Activisme des «Forces du progrès», assaut du Palais du peuple : la République désacralisée !

Kinshasa, la capitale congolaise, est secoué par des événements sans précédent. La résidence privée de l’ancien président de la République, Joseph Kabila, désignée GLM, a été récemment attaquée. Les événements ont atteint un paroxysme de tension mardi dernier, lorsque des affrontements ont éclaté entre deux camps rivaux des «Forces de progrès» au Palais du peuple. Lieu supposément sacré, le Palais du peuple a vu ses conséquences en termes d’image et de respectabilité gravement altérées. Les membres de la milice se sont éclairés de leur propre lumière, redéfinissant les contours de la démocratie et sapant ainsi son fondement même.
Ces actes sont attribués aux « Forces de progrès», une milice qui se présente comme le défenseur sans conteste du pouvoir de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social).
Constituées de jeunes, se disant « Combattants », les «Forces de progrès» ne reculent devant rien. En effet, ces derniers, souvent assimilés à l’État lui-même, adoptent un comportement qui transcende les limites de la légalité. Les attaques ciblant à la fois la résidence de l’ancien président  de la République Joseph Kabila et le Palais du peuple n’ont pas seulement engendré de la peur, mais aussi une profonde remise en question de la force publique.
En parallèle, un procès a été ouvert au Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe contre des membres de la «Base Gramalic» des «Forces de progrès». Ce procès, qui se déroule en audience foraine, est porteur de symboles forts. 
À travers ces actes de violence et de vandalisme, c’est la République qui est aujourd’hui désacralisée. Les symboles de l’État, qui devraient être des bastions de la tranquillité et de la justice, sont désormais le théâtre de luttes de pouvoir et de combats de rue.

Une attaque contre une résidence de l’ancien chef de l’Etat Joseph Kabila pendant que l’ex-Première Dame s’y trouvait; des dizaines de miliciens des «Forces du progrès» de l’UDPS arrêtés dans la foulée, dont des femmes et des mineurs. Chantage, outrage à la police, imputations dommageables et trafic d’influence à l’encontre du général commandant de la police de la ville de Kinshasa sur les réseaux sociaux… Quelle que soit l’issue du procès, et les condamnations qui s’ensuivraient, une chose est sûre : c’est la République qui s’en sortira désacralisée, dès lors qu’une milice d’un parti politique est en voie de prendre le pas sur des forces de sécurité impuissantes à sévir contre ceux qui se présentent en protecteurs du régime UDPS, même au prix des pires violences.

PROFESSION : «COMBATTANTS DE L’UDPS !»   

Le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe a poursuivi mardi l’examen du dossier de l’attaque de la résidence de l’ancien président Joseph Kabila, située dans la commune de Gombe. La veille, l’audience a essentiellement porté sur l’identification des 76 prévenus impliqués dans cette affaire où se mêlent politique, justice et violence urbaine.

Les charges retenues contre les prévenus sont d’une relative gravité: association de malfaiteurs, vol à l’aide de violence, destruction méchante et tentative de meurtre.

Parmi les accusés figurent plusieurs jeunes se réclamant de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le parti au pouvoir. Le tribunal a tôt fait de se déclarer incompétent pour juger 11 prévenus mineurs, transférés depuis devant le tribunal pour enfants.

L’audience de  lundi a permis au ministère public de présenter l’acte d’accusation, tout en écoutant les déclarations des parties civiles, notamment les avocats de l’ex-première dame, Olive Lembe Kabila. Les débats ont été marqués par les témoignages contradictoires des accusés et des parties civiles.

COMPLICES DES JUGES VÉREUX

Parmi les prévenus, Ngandu Wa Ngandu Kennedy, alias Anti-balles, présenté comme l’un des responsables provinciaux des «Forces du Progrès» (fédération de Lukunga), un groupe affilié à l’UDPS. Devant les juges, il a expliqué comment il s’était retrouvé impliqué dans cette affaire, affirmant qu’on lui aurait proposé la somme de 5.000 dollars US pour participer à une tentative de déguerpissement des occupants d’un immeuble à Gombe, en proie à un conflit foncier.

L’homme a également déclaré que des agents du parquet avaient déjà eu recours à leurs services pour exécuter de force certaines décisions de justice. Une  affirmation qui a soulevé un tollé et de vives réactions dans la salle d’audience.

