Affaire Bukanga-Lonzo : la Fondation Bill Clinton appelle à une «justice équitable»

La Fondation Bill Clinton pour la paix (FBCP), en collaboration avec une vingtaine d’organisations de défense des droits de l’Homme actives en République Démocratique du Congo (RDC), a dénoncé «une justice de deux poids, deux mesures » dans le dossier du détournement présumé de deniers publics dont est accusé Théophile Matondo, ancien directeur général intérimaire du Bureau central de coordination (BCECO). Son seul péché, commente-t-on dans certains milieux, est le fait d’avoir été proche de l’ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon, qu’il a remplacé à la direction générale du BCECO à sa nomination en 2010 au poste de ministre des Finances. Dans ce procès expéditif, Théophile Matondo a été condamné à dix (10) ans de prison ferme par la Cour d’appel de Kinshasa-Gombe.

Au cours d’une conférence de presse tenue, le mercredi 3 novembre 2021, à Kinshasa, sous le thème «Etat de droit et justice équitable en RDC », la Fondation Bill Clinton pour la paix (FBCP), en collaboration avec une vingtaine d’organisations de défense des droits de l’Homme actives en République Démocratique du Congo (RDC), a dénoncé le manque d’équité et de respect des normes dans l’administration de la justice dans le pays, se référant plus particulièrement à l’affaire Bukanga-Lonzo pour laquelle M. Théophile Matondo, ancien directeur général du Bureau central de coordination (BCECO), a été condamné avec une célérité déconcertante par la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe.

Concernant l’affaire Bukanga-Lonzo, ces ONG ont indiqué que les ouvrages, objet du marché public concerné, auraient été régulièrement réceptionnés par le gouvernement congolais en 2016, à l’entière satisfaction de toutes les parties prenantes (Primature, ministère de l’Energie, bureau conseil du Gouvernement-Fichtner/Allemagne et la SNEL).

Le regroupement d’organisations de la Société civile active dans le domaine des droits humains, piloté par la Fondation Bill Clinton pour la paix, fustige la «politique de deux poids, deux mesures » dans l’administration de la justice en République Démocratique du Congo (RDC). Il appelle à une justice distributive qui respecte les normes en la matière.

Des cas de flagrance

Pour s’en convaincre, ces organisations ont cité plusieurs cas des justiciables condamnés dans les conditions qui ne respectent pas les normes. Elles ont notamment relevé les cas de l’ancien ministre provincial de Kinshasa en charge des Finances, Guy Matondo, condamné à sept ans de prison; de l’ancien directeur de la police criminelle de la capitale congolaise, Jean-Pierre Masudi, condamné, lui aussi, à sept ans de prison; ainsi que du directeur par intérim du Bureau central de coordination, Théophile Matondo Mbungu, condamné à dix ans de prison ferme par la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe, alors que les éléments recueillis pendant l’instruction de cette affaire présageaient une décision contraire.

Des cas clouent la justice congolaise

Dans leur déclaration, ces organisations ont illustré leur point de vue par le cas récent, celui du directeur par intérim du BCECO, dont la condamnation paraît injuste pour un dossier d’appel d’offres international dans lequel ont également concouru des firmes internationales.

Elles ont noté que contrairement au rapport de contre-expertise de l’Inspection générale des finances, de deux experts de la Société nationale d’électricité (SNEL) et des inspecteurs généraux des Finances, qui aurait déduit un détournement des fonds alloués au projet de soutirage et d’installation des postes pour l’électrification du site du parc agro-alimentaire de Bukanga-Lonzo mis en charge de Théophile Matondo Mbungu, que les ouvrages, objet du marché public concerné, auraient été régulièrement réceptionnés par le gouvernement congolais en 2016, à l’entière satisfaction de toutes les parties prenantes (Primature, ministère de l’Energie, bureau conseil du gouvernement-Fichtner/Allemagne, et la Snel).

«Alors que la loi congolaise sur le marché public offre aux sociétés concurrentes la possibilité de contester toute irrégularité constatée dans le choix final, aucune des firmes internationales ayant concouru au marché n’a protesté au choix fait par le gouvernement, maître d’ouvrage, en faveur de la société AEE Power », ont souligné ces organisations.

Elles ont, en outre, relevé que l’inspecteur général des Finances (IGF), officier de police judiciaire qui a été entendu lors de l’instruction judiciaire, a reconnu que l’IGF n’a jamais conduit une inspection ou un contrôle en matière de taxe sur la valeur ajoutée dans ce dossier. Et, la Snel, qui a elle-même conduit la supervision technique du projet jusqu’à son aboutissement, aurait participé, à travers deux de ses experts, à la contre-expertise organisée par l’IGF, se plaçant ainsi en situation malencontreuse de juge et partie. Et de relever que pendant l’instruction du dossier, le ministère public n’a pas démontré exactement comment le directeur par intérim du BCECO se serait pris personnellement pour sur-facturer les travaux, dans le processus de formation du prix des travaux, qui suit un parcours fixé par la loi.

Notant, par ailleurs, que le jugement avait reconnu que les opérations de paiement des fonds alloués au projet ont été intégralement prises en charge par le Trésor public, sous le pilotage des ministères des Finances et du Budget, ces organisations ont fait savoir que le BCECO, dont le directeur n’avait aucune prérogative décisionnelle individuelle, et qui n’a agi que comme maître d’ouvrage délégué, n’a de l’argent dans ce dossier car, les paiements sont passés directement du Trésor public vers le compte de l’entrepreneur.

Relevant d’autres arguments au bénéfice de l’accusé venant du ministère public et de la Direction générale des impôts (DGI) sur la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la FBCP et ses partenaires ont relevé que dans ces conditions, le BCECO, moins encore son directeur général, ne pouvait être tenu en qualité de redevable ou agent de la DGI pour détourner la TVA à l’intérieur.

En condamnant Théophile Matondo, en dépit des éléments succincts monitorés et qui ont fait objet des vifs échanges dans ce procès, la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a pris une posture malencontreuse, disant que le subalterne, chef d’un service technique d’appui du gouvernement central, aurait donné un ordre à ses chefs hiérarchiques et politiques qui, seuls, sanctionnent tout paiement par la chaîne de dépenses du Trésor public, du seul fait de transmettre à ces autorités, les factures de l’entrepreneur.

Ce collectif, qui qualifie cet arrêt de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe d’une condamnation injuste ne favorisant pas l’avènement d’un Etat de droit dans le pays voulu par le peuple congolais et le chef de l’Etat, exhorte les instances politiques et judiciaires à redorer l’image ternie de la justice, pour permettre à la RDC d’accroître son crédit vis-à-vis de ses partenaires.              Il exhorte ainsi les instances judicaires supérieures à éviter les violations des droits de l’homme telles que celles enregistrées dans les instances inférieures et à les corriger, si possible.

Econews avec Adiac-Congo