Affaire Bukanga-Lonzo : Matata déclare la guerre à Bahati et récuse le PG Mukolo

Traqué de nouveau dans l’affaire Bukanga-Lonzo qui lui colle à la peau depuis son départ de la Primature en novembre 2016, Matata Ponyo Mapon a décidé de déployer la grande artillerie, tant politique que judiciaire, pour se défendre.
Si au Sénat, son président Modeste Bahati Lukwebo, a subtilement attendu que les sénateurs aillent en vacances, avant de réactiver la levée de ses immunités parlementaires, le sénateur du Maniema y voit, une fois de plus, un coup politique destiné à lui barrer la route à la présidentielle de décembre prochain.
Entre mercredi et jeudi, Matata a été sur tous les fronts pour faire entendre sa voix. Mercredi, il a déposé, devant la Cour de cassation, une plainte contre Modeste Bahati, avant de transmettre à la chambre haute du Parlement sa lettre de réprobation à ce qu’il qualifie de manœuvres dilatoires de Bahati pour l’éliminer politiquement.
Jeudi, il a récidivé en allant déposer au cabinet du président de la Cour constitutionnelle sa lettre de récusation du procureur général (PG) près la Cour constitutionnelle, Jean-Paul Mukolo.
Rude bataille politique
Le dossier Bukanga-Lonzo étant, selon lui, fondamentalement politique, c’est sur ce front que Matata concentre donc toute son énergie. Sur son compte twitter, l’ancien Premier ministre multiplie des tweets, tirant à balles réelles autant sur Bahati que le PG Mukolo.
Dans la conférence de presse qu’il a animée, mercredi au CEPAS (à Kinshasa), le sénateur du Maniema pointe du doigt le président du Sénat et le PG près la Cour constitutionnelle qu’il accuse d’entreprendre une démarche anticonstitutionnelle en déphasage des lois de la RDC.
«Ce duo se remet en place pour une énième violation des lois et règlements du pays pour concocter en toute illégalité, en toute tricherie, en toute fraude et en toute irrégularité, un plan pour l’émission d’un nouveau réquisitoire pour solliciter, après avoir stratégiquement mis à l’écart l’assemblée plénière du Sénat, organe habilité à examiner la question, la levée des immunités parlementaires du sénateur Matata».
Se sentant politiquement visé en raison de ses ambitions présidentielles, Matata Ponyo pense donc apporter une «réponse politique aux provocations politiques de ses adversaires politiques». Car, estime-t-il, «le président Bahati, qui devrait être neutre, est devenu juge et partie.Toutes les actions qu’il pose contre moi sont en faveur du candidat de sa famille politique, «Union sacrée». Pour la beauté de la démocratie, le respect des règles du jeu serait préférable à l’instrumentalisation de la justice pour l’élimination de certains candidats déclarés à un processus électoral voulu inclusive et paisible.
Autant qu’il a déclaré la guerre à Modeste Bahati, Matata récuse en même temps le PG Mukolo. Il l’a fait savoir dans une lettre adressée jeudi au président de la Cour constitutionnelle.
«Je récuse le Procureur général près la Cour constitutionnelle, comme je l’ai fait hier avec le président du Sénat. Je lui retire toute ma confiance. Le code pénal et la loi organisant le fonctionnement des institutions judiciaires donnent la possibilité, lorsque vous n’avez plus confiance au Procureur général, le droit de le récuser. C’est une action conforme à la loi », a dit Matata Ponyo, répondant aux questions de la presse, au sortir de la Cour constitutionnelle. Et d’ajouter: «Il y a plusieurs actes qui démontrent que le Procureur Jean-Paul Mukolo n’est pas juste, n’est pas dans l’équité. Le Procureur général a demandé à l’ancien ministre des Finances Kitebi de témoigner contre moi. Ce n’est pas vous qu’on cherche, mais plutôt monsieur Matata. C’est inimaginable! Un procureur qui complote avec ceux qui doivent témoigner. Ceci est inacceptable pour un haut magistrat. De tels actes sont très graves».
Au Sénat, Modeste Bahati s’est déclaré, dans une lettre datée du 20 juin 2023, non concerné par le nouveau rebondissement de l’affaire Bukanga-Lonzo.
Se faisant passer pour un grand exégète du droit constitutionnel pénal congolais, Modeste Bahati a, répondant au nouveau réquisitoire du PG près la Cour constitutionnelle, que les immunités parlementaires de Matata lui ont été retirées depuis la décision du bureau du Sénat du «5 juillet 2021».