DES MENACES CONTRE LE GÉNÉRAL KILIMBALIMBA

L’arrestation, suivie de l’ouverture du procès en flagrance des militants de l’UDPS, a entraîné une réaction pour le moins inattendue. Un certain Joël Kitenge a publié sur les réseaux sociaux une déclaration menaçante mettant en cause le commandant de la police de la ville de Kinshasa.

Le général Kilimbalimba qui s’est aussitôt constitué partie civile pour menaces, imputations dommageables, trafic d’influence en dépit des excuses de l’accusé jugées tardives. Des sources affirmant que l’incriminé serait résident à Brazzaville sont démenties par d’autres proches de l’UDPS qui soutiennent pour leur part que l’homme serait bel et bien présent à Kinshasa.

Le PALAIS DU PEUPLE PRIS D’ASSAUT

Décidément, la situation politique en RDC prend une tournure inquiétante alors que des affrontements entre deux factions des «Forces du progrès» ont éclaté mardi au Palais du peuple. Ce lieu, symbole de la démocratie et siège du parlement, est devenu le théâtre d’une lutte de pouvoir interne, illustrant le déclin d’un contrôle institutionnel face à une milice qui semble déterminée à imposer sa loi.

Les affrontements ont opposé des partisans et des opposants d’Augustin Kabuya, figure emblématique de l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social). Ce clivage au sein des «Forces du progrès» témoigne d’une fracture profonde et pose la question de la légitimité et de l’autorité au sein du mouvement. Ces divisions internes reflètent une lutte plus large pour le pouvoir et l’influence qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’ensemble du paysage politique congolais.

Alors que certains membres des «Forces du progrès» se retrouvent devant la justice suite à leurs actes, la milice continue à demeurer active et largement impunie. Cela soulève des inquiétudes quant à la capacité de l’État à rétablir l’ordre. Des témoignages indiquent que les groupes se sentent de plus en plus en mesure de défier les pouvoirs publics, sans crainte de représailles.

POSITION AMBIGÜE DE L’UDPS 

Face à cette dérive, le silence des dirigeants de l’UDPS est assourdissant. Personne n’ose lever le doigt pour condamner les agissements de ces hors-la-loi qui, sous couvert d’un engagement politique, érodent les fondements mêmes de la démocratie. Ce mutisme pourrait être interprété comme une complicité passive, aggravant ainsi la situation et amplifiant les tensions au sein du parti lui-même.

Les «Forces du progrès », nées dans la suite de la prise du pouvoir par l’UDPS se signalent depuis par des pratiques s’apparentant à une milice politique. De leur quartier général situé dans la commune de Ngaliema, ces hommes et femmes font peser sur le voisinage une continuelle atmosphère menaçante, au vu et au su des forces de police.

Ainsi, les passants sont contraints de saluer le drapeau de leur parti, de même qu’ils entretiennent des lieux clandestins de détentions où sont jugés des riverains qui pensent être dans leurs droits.

L’impunité dont jouissent les membres des «Forces du progrès» est confortée par la position des hauts cadres du parti présidentiel. Leur influence s’est accrue notamment avec l’appui sans faille que leur apportait l’ancien ministre de l’Intérieur.

S’adressant aux journalistes lors d’un briefing de presse, Peter Kazadi, alors vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur, avait ouvertement déclaré que les «Forces du progrès» étaient bel et bien une structure de l’UDPS dont la dissolution n’était pas envisageable. Il n’était d’ailleurs pas rare sous son ministère de voir dans son sillage les uniformes kaki des «Forces du progrès».

UN DANGER PERMANENT

L’ambigüité de la direction du parti présidentiel, qui semble fermer les yeux sur les exactions commises par sa milice, en même temps que le régime interdit la constitution des groupes aux attributs paramilitaires au nom des partis politiques interroge.

Elle n’est pas sans rappeler les agissements de ses militants qui font la loi au poste frontière de Kasumbalesa dans la province du Haut-Katanga. Régulièrement, ils se signalent par le rançonnement  des commerçants transfrontaliers sous le regard impuissant des autorités provinciales.

Le constat est alarmant : le ver est dans le fruit. Les tensions qui émergent au sein des «Forces du progrès» pourraient conduire à une déflagration, alimentée par des rivalités internes et un manque de contrôle. La crainte est désormais palpable : un embrasement généralisé pourrait résulter de cet affaiblissement du cadre démocratique, entraînant des répercussions sur la stabilité du pays dans son ensemble.

Econews