Le nouveau numéro de la Revue Congo Challenge (RCC) a été présenté jeudi au public au siège de la Fondation Mapon sur le boulevard du 30 juin. Une fois de plus, Congo Challenge, son éditeur, a respecté la tradition en livrant au public des articles scientifiques de haute facture pour guider la société congolaise.
Devant la presse conviée à cette rencontre, Matata Ponyo Mapon, éditeur-responsable de la Revue Congo Challenge, est revenu sur les réelles motivations de cette publication.
« La science et la réflexion sont à la base du progrès de l’humanité. Et on ne peut s’empêcher de réfléchir sur les grands problèmes de notre société », a indiqué Matata Ponyo. Et d’ajouter : « C’est pendant la période de crise qu’un pays doit développer la réflexion pour s’en sortir. En France, les philosophes de lumière ont exploré la même voie en servant de guide à la société française. C’est cela aussi la motivation qui est au cœur de la Revue Congo Challenge ».
De ce point de vue, il a fait remarquer que la Revue Congo challenge est une plate-forme de réflexion scientifique pour guider la nation vers le chemin du progrès. Congo Challenge est une boîte à idées.
Avec ce nouveau numéro, l’article-phare de cette revue pose le problème de « l’économie politique des malédictions du développement économique ». Co-écrit par Matata Ponyo et Jean-Paul Tsasa, cet article part d’un questionnement : « Quelles sont les causes du progrès économique ? Comment 60 ans après l’indépendance, certains pays, comme la RDC, restent toujours sous-developpés? »
Dans l’article, les auteurs sont partis d’une analyse comparée pour arriver finalement à une conclusion.
« Pour le cas précis de la Rdc, tout s’explique par la malédiction du leadership », note Matata, tout en rappelant que « le chemin du développement est un chemin à multiples obstacles. De ce point de vue, il est d’avis que « le déficit de leadership est une malédiction pour la RDC ». C’est ce qui, selon lui, justifie le sous-développement de la RDC, malgré l’immensité de ses potentialités.
Selon les auteurs de cet article, il y a lieu de faire la promotion de leadership pour conjurer le sort de la RDC, convaincus que le leadership, couplé à la bonne gouvernance, sont au cœur de tout progrès.
« Sans un leadership de qualité, tout développement est hypothétique », note Matata.
Econews
« Economie politique des malédictions du développement économique » : extraits de l’article Pourquoi un pays, telle que la République Démocratique du Congo (RDC), est pauvre ? Pourquoi persiste-t-elle dans la pauvreté, alors qu’en même temps l’augmentation soutenue du revenu par habitant, dans des pays comme la république de Corée (Corée du Sud) ou la république du Botswana, contribue à estomper considérablement l’incidence de la pauvreté ?
A ces deux questions traditionnelles, la littérature économique propose plusieurs réponses que nous pouvons regrouper en cinq blocs distincts.
Le bloc 1 regroupe les études théoriques et empiriques qui soutiennent que des pays, comme la RDC, ne se développent pas à cause d’au moins une des raisons ci-après : l’étendue du territoire national ; la nature du climat ; les dotations géographiques. D’où, l’hypothèse de la malédiction du climat ou l’approche géographique du sous-développement.
En effet, certains économistes, notamment Jeffrey D. Sachs, Andrew D. Mellinger et Johny L. Gallup, soutiennent que l’emplacement géographique et la topographique d’un pays sont des déterminants et des prédicteurs clés de sa prospérité économique. Les zones développées le long de la cote et à proximité des « voies navigables » sont beaucoup plus riches et plus densément peuplées que celles situées plus à l’intérieur des terres.
Par ailleurs, ces auteurs notent que les pays en dehors des zones tropicales, qui ont des climats plus tempérés, se sont également développés beaucoup plus que ceux situés dans le tropique du Cancer et le tropique du Capricorne. En outre, l’ensemble de pays localisés dans les zones du climat tempéré ne représentent que 8,4% de la zone habitée du monde et environ un quart de la population mondiale, mais produisent plus de la moitié du produit national brut (PNB) mondial.