Dans l’attente de la réplique
Jusqu’où ira finalement ce dossier de Bukanga-Lonzo? Que nous réserve le collectif des avocats de Matata, conduit par le prof Raphaël Nyabirungu ?
Dans l’affaire Bukanga-Lonzo, Matata est poursuivi, concomitamment avec Patrick Kitebi, alors ministre délégué aux Finances, et le Sud-africain Christo Grobler, directeur général d’Africom, société gestionnaire du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, pour un présumé détournement de plus de 200 millions de dollars américains sur la base d’un rapport établi par l’Inspection générale des Finances, sous la coordination de son patron, Jules Alingete.
Voici, en encadré, la déclaration du sénateur Matata Ponyo lors de sa conférence de presse du mercredi, la lettre de récusation du PG Mukolo et la réponse du président du Sénat au nouveau réquisitoire du parquet près la Cour constitutionnelle.

Tighana M.

Illégalité et irrégularité d’un nouveau réquisitoire pour la levée des immunités du sénateur Matata Ponyo Mapon : fraude, tricherie et mépris de la loi
INTRODUCTION
Mesdames et Messieurs, l’acharnement politique contre le Sénateur Matata, sur fond des procédures judiciaires concoctées de toute pièce, se rallume avec comme objectif d’éliminer à tout prix un challenger aux élections présidentielles de décembre 2023.
Comme en juillet 2021, deux ans jour pour jour, c’est une fois de plus le fameux Duo Président du Sénat (Bahati) – Procureur Général près la Cour constitutionnelle (Mukolo) qui se remet en place pour une énième violation des lois et règlements de la République Démocratique du Congo, pour concocter, en toute illégalité, fraude, tricherie et irrégularité, le plan pour l’émission d’un nouveau réquisitoire pour solliciter du Sénat (du reste en vacances parlementaires), après avoir stratégiquement mis à l’écart l’Assemblée Plénière, organe suprême habilité sur la question.

