Dans les milieux des Finances et du Budget, le projet de création d’une Direction générale du trésor et de la comptabilité publique (DGTCP) passe pour une pilule amère. On craint désormais un télescopage entre les services existants au sein de l’administration des Finances et du Budget. Des voix s’élèvent pour pousser le Gouvernement à reporter ce projet de décret qui risque de paralyser le fonctionnement des services dans la chaîne de la dépense publique.
Le vendredi 28 janvier 2022, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji, a obtenu du Conseil des ministres l’autorisation de la signature d’un projet décret portant création, mission, organisation et fonctionnement d’un service public, dénommé Direction générale du trésor et de la comptabilité publique (DGTCP).
Placée sous l’autorité directe du ministre ayant les Finances dans ses attributions, cette direction a pour missions de participer : «à la mise en œuvre opérationnelle de la politique budgétaire, à la définition de la politique financière de l’Etat et à la règlementation de la comptabilité du pouvoir central, des provinces et des Entités territoriales décentralisées ainsi que des organismes auxiliaires conformément aux normes nationales et internationales en la matière ».
Les motivations de la création de cette direction générale sont dictées par le souci de «réorganiser les services en vue de la centralisation de l’information financière et de la consolidation des comptes de l’Etat».
Si le Conseil des ministres a adopté ce projet de décret, dans les milieux des Finances et du Budget, on craint que cette direction crée des dysfonctionnements au niveau de la chaîne de la dépense publique.
Les craintes
En effet, des experts, approchés par le site d’infos en ligne Ouragan.cd, ne s’accordent pas sur l’opportunité d’un tel service. «Cette Direction a pour mission de participer à la mise en œuvre opérationnelle de la politique budgétaire, à la définition de la politique financière de l’Etat et à la règlementation de la comptabilité du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées (ETD) ainsi que des organismes auxiliaires conformément aux normes nationales et internationales en la matière. (…). Il s’agit d’une importante réforme qui est mise en œuvre pour réorganiser les services en vue de la centralisation de l’information financière et de la consolidation des comptes de l’Etat», notent-ils.
Si le Conseil des ministres a adopté ce projet du ministre Nicolas Kazadi, des experts redoutent plutôt un télescopage avec des entités administratives préexistantes, notamment au niveau du ministère des Finances et celui du Budget.
Ils rappellent, à cet effet, l’ordonnance n°22/003 du 7 janvier 2022 fixant les attributions des ministères. Pour le cas spécifique du ministère du Budget, l’ordonnance présidentielle précise que le ministère ayant en charge le Budget de l’Etat a notamment pour mission, «la préparation, le suivi et le contrôle de l’exécution de la loi des finances, élaboration, suivi et contrôle de l’exécution du budget de l’Etat ainsi que les études et programmations budgétaires, encadrement et liquidation de toutes les dépenses publiques ». Pour se conformer à ces attributions, le ministère du Budget a mué sa Direction de préparation et suivi budgétaire en une Direction générale des politiques et programmation budgétaire (DGPPB).
Bien plus, ces experts notent que, pour la gestion des crédits centralisés, le ministère du Budget dispose aussi de la Direction de l’intendance générale et des crédits centralisés. Il revient également au ministère du Budget de donner, selon l’ordonnance du Chef de l’Etat précitée, son avis préalable aux établissements publics, aux entités territoriales décentralisées (ETD) et autres services pour emprunter à l’extérieur lorsqu’il y a garantie de l’Etat.
Craignant le double emploi avec la création de cette nouvelle direction, ces experts sont convaincus que la Direction générale du Trésor et de la comptabilité publique (DGTCP), placée sous la tutelle du ministère des Finances, a tout l’air d’un service redondant et, à la limite, superflu, au regard de ses missions par rapport aux attributions reconnues au ministère du Budget par l’ordonnance présidentielle du 7 janvier 2022.
En légistique, indique-t-on, l’ordonnance du Chef de l’Etat prime (sur) le décret du Premier ministre ou l’arrêté d’un ministre. Raison de plus, pensent-ils, de bien réfléchir sur cette innovation qui risque de paralyser certains services du ministère du Budget, pour autant que l’ordonnance du 7 janvier 2022 fixe clairement les matières de collaboration entre le ministère des Finances et celui du Budget.
Dissiper les malentendus
L’autre crainte apparaît dans la mise en œuvre de la décentralisation telle que consacrée par la Constitution.
L’ordonnance du 7 janvier 2022 précise que le ministère des Finances assure «le règlement définitif du budget», «en collaboration avec le ministère ayant le Budget dans ses attributions». C’est dire que si le ministère du Budget donne «son avis», «l’autorisation préalable des établissements publics, des ETD d’emprunter à l’extérieur lorsqu’il y a garantie de l’Etat », par contre, relève du ministère des Finances.
Selon ces experts, les domaines de collaboration entre les Finances et le Budget ne nécessitent pas forcément la création de tout un service, mais la nomination d’un conseiller principal. «Il se trouve que parmi les 25 conseillers principaux du ministre des Finances, il y en a un en charge des relations avec les institutions, en la personne de l’ancien journaliste Clément Nzau», rappellent-ils.
De ce point de vue, au ministère du Budget, on craint que la future Direction générale du Trésor et de la comptabilité publique (DGTCP) se heurte aux ministères du Plan et celui de l’Intérieur qui a repris toutes les missions régaliennes de la Décentralisation. Car, depuis 2011, la RDC s’emploie à la «mise en œuvre des stratégies et des mécanismes de la politique gouvernementale sur la décentralisation» telle que reprise dans l’ordonnance n°22/003 du 7 janvier 2022 fixant les attributions des ministères. Or, la DGTCP a aussi pour mission «la règlementation de la comptabilité du pouvoir central, des provinces et ETD». Ce qui pourrait freiner le processus de décentralisation.
En attendant, la balle est dans le camp du ministère des Finances pour dissiper les inquiétudes de l’administration du Budget qui se sent dépouiller d’une partie de ses prérogatives avec la création de la DGTCP.
Econews avec Ouragan.cd