RDC : expulsion de Kabund ou le temps de l’ingratitude

Après Kamerhe, après Kabila, c’est au tour de Kabund d’être mis hors-jeu dans la course présidentielle en la République Démocratique du Congo (RDC). Les principaux acteurs congolais qui ont amené Tshisekedi sur le trône de la RDC ont été écartés sans ménagement.

La Convention démocrate l’UDPS, le parti présidentiel en République démocratique du Congo, a décidé, samedi 29 janvier, de destituer Jean-Marc Kabund de ses fonctions de président ad intérim du parti et même de l’exclure définitivement du parti. Parmi les griefs évoqués, les négociations sans mandat officiel de Kabund avec les responsables du parti de l’ex-président Joseph Kabila début 2019.

En attendant l’hypothétique organisation d’un congrès du parti (attendu depuis des années) pour élire la nouvelle direction, Augustin Kabuya, secrétaire général confirmé dans son poste ce samedi, sera le «patron » de l’UDPS. Il a directement fixé le cap en expliquant que l’essentiel pour le parti est de «faire gagner Félix Tshisekedi aux prochaines élections ».

Jean-Marc Kabund demeure pour l’instant premier vice-président d’une Assemblée nationale en vacances et dont la prochaine session n’est pas prévue avant le mois de mars prochain.

Kabund après Kamerhe et Kabila

Avec le départ forcé de Jean-Marc Kabund, Félix Tshisekedi boucle son divorce avec tous les acteurs nationaux qui l’ont amené à la tête de l’État. Le secrétaire a.i. de l’UDPS fut en effet la cheville ouvrière au sein de l’UDPS des négociations avec le clan Kabila qui ont permis d’installer leur représentant à la tête de l’État sans que les résultats officiels de l’élection présidentielle ne soient jamais publiés. Il n’aurait jamais pu mener ses pourparlers sans l’aval de Félix Tshisekedi.

L’autre grand acteur de ce tour de passe-passe fut Vital Kamerhe, colistier et cofondateur avec Félix Tshisekedi de la plateforme électorale Cap pour le Changement (CACH). Le directeur de cabinet du président de la République, Vital Kamerhe, qui devait être le candidat à la course à la présidence de la République de cette plate-forme en 2023, fut condamné en juin 2020 à 20 ans de prison pour « détournement de deniers publics», une peine ramenée à 13 ans en appel en juin 2021 avant qu’il ne soit relâché sous condition le mois dernier.

L’alliance formée avec la Kabilie a, elle, volé en éclat fin 2020 et la majorité des « élus » sous l’étiquette du Front Commun pour le Congo (FCC) ont été purement et simplement rachetés par le clan présidentiel. Les artisans au sein de la Kabilie qui n’ont pas accepté de rejoindre l’Union sacrée de Tshisekedi vivent aujourd’hui en exil.

Kamerhe, Kabila et Kabund, les complices congolais de l’accession au trône de Félix Tshisekedi ont tous désormais goûté à l’ingratitude présidentielle.

Ce que révèle l’affaire Kabund

Il y a une semaine, Jean-Marc Kabund a annoncé, sur Twitter, sa démission   au poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale. Une décision surprenante : Kabund est l’un des acteurs les plus puissants et les plus controversés de la scène politique congolaise ces dernières années. Jason Stearns, directeur du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche de l’Université de New York, s’interroge : « Qu’est-ce qui a conduit à cette annonce et quelles en seront les conséquences ? »

Tout a commencé le mardi 11 janvier. Une vidéo prise par le conducteur d’une voiture a circulé. Elle montre comment des policiers du service de sécurité de Kabund ont attaqué un membre de la garde républicaine, une unité de l’armée affectée à la protection du président de la République, qui était assis aux côtés du chauffeur, le soustrayant violemment de la voiture.

Selon les témoins, le véhicule, qui appartiendrait à une proche du président Félix Tshisekedi, roulait du mauvais côté de la route, apparemment pour contourner un embouteillage.                

En représailles, un jour plus tard, un grand groupe de gardes républicains a saccagé la maison de Kabund. Des images sont apparues sur Twitter et Whatsapp montrant des canapés renversés, des livres et des documents éparpillés.

Ce n’est pas la première fois que Kabund est impliqué dans une prise de bec avec un membre de la famille Tshisekedi. En septembre de l’année dernière, la même garde de Kabund avait crevé les pneus d’une voiture d’un autre membre influent de la famille présidentielle.

Cette fois, Kabund semble être allé trop loin. Deux jours plus tard, Kabund a annoncé sa démission à son poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale, toujours sur Twitter.  Un poste qu’il occupait à nouveau depuis environ un an, après sa destitution. Jusqu’ à présent, la lettre de cette démission annoncée n’est toujours pas déposée au bureau de l’Assemblée nationale. Un groupe de parlementaires UDPS pousse cependant Kabund à quitter également son poste de président ad interim du parti.

Kabund avait été un architecte clé de la rupture avec le FCC de Kabila et de la création d’une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale. Ses tactiques musclées ont fait polémique, mais son départ, s’il est définitif, laissera une fois de plus le parti présidentiel dans la tourmente. Depuis des années, le parti souffre des défections de personnalités de premier plan – Tshibala, Moleka, Badibanga, Kapika, Mavungu pour ne n’en mentionner que quelques-uns. Si Kabund reste président de l’UDPS, cette querelle très publique ne contribuera pas à forger l’unité dont il a besoin pour diriger le pays.

Ces événements devraient susciter enfin des questions sur le privilège de l’élite. Pourquoi un membre de la famille de Tshisekedi roulait-il à contresens ? Pourquoi les policiers ont-ils utilisé une telle force brutale ? Et, peut-être le plus important, pourquoi la Garde républicaine (GR) s’est-elle engagée dans une vendetta contre Kabund au lieu de passer par les canaux institutionnels appropriés ?

Econews avec La Libre Belgique et GEC