I. Rappel séquentiel des faits dans le feuilleton Bukanga-Lonzo
1.1. Entre avril et juin 2021, par ses réquisitoires successifs dans un intervalle de trois mois (28 avril, 12 & 15 mai), le Procureur Général a saisi le Sénat, pour obtenir la levée de mes immunités et l’autorisation des poursuites.
1.2. L’Assemblée Plénière, (organe suprême du Sénat) a émis un vote, par une résolution datée du 15 juin 2021. Cette résolution a été notifiée au Procureur Général par lettre officielle du Président du Sénat (Lettre référencée n° 0219/CAB/PDT/ SENAT/MBL/EM/ pkg/2021 du 21 juin 2021).
1.3. Ayant échoué d’obtenir du Sénat (Cfr décision de refus de la plénière du 15 juin 2021 votée par 49 contre 46), la levée d’immunités et l’autorisation des poursuites sur l’affaire Bukanga-Lonzo, un dossier fictif sur le détournement des deniers publics lors du paiement de l’indemnisation des personnes physiques et morales victimes des biens zaïrianisés, avait été ouvert et instruit en toute irrégularité. Inimaginable.
1.4. En effet, à la suite du quatrième réquisitoire portant le n°1617/RMPI/0003/PG C.CONST/BM/2021 du 24 juin 2021, déposé par malice au Sénat le 28 juin 2021 durant la session parlementaire, mais notifiée en toute fraude et malice le même 28 juin à 18h30, après la clôture de la session vers 18h00, une invitation m’avait été lancée en mains propres par le Président du Sénat pour que je puisse me présenter le 5 Juillet 2021.
1.5. La Décision n° 006/CAB/PDT/SENAT/MBL/HFM/EBD/2021 du Bureau du Sénat intervenue le 05 juillet 2021 sans m’avoir entendu et sans m’avoir accordé du temps pour préparer ma défense, a MALICIEUSEMENT autorisé les poursuites et la levée des immunités parlementaires, en violation intentionnelle et flagrante des lois de la République et du Règlement Intérieur du Sénat. C’est par voie des ondes que je l’ai appris, car la lettre portant décision m’a été notifiée bien après. Incroyable.
1.6. Après mon audition, l’instruction a été définitivement clôturée par un procès-verbal dûment signé par moi et le Magistrat instructeur du dossier monsieur Bonane en présence de mon avocat, en juillet 2021. La grossièreté du montage ayant été découverte, le procureur général Mukolo a été contraint de me présenter les excuses et m’a demandé pardon pour avoir initié des poursuites sur base d’un dossier fictif. En dépit de sa promesse ferme faite devant mon avocat, Maitre Shebele, de clôturer cette affaire la semaine suivante, le procureur général n’a jamais classé le dossier sans suite depuis deux ans. Et aucune action n’a jamais été posée depuis lors.
1.7. Contre toute attente, et en dépit du point de vue du Magistrat instructeur du dossier, le Procureur Général, dans un élan de démonstration de force politique, avait tout de même saisi la Cour constitutionnelle sur le dossier Bukanga-Lonzo, sans m’avoir entendu et contre la décision de la Plénière du sénat de ne jamais me poursuivre sur le dossier.
1.8. Dans la suite, la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente par son arrêt du 15 novembre 2021, d’application obligatoire et exécutoire par tous, au regard de l’article 168 de la Constitution.
1.9. Contre l’avis du Président de la Cour constitutionnelle, et en violation flagrante de la Constitution, le dossier a été récupéré de force du Greffe de la Cour, par les services du Procureur Général près la Cour constitutionnelle et transmis aussitôt au Parquet Général près la Cour de Cassation qui, saisi en son temps par la Police judiciaire, s’était déclaré incompétente pour instruire et traiter ce même dossier. Aussi, l’avait-il transmis auprès du Procureur Général près la Cour constitutionnelle.
1.10. Souvenez vous des interférences politiques graves observées dans le traitement du dossier au Parquet Général près la Cour de cassation, après le traitement et l’arrêt de la Cour constitutionnelle en novembre 2021.
Allusion faite à cette lettre retrouvée sur la place publique à travers les réseaux sociaux portant le n°472/RMP.V/0073/PGCASS/MUN/ 2022 adressée au Président de la République le 02 février 2022, par laquelle le Procureur transmettait le rapport sur le dossier judiciaire ouvert à son office, et dans lequel rapport, il confirmait non seulement les termes de l’arrêt d’incompétence rendu par la Cour constitutionnelle en date du 15 novembre 2021, mais aussi et surtout, l’impossibilité pour son office de poursuivre les procédures judiciaires enclenchées contre le Sénateur et l’ancien premier ministre MATATA. Ce qui viole le principe sacro-saint de séparation des pouvoirs entre institutions (Comment un Procureur général d’une haute Cour (Justice) pouvait demander des instructions auprès du Président de la République (Exécutif) ?
1.11. Malgré lui, le Procureur Général près la Cour de cassation, en violation de la loi, a saisi la Cour de cassation pour fixation du dossier. Cette dernière s’est elle-même fourvoyée dans un jeu de pingpong avec la Cour constitutionnelle vers laquelle elle a renvoyé le dossier, en soulevant une question qui n’a jamais fait l’objet d’un débat durant la procédure et qui n’a pas été une préoccupation des accusés !

