L’affaire Bukanga-Lonzo, impliquant l’ancien Premier ministre Matata Ponyo et ses co-accusés, a dégénéré en une grave crise institutionnelle opposant l’Assemblée nationale à la Cour constitutionnelle. L’étincelle ? Les propos incendiaires du procureur général près la Cour constitutionnelle qui, le 23 avril 2025, a qualifié l’Assemblée de « soi-disant institution » en l’absence des prévenus. Une attaque qui a provoqué la colère de Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale. Dans une lettre cinglante adressée à la Cour, il a rappelé avec fermeté le principe sacro-saint de l’immunité parlementaire, inscrit à l’article 107 de la Constitution, exigeant le respect des procédures avant toute poursuite contre Matata Ponyo, député élu de Kindu. Alors que le verdict du procès est attendu pour le 14 mai, la question reste brûlante : la Cour constitutionnelle pliera-t-elle devant l’exigence de légalité ou persistera-t-elle dans sa logique, au risque d’envenimer la crise ? Un bras de fer aux conséquences imprévisibles pour l’équilibre des pouvoirs en RDC.
L’affaire Bukanga-Lonzo, impliquant l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo et ses co-accusés, Deogratias Mutombo et Christo Grobler, prend une tournure institutionnelle inédite. Ce qui devait être un simple procès pour détournement de fonds publics se transforme en bras de fer entre deux piliers de l’État : l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle.
Le 23 avril 2025, en l’absence des prévenus devant la Cour constitutionnelle, le procureur général près cette juridiction a violemment critiqué l’Assemblée nationale, la qualifiant de «soi-disant Assemblée nationale ». Des propos qui ont provoqué l’ire des députés, notamment du président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe.
Dans une correspondance adressée au président de la Cour constitutionnelle, Kamerhe a répliqué fermement, rappelant les principes constitutionnels qui protègent les parlementaires. Citant un alinéa de l’article 107 de la Constitution, il a souligné qu’« aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat ».
Respect des immunités vs lutte contre l’impunité
Sans remettre en cause le bien-fondé du procès, Kamerhe a insisté sur le respect des procédures, demandant à la Cour constitutionnelle de solliciter officiellement la levée de l’immunité parlementaire de Matata Ponyo, élu de Kindu.
« Refuser cette étape, c’est ouvrir la porte à l’arbitraire », a-t-il implicitement averti.
Du côté de la Cour constitutionnelle, la question divise. Certains magistrats estiment que le procureur a outrepassé ses limites en s’attaquant directement à l’Assemblée nationale, tandis que d’autres défendent une approche plus ferme contre ce qu’ils considèrent comme des manœuvres dilatoires.
Quelle issue possible avant le verdict du 14 mai ?
Avec le jugement prévu pour le 14 mai 2025, la Cour constitutionnelle se trouve à un carrefour : Soit elle suit la voie légale en demandant la levée de l’immunité de Matata Ponyo, ce qui retarderait le procès mais apaiserait les tensions institutionnelles. Soit elle maintient sa position, au risque d’une crise ouverte avec le Parlement, voire d’une motion de défiance contre le procureur général.
C’est dire qu’au-delà de l’affaire Bukanga-Lonzo, c’est l’équilibre des pouvoirs en RDC qui est en jeu. Si la Cour constitutionnelle impose son autorité sans compromis, elle pourrait fragiliser le principe de séparation des pouvoirs. À l’inverse, si elle cède, certains y verraient un affaiblissement de la justice face aux élus.
Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, plusieurs députés soutiennent la position de Kamerhe, dénonçant une « justice partiale ». À l’opposé, des activistes anti-corruption appellent à ne pas instrumentaliser l’immunité parlementaire pour bloquer un procès emblématique.
Quoi qu’il en soit, la Cour constitutionnelle devra trancher rapidement pour éviter une escalade. Matata Ponyo, lui, reste silencieux, laissant ses avocats gérer la bataille juridique.
Econews