Le bloc 2 rassemble les travaux des auteurs qui expliquent la pauvreté par la race ou la culture (hypothèse de la malédiction du binôme culture-race).
En effet, que cela soit controversé ou non, la race et la culture, ou leurs variantes, notamment l’appartenance ethnique, la langue ou la religion, sont parfois présentées comme des facteurs clés lorsqu’il s’agit d’examiner des questions en lien avec la discrimination, l’esclavage, le colonialisme, le marché du travail, les sociétés multinationales et, bien sûr le développement économique.
Par ailleurs, comme le précisent Ducharme et Eid, bien que les discours prônant le racisme biologique, la suprématie ou la pureté raciale aient été largement discrédités depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ils continuent cependant d’affleurer la surface de l’espace public, mais le plus souvent sous la forme d’un racisme à tendance « culturaliste ». Ce néo-racisme considère les cultures comme des blocs homogènes dont les différences sont incommensurables et irréconciliables.
Suivant cette logique (cf. Smith 1993), les différences culturelles trouveraient leur source dans une ethnicité originelle figée qui remonte à des temps immémoriaux. Pour réfuter ou vérifier la validité de cette théorie, certains chercheurs se sont proposés d’examiner et de tester la causalité entre les différents niveaux de diversité ethnique et les performances économiques, remettant ainsi en cause la question de leur endogéneïté. Précisons tout de suite qu’il s’agit, ici, d’un domaine de recherche très contesté et incertain, en raison notamment de ses éventuels biais ou implications politiques.
Le bloc 3 comprend les différentes recherches qui expliquent la pauvreté par l’hypothèse de la malédiction des ressources naturelles ou le paradoxe de l’abondance.
En effet, d’après certains auteurs, l’abondance des ressources naturelles est l’un des principaux facteurs qui expliquerait le retard du développement dans des pays comme la RDC. A première vue cet argument peut paraitre contre-intuitif, pourtant plusieurs études dans la littérature économique apportent des preuves empiriques de leurs validités.
Il y a lieu de distinguer au moins deux branches dans la littérature sur l’hypothèse de la malédiction des ressources naturelles (bloc 3). Suivant la première branche, la malédiction des ressources naturelles peut s’expliquer comme suit : (i) l’abondance des ressources naturelles est à l’origine de convoitise des groupes de pression et lobbyistes puissants ; en vue de s’assurer directement du contrôle et de l’accès a ces ressources, ces groupes de pression et lobbyistes entretiennent, en connivence avec des groupes rebelles locaux hostiles au gouvernement central, des poches d’insécurité dans les régions riches en ressources naturelles; (iii) en réduisant l’autorité de l’Etat et la mobilité des facteurs, ces poches d’insécurité facilitent, a cet effet, les pillages ou les transactions illicites et favorisent l’existence des rentes minières. Cet état de fait expliquerait ainsi, d’une part, la persistance de l’insécurité et des conflits armés en RDC, principalement dans les régions riches en ressources naturelles et, d’autre part, la pauvreté malgré l’abondance des ressources naturelles.
En parallèle, la seconde branche soutient que les pays riches en ressources naturelles affichent, généralement, des niveaux de croissance économique plus faibles que ceux qui n’en disposent pas en abondance. Cela s’explique par un vecteur de facteurs exogènes et endogènes qui ne permettent pas souvent les pays dotés des ressources naturelles en abondance, de jouir pleinement de leurs richesses.
Parmi ces facteurs, les plus importants sont : (i) la volatilité des prix des matières premières sur le marché mondial; (ii) l’existence des institutions oligarchiques, autocratiques ou dictatoriales; (iii) la non-application des droits de propriété; (iv) l’épuisement rapide et non soutenable des ressources; (v) la faible diversification de l’économie; (vi) une expansion cyclique du secteur des biens non échangeables via 1’existence du syndrome hollandais; (vii) le pouvoir de négociation asymétrique ou l’impossibi1ité de s’engager dans une planification à long terme.