II. Le nouveau réquisitoire, une preuve de plus d’un acharnement politique contre un candidat Président de la République et d’un grand mépris des lois et règlements !
2.1. La stratégie longtemps concoctée par le duo Bahati – Mukolo, met à ce jour à nue, la fraude assise sur le mensonge, mais aussi sur une sorte de gangstérisme qui s’installe dans certaines institutions pour éliminer certains candidats Président aux prochaines élections de décembre 2023 au profit du candidat au Pouvoir, le Président Tshisekedi. Comme vous le savez, le Président du sénat, l’honorable Bahati, s’est ouvertement prononcé en faveur du Président Tshisekedi dont il fait la publicité et la pré-campagne.
2.2. En effet, il nous revient que, conseillé par le Président du Sénat dans une démarche complice, et profitant de la clôture de la session le jeudi 15 juin 2023, le Procureur Général Mukolo vient de rééditer son exploit du 28 juin 2021, de saisir le Bureau du Sénat depuis le weekend du 16 juin 2023, dans un dossier dans lequel le nombre de violations de la Constitution et d’imbroglio juridiques ne sont plus à compter, bien évidemment dans le seul objectif d’assouvir des appétits politiques, au mépris sans pareil des lois et règlements de la République.
2.3. Aussi, que fait le Procureur Général du principe sacro-saint de « NON BIS IN IDEM » quand il ignore et fait fi à toutes les procédures conduites par lui en son temps et qui ont conduit à un arrêt que TOUS (y compris Lui-même) sont censés exécuter conformément à l’article 168 de la Constitution !
2.4. Que fait-il du principe de séparation des pouvoirs, lorsqu’il méprise une RESOLUTION de l’Assemblée plénière, Organe suprême du Sénat, qui au regard de l’Article 10 du Règlement Intérieur du Sénat dispose ce qui suit :« Dans les matières non législatives, l’Assemblée plénière statue par voie de résolution et de recommandation. La résolution est l’acte du Sénat relatif à son organisation, à son fonctionnement, à sa discipline interne et à la levée de l’immunité parlementaire ainsi qu’à la mise en accusation des personnes dont la compétence lui est dévolue par la Constitution ».
2.5. Face à cet acharnement politico-judiciaire inédit aux allures d’un film de tragédie-comédie, deux sénatrices, un professeur d’université en droit constitutionnel et une organisation de mouvements citoyens ont écrit au Président du Sénat pour protester contre les tentatives de violation de la Constitution et du Règlement intérieur du Sénat.
2.6. Devant l’évidence juridique et la découverte de la supercherie, un simulacre d’échanges entre le Bureau du Sénat et le Procureur général a été organisé pour autoriser de manière illégale et non constitutionnelle les poursuites judiciaires sur base d’une levée des immunités sur le dossier fictif de biens zaïrianisés, du reste déjà clos depuis deux ans. Selon la Constitution, aucune poursuite judiciaire ne peut être opérée en faveur d’un sénateur sans l’autorisation préalable du Sénat. Bien plus, selon toujours la Constitution, en son article 168, les décisions de la Cour constitutionnelle sont irrévocables et s’appliquent à toutes les institutions, y compris le Sénat et la Cour constitutionnelle.
2.7. Mesdames, messieurs, avons-nous besoin d’autres preuves d’acharnement politique sur la personne de Matata Ponyo Mapon, depuis que j’ai annoncé ma candidature à la présidentielle de décembre 2023 ? Tout est clair : Les deux institutions (Justice et Sénat) sont instrumentalisées pour m’éliminer de la course présidentielle en faveur du candidat Président Tshisekedi.
Fait à Kinshasa, le 21 juin 2023
Matata Ponyo Mapon

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