Samedi 19 février, Matata Ponyo Mapon, ancien Premier ministre et sénateur de son état, s’apprête à embarquer à bord d’un avion de Congo Airways à destination de Lubumbashi, chef-lieu de la province du Haut-Katanga. L’avion décollera finalement, sans Matata à bord. Pourtant, dans la ville cuprifère, Matata allait juste s’incliner devant la dépouille de sa sœur, de père et mère congolais, décédée trois jours auparavant.
Selon les agents de la DGM (Direction générale de migration) qui lui ont interdit d’embarquer, ils exécutaient un ordre venu «d’en haut».
Quel est donc cette haute personnalité qui peut contourner et priver à un sénateur en fonction sa liberté ? Quel est cette personnalité d’«en haut», non autrement identifiée, qui a décidé de défier les lois de la République jusqu’à se confondre à la République même.
Pour élucider l’énigme, le sénateur Matata Ponyo a trouvé mieux que de s’adresser au Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Pour une raison évidente, d’ailleurs. Car, le Chef de l’Etat est le seul citoyen de la République Démocratique du Congo ayant, en vertu de l’article 74 de la Constitution, prêté le serment : « d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République ; (…) de ne me laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine; de consacrer toutes mes forces à la promotion du bien commun et de la paix; de remplir, loyalement et en fidèle serviteur du peuple, les hautes fonctions qui ne sont confiées».
Qui d’autre, à part le Président de la République, peut donc mettre fin à l’injustice monumentale qui est imposé au sénateur Matata, sinon celui-là même, en l’occurrence le Président de la République qui a juré «d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République».
Pour toutes ces raisons, Matata a décidé de se tourner vers celui qui incarne l’institution «Président de la République». C’est le seul moyen de neutraliser celui qui, d’«en haut», a décidé, en flagrante violation des lois de la République, de lui priver toute sa liberté.
Ci-dessous la lettre du sénateur Matata Ponyo Mapon adressée au Président de la République.
Econews
Concerne : Graves violations de mes droits fondamentaux
Excellence Monsieur le Président de la République, J’ai l’honneur de saisir votre Haute Autorité pour vous informer que j’ai été empêché de voyager le samedi dernier pour Lubumbashi, où j’étais censé me rendre pour enterrer, en ma qualité de responsable de la famille, ma propre sœur, décédée le 16 février 2022.
En effet, l’agent de la Direction générale de migration (DGM) qui me l’a signifié verbalement et sans le moindre soubassement, m’a fait savoir que la décision venait d’«en haut».
Pour rappel, dans son arrêt rendu sous le R.P.0001 en date du 15 novembre 2021, et dont Votre Autorité est l’une des personnes notifiées depuis le 2 décembre 2021, et ce, conformément à la loi organique sur cette juridiction, le Cour Constitutionnelle indique que selon la Constitution de notre pays, aucune juridiction d’ordre judiciaire ne peut juger un ancien Président de la République et un ancien Premier ministre.
Il s’en suit que la Cour de Cassation auprès de qui le dossier a été illégalement et anticonstitutionnellement envoyé après cet arrêt de la Haute Cour, ne puit démontrer sa compétence pour juger un ancien Premier ministre, pour les faits commis dans l’exercice de ses fonctions.
Par ailleurs, il importe de noter que le Parquet Général de la Cour de Cassation, s’était déjà déclaré incompétent pour instruire et traiter ce même dossier qu’il avait transmis au Procureur Général près la Cour constitutionnelle.
En effet, s’adressant au Bureau du Sénat par son réquisitoire du 15 mai 2021, ce dernier avait même signifié cette incompétence, lorsqu’il soulignait, je cite : « …C’est en vertu de ces dispositions constitutionnelles que le Procureur près la Cour de Cassation a transmis à mon office les dossiers pénaux ouverts à charge des anciens premiers ministres Monsieur Bruno TSHIBALA et Monsieur Augustin MATATA, pour disposition et compétence… » fin de citation.
La chose la inexplicable et intrigante est que le dossier sur le détournement des fonds à l’indemnisation des biens zaïrianisés, pour lequel j’ai été entendu, placé en résidence surveillée (aussitôt levée au bout de 24 heures) et qui a conduit à une perquisition brutale de ma résidence jusqu’à violer l’intimité familiale, n’a jamais été clos, en dépit de la demande de classement sans suite pour défaut de charges confirmée verbalement par le Procureur Général près la Cour constitutionnelle, et sollicitée depuis juillet 2021 par mes avocats.
Il ne s’agit ni moins que d’une succession de violations de mes droits fondamentaux, non seulement en tant que citoyen, mais aussi en tant que Sénateur (Droit à la liberté des mouvements, droit à la santé, droit à des procédures judiciaires régulières et conformes à la Constitution et aux lois de la République) dont Votre Autorité est le Gérant.
Sinon, comment comprendre la non application de l’article 168 de la Constitution, à son alinéa 1, qui dispose que les arrêts de la Cour sont exécutoires immédiatement, ne peuvent faire l’objet d’aucun recours et s’imposent à tout le monde. C’est sur base de ces considérations que la Cour constitutionnelle a confirmé à travers son arrêt susmentionné que le dossier nous concernant était définitivement clos. Mais cette décision reste méconnue par le Sénat, les Parquets près la Cour Constitutionnelle et la Cour de Cassation, ainsi que la Direction Générale de Migration (DGM).
En référence à ces conclusions de la Cour Constitutionnelle, il sied de constater la récupération de toutes mes immunités ainsi que mes libertés de mouvements, conformément aux articles 106 de la Constitution ainsi qu’à l’article 223 du règlement intérieur du Sénat qui me garantit le droit de circuler sans restriction ni entrave à l’intérieur du territoire national et d’en sortir.
Face à cette injustice et une discrimination manifeste, je viens une fois de plus auprès de votre Autorité, comme dans mes précédentes correspondances vous adressées aux 30 juillet et 02 décembre 2021, référencées N°SENAT/MPM/KM/07/2021/026 et N°SENAT/MPM/KM/07/2021/040, en votre qualité de Magistrat Suprême, mais aussi de Garant des lois du pays comme le veut la Constitution en son article 69, solliciter la cessation de la violation de mes droits fondamentaux par les différents services étatiques et le rétablissement et la jouissance effectifs desdits droits conformément à la Constitution.
Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Président, l’expression de ma Haute considération.
Fait à Kinshasa, le 22 février 2022
Matata Ponyo Mapon
Sénateur