Le bloc 4 regroupe les travaux des auteurs qui expliquent le retard du développement par l’hypothèse de la malédiction des programmes d’assistance du FMI, par les échecs répétés des programmes d’ajustement structurel prônés par les institutions de Bretton Wood, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), dans les pays en développement.
Plusieurs études théoriques et empiriques dans la littérature économique établissent que les effets de la participation d’un pays aux programmes du FMI sur la croissance économique sont généralement négatifs.
Dans les rares cas où ces effets sont positifs, ils sont soit faibles, soit statistiquement non significatifs. Par exemple, Przeworski et Vreeland (2000, p. 403) établissent que les pays qui n’adhérent pas aux programmes du FMI croissent plus vite que ceux qui y participent, même lorsque les deux groupes sont confrontés à des conditions initiales similaires.
Vreeland (2003) trouve que la croissance économique est environ 1,5% plus lente lorsque les pays bénéficient d’un programme du FMI9. Par ailleurs, ces évidences, apparemment contre-intuitives, peuvent davantage être renforcées dans le contexte de la RDC.
En effet, l’histoire récente montre que l’économie congolaise a réalisé des performances économiques exceptionnelles entre 2012 et 2016, une période où elle n’était justement pas en programme avec le FMI.
Le bloc 5 est constitué de travaux de recherche théoriques et empiriques qui soulignent le rôle (i) des formes d’institutions (la démocratie, l’indépendance des juges, l’absence de propriété de l’Etat) et (ii) des fonctions d’institutions (l’Etat de droit, le respect de la propriété privée, l’applicabilité des contrats, le maintien d’une stabilité des prix, la prévention de la corruption dans le développement économique).
En référence notamment aux travaux dc North (1991) et Acemoglu et al. (2001), les études s’inscrivant dans la logique de ce bloc privilégient l’hypothèse de la malédiction des institutions pour expliquer le retard du développement économique observé dans des pays comme la RDC. Autrement dit, si certains pays sont économiquement riches et que d’autres sont économiquement pauvres, c’est parce que fondamentalement dans la première catégorie de pays les institutions sont inclusives, alors que dans la seconde catégorie elles sont extractives.
Les cinq blocs ci-dessus offrent un large aperçu des principales réponses que la littérature économique réserve aux deux questions fondamentales énoncées précédemment, à noter : Pourquoi un pays, telle que la RDC, est pauvre ? Pourquoi persiste-t-elle dans la pauvreté ?
Conclusion
L’économie politique des malédictions du développement a constitué l’objet principal de cet article. La trame de son contenu s’est articulée autour de deux questions majeures : Pourquoi un pays, tel que la république démocratique du Congo (RDC), est pauvre ? Pourquoi persiste-t-il dans la pauvreté ? A ces deux questions, la littérature économique propose une série de réponses susceptibles d’être regroupées, au moins, en cinq blocs distincts : la malédiction du binôme climat-géographie (bloc 1); la malédiction du binôme culture-race (bloc 2); la malédiction des ressources naturelles (bloc 3); la malédiction des programmes d’ajustement structurel du FMI (bloc 4); la malédiction des institutions (bloc 1).
Dans cet article, nous réfutons la validité empirique de ces propositions de réponse, à l’exception de la malédiction des institutions.
Plus important encore, nous constituons un ensemble des preuves et évidences empiriques pour : (i) montrer que le leadership est le facteur clé du développement économique ; (ii) prouver l’antériorité de la malédiction du leadership sur celle des institutions ; (m) illustrer comment le leadership de qualité peut être créé et sous quelles conditions peut-il être durablement consolidé. Une étape décisive pour nos recherches serait de procéder à une formalisation de notre cadre d’analyse, ou les institutions et la culture évolueraient de manière endogène en fonction de la nature du leadership implémenté par les dirigeants politiques.