L’Ouganda a vivement rejeté l’arrêt rendu, le 9 février 2022, par la Cour internationale de justice par lequel elle le condamne à verser 325 millions USD à la République Démocratique du Congo au titre des réparations des crimes de guerre commis sur le sol congolais entre 1998 et 2003. A Kinshasa, c’est encore le silence, alors que les armées congolaise et ougandaise mènent des opérations «conjointes et concertées» dans la traque des rebelles ougandais de l’ADF.
Kampala n’est pas prêt à se plier à l’arrêt rendu, le 9 février 2022, par la Cour internationale de justice (CIJ). En réalité, l’Ouganda n’accepte pas de payer la somme de 325 millions USD fixée par la Cour en guise de réparations des crimes de guerre commis par son armée sur le sol congolais entre 1998 et 2003.
En effet, l’Ouganda a estimé jeudi «injuste et erroné» le jugement de la Cour internationale de justice lui ordonnant de verser 325 millions de dollars américains de dommages et intérêts à la RDC pour son invasion de l’Est du pays il y a deux décennies.
Cette somme, fixée mercredi 9 février 2022 par la plus haute juridiction de l’ONU, reste loin des 11 milliards de dollars US réclamés par Kinshasa. «Si le montant accordé est bien inférieur à celui demandé par la RDC, l’Ouganda considère néanmoins le jugement comme injuste et erroné, tout comme le précédent jugement de 2005 sur la responsabilité était injuste et erroné», a déclaré le ministère ougandais des Affaires étrangères dans un communiqué. «L’Ouganda regrette que cette décision intervienne à un moment où les deux pays continuent de renforcer leurs relations», ajoute-t-il.
Réparation pour la mort de 180.000 civils
La Cour internationale de justice avait statué en 2005 que l’Ouganda devait payer des réparations pour avoir envahi la RDC pendant la Deuxième guerre du Congo (1998-2003). Les deux pays n’avaient ensuite pas trouvé d’accord sur le montant des réparations. La deuxième guerre du Congo a impliqué jusqu’à neuf pays africains, parmi lesquels l’Ouganda et le Rwanda qui soutenaient des forces rebelles dans l’Est du pays, riche en minerais. Les deux guerres successives qui ont, entre 1996 et 2003, dévasté la RDC – appelée Zaïre jusqu’en 1997 – ont fait plusieurs centaines de milliers de morts. La CIJ a estimé mercredi qu’il n’y avait «pas suffisamment de preuves pour étayer l’affirmation de la RDC selon laquelle l’Ouganda doit réparation pour la mort de 180.000 civils».
Dans son communiqué, le ministère ougandais des Affaires étrangères s’étonne également de voir son pays montré du doigt alors que d’autres armées étaient impliquées dans le conflit.
«L’Ouganda conteste et rejette les conclusions (faisant état) d’actes répréhensibles commis par les Forces de défense du peuple ougandais (l’armée ougandaise, ndlr), largement connues pour être l’une des forces les plus disciplinées au monde», indique le ministère. L’Ouganda «fait tout ce qui est en son pouvoir» pour travailler avec le gouvernement de la RDC sur les questions de sécurité, d’infrastructures et d’intégration économique régionale, ajoute-t-il.
L’armée ougandaise mène notamment depuis fin novembre une offensive conjointe avec l’armée de RDC dans les provinces congolaises de l’Ituri et du Nord-Kivu contre les rebelles ougandais des ADF (Forces démocratiques alliées), que le groupe État islamique présente comme sa branche en Afrique centrale.
«Les problèmes qui ont conduit à la présence ougandaise en RDC entre 1998 et 2003 n’étaient pas résolus à l’époque et ne le sont toujours pas aujourd’hui», affirme le ministère.
Pour rappel, la Cour internationale de justice a fixé mercredi à 325 millions de dollars US le montant des réparations que Kampala doit verser à Kinshasa pour l’invasion par l’Ouganda de l’Est de la République démocratique du Congo, lors de la guerre de 1998-2003. La somme fixée par la CIJ, plus haute juridiction de l’ONU, est loin des 11 milliards de dollars US que réclamait la RDC dans cette longue bataille juridique, un montant qualifié d’exorbitant par l’Ouganda.
Les juges de la Cour, dont le siège est à La Haye, ont estimé que Kinshasa n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour étayer la responsabilité directe de son voisin dans plus de 15.000 morts d’un conflit parmi les plus meurtriers au monde depuis la Seconde guerre mondiale.
L’Ouganda doit en principe verser à la RDC 225 millions de dollars US pour les pertes en vie humaines, 40 millions US de dollars US pour les dommages aux biens et 60 millions de dollars US pour les dommages aux ressources naturelles, a-t-elle précisé.
Les deux parties, qui ont accepté de laisser la CIJ trancher leur différend, sont obligées de suivre ses décisions, lesquelles sont sans appel, mais la Cour, créée en 1946 pour régler les litiges entre Etats, n’a aucun moyen de les faire respecter.
L’armée ougandaise est aujourd’hui de retour dans l’Est de la RDC, dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, où elle mène une offensive conjointe avec les Forces armées de la République Démocratique du Congo pour les rebelles ougandais ADF (Allied Democratic Forces), présentés par l’organisation jihadiste Etat islamique (EI) comme sa branche en Afrique centrale.
L’opération a été lancée fin novembre 2021, en dépit des relations compliquées entre les deux pays, rappelle-t-on.
Francis M.