Crise post-électorale en RDC : Martin Fayulu alerte l’Union africaine

Profitant du dernier sommet de l’Union africaine (UA), Martin Fayulu Madidi, candidat malheureux à la présidentielle de décembre 2018, a alerté les Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UA sur la résurgence de la crise post-électorale en République Démocratique du Congo, alors qu’une incertitude entoure les prochaines échéances électorales de décembre 2023.

Voici l’intégralité de sa lettre datée du 5 février 2022, dont une copie est parvenue à la rédaction d’Econews.

Le 8 février 2019, pour la première fois, j’ai envoyé une lettre aux Chefs d’États et de Gouvernements, participants au 32eme Sommet de l’Union Africaine (UA) à Addis-Abeba. Les années qui ont suivi, j’ai persévéré dans cette voie pour attirer votre attention sur la situation chaotique qui prévaut en République Démocratique du Congo (RDC).

La RDC s’enlise dans des crises. Ce qui préoccupe énormément nos concitoyens tout comme, l’Union Africaine, au regard particulièrement de récents développements survenus dans le continent, et plus spécifiquement dans la sous-région Ouest-africaine.

Le coup d’État en douceur (hold-up électoral), intervenu après les élections de décembre 2018 en RDC, a produit des dysfonctionnements institutionnels et des pratiques qui ont sévèrement secoué l’ordre constitutionnel. Jamais la RDC n’a été aussi fragile, affaiblie ou exposée à des risques, notamment de guerre civile, en raison du mécontentement croissant de notre peuple qui subit un leadership défaillant au plan interne et un apparent rejet de ses claires aspirations démocratiques de l’étranger.

De toute évidence, la RDC navigue à contre-courant de ses engagements pris dans le cadre de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et de la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance – que divers gouvernements de la RDC ont signés et que le pays doit donc respecter. Manifestement, cela n’a pas été le cas en pratique.

Dans cette lettre, je voudrais souligner quelques situations alarmantes, espérant que l’UA usera de son influence morale et de son rôle politique pour agir en conséquence afin de contribuer à assurer la paix, la stabilité et le développement démocratique en RDC :

Il s’agit notamment de :

1. L’instauration d’un système dictatorial en violation de la Constitution, et de l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire ;

2. La tentative d’instaurer un système de parti unique en créant « l’Union Sacrée de la Nation », en violation de l’article 6 de la Constitution qui reconnaît le pluralisme politique en RDC et de l’article 7 qui interdit l’institution, sous quelque forme que ce soit, d’un seul parti sur tout ou partie du territoire national.

Des parlementaires et des dirigeants de partis politiques ont été contraints, sous peine de poursuites judiciaires, d’adhérer à « l’Union Sacrée de la Nation », la nouvelle structure politique de M. Tshisekedi;

3. La détermination de M. Tshisekedi à contrôler les deux principales institutions concernées par le processus électoral en RDC, à savoir : La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et la Cour Constitutionnelle, dont l’indépendance et l’intégrité ont été souillées par le régime en place;

4. La proclamation de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, sans planification ni programmation, et ses multiples prorogations, en violation de la Constitution. Cela a conduit à la résurgence de rébellions et de tueries dans ces provinces ainsi qu’à l’escalade de tués au sein de civils et de manifestants pacifiques, dans un régime d’administration militaire;

5. La signature, par M. Tshisekedi, de divers accords avec certains pays voisins, notamment l’Ouganda et le Rwanda, en violation de la Constitution;

6. L’instrumentalisation du tribalisme, qui mine la cohésion nationale et le développement équitable;

Face à cette aggravation de la situation, je sollicite auprès de l’Union Africaine de s’investir pour mettre en place un cadre de discussions entre parties prenantes afin d’adopter des réformes électorales consensuelles et créer un environnement véritablement propice à la tenue des élections libres, justes, impartiales et apaisées en 2023. Mon engagement en faveur du consensus et de la démocratie est inébranlable. J’ai confiance et j’espère que le vôtre l’est aussi.

Vous remerciant par avance pour l’attention que vous accorderez à cette lettre et aux questions urgentes qu’elle pose, veuillez agréer, Messieurs les Chefs d’Etats et de Gouvernement, l’expression de ma très haute considération.

Kinshasa, le 5 février 2022