la région du Donbass, Moscou démenti tout intention belliqueuse mais a jugé «très élevé» le risque d’une offensive des troupes ukrainiennes contre les séparatistes prorusses.
Quelles sont les dernières manœuvres russes?
Mi-janvier, l’Ukraine avait affirmé avoir des « preuves » de l’implication de la Russie dans une cyberattaque d’ampleur ayant visé plusieurs sites gouvernementaux. Cette cyberattaque, menée au début du mois, avait visé les sites de plusieurs ministères ukrainiens, restés inaccessibles plusieurs heures. Un sabotage que Kiev impute à Moscou dont elle accuse également d’avoir déployé près de 100.000 soldats à sa frontière en vue d’une agression.
« Il y a un risque, et certains disent même que la guerre a déjà commencé. Non pas la guerre classique mais la guerre hybride par le piratage », décrypte Ulysse Gosset, éditorialiste politique internationale pour BFMTV, «une nouvelle guerre qui préparerait la vraie guerre et peut-être l’incursion des forces de Vladimir Poutine en Ukraine ».
Selon le ministère ukrainien de la Transformation numérique, l’objectif de cette cyberattaque est «non seulement d’intimider la société», mais aussi de «déstabiliser la situation en Ukraine» en « sapant la confiance des Ukrainiens dans leur pouvoir» avec de «fausses informations sur la vulnérabilité des structures informatiques d’Etat».
La Russie est en effet accusée par les Occidentaux d’avoir massé ces derniers mois des dizaines de milliers de soldats à la frontière ukrainienne et de préparer une invasion imminente de son voisin dans la région du Donbass.
Dans quel contexte se déroule cette nouvelle escalade?
Kiev et Moscou sont à couteaux tirés depuis l’annexion par la Russie en 2014 de la péninsule ukrainienne de Crimée, suivie d’une guerre dans l’Est de l’Ukraine avec des séparatistes prorusses (plus de 13.000 morts) dont le Kremlin est considéré, malgré ses dénégations, comme le parrain militaire.
Le 28 novembre, l’Ukraine assure que la Russie a massé près de 92.000 soldats à ses frontières, pour une offensive fin janvier ou début février. Les autorités russes nient cette intention, accusant en retour l’Ukraine de masser des troupes dans l’Est du pays.
Quelle est la riposte de Kiev?
Inquiète d’une éventuelle invasion par Moscou mais également d’un renversement du pouvoir en place, l’Ukraine a fait savoir qu’elle allait «continuer à démanteler» tout groupe prorusse au sein du pays.
Le chef de l’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky a également appelé lundi l’Union européenne à rester unie face à la Russie. «L’Ukraine ne cèdera pas aux provocations mais au contraire, elle gardera le calme avec ses partenaires», a-t-il ajouté.
Quelle réponse de la communauté internationale?
Alors que les États-Unis, le Royaume-uni et l’Australie ont successivement annoncé le retrait d’une partie du personnel de leurs ambassades à Kiev, l’Otan a annoncé placer des forces en attente et envoyer des navires et des avions de combat pour renforcer ses défenses en Europe de l’Est. Dans le même temps les médias américains ont rapporé que les Etats-Unis étudient l’envoi de quelque 5000 militaires dans les pays baltes et d’Europe orientale de l’Otan.
La Russie exige pour sa part un engagement écrit sur le non-élargissement de l’Otan à l’Ukraine et à la Géorgie et demande un retrait des forces et des armements de l’Alliance atlantique des pays d’Europe de l’Est ayant rejoint l’Otan après 1997, notamment de Roumanie et Bulgarie. Des demandes inacceptables pour les Occidentaux.
«Les tensions sont exacerbées par les annonces et les actions concrètes des États-Unis et l’Otan », a pour sa part déploré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dénonçant « une hystérie » en Europe sur une supposée invasion russe imminente de l’Ukraine.
« L’impasse diplomatique est totale et cela inquiète beaucoup de gens», analyse Ulysse Gosset, «la pression du Kremlin est forte et réelle tandis que de l’autre côté de l’Atlantique on a un Joe Biden un peu affaibli, âgé et on se demande comment il va réagir ». Appel entendu par l’intéressé? La Maison Blanche a fait savoir que Joe Biden tiendra ce lundi soir une «visioconférence sécurisée» avec plusieurs dirigeants européens au sujet de la situation ukrainienne.
Comment réagit la France face à ce regain de tensions?
Le ministère des Affaires étrangères a invité lundi les Français qui souhaitent se rendre en Ukraine à reporter les voyages non-essentiels dans le pays.
Dans le contexte des tensions créées par la concentration de troupes russes aux frontières de l’Ukraine, il est recommandé de faire preuve d’une vigilance renforcée et il est formellement déconseillé de se rendre dans les zones frontalières du nord et de l’est du pays», a précisé le Quai d’Orsay dans un communiqué.
Contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, la France ne demande pas pour l’heure au personnel de son ambassade ou aux familles de ses diplomates en poste en Ukraine de quitter le pays.
Lors de sa prise de parole la semaine dernière devant le Parlement européen dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne, Emmanuel Macron a indiqué souhaiter «un nouvel ordre de stabilité et de sécurité » à «construire entre Européens ». Une initiative qu’il souhaite «partager avec nos alliés dans le cadre de l’Otan, puis ensuite le proposer à la négociation à la Russie ».
En attendant, il sera l’un des dirigeants conviés à la visioconférence de son homologue américain et il a déjà annoncé qu’il allait proposer «dans les prochains jours » «un chemin de désescalade » à son homologue russe Vladimir Poutine, selon l’Elysée. «Il pense qu’il y a de l’espace pour la diplomatie, pour la désescalade», a-t-elle ajouté, alors que les bruits de bottes se multiplient autour de l’Ukraine. Dans ce contexte, l’ambassadeur Pierre Vimont, représentant spécial d’Emmanuel Macron pour la Russie, se rendra mardi à Moscou.
Econews avec AFP