Africa Specialty Risks (ASR) s’ouvre au marché congolais des assurances. Entretien avec Zouheb Azam, Directeur du département Violence politique et terrorisme, et James Cronje, Directeur de la construction

Pouvez-vous nous présenter Africa Specialty Risks ?

Africa Specialty Risks (ASR) a été créée en août 2020 par Mikir Shah, PDG d’ASR et ancien PDG d’AXA Africa Specialty Risks en partenariat avec Helios Investment Partners Fund IV, dont les investisseurs sous-jacents sont la British International Investment PLC (institution britannique de financement du développement) et la Société financière internationale (membre du groupe de la Banque mondiale). Ils ont créé ASR avec l’intention d’offrir une large gamme d’assurances spécialisées dans différentes branches, comme un guichet unique.

En tant que groupe panafricain de réassurance, notre objectif est de faciliter l’investissement vers et à travers le continent africain au travers l’atténuation du risque, c’est qui nous distingue de tous les autres concurrents à l’heure actuel. ASR propose des services dans divers domaines d’expertise particulièrement pertinents pour le continent africain telle que la souscription de crédits commerciaux, l’assurance contre la violence politique et le terrorisme, l’énergie, construction, les enlèvements et les rançons, la paramétrie et de nombreuses autres expertises toutes aussi importantes.

Qu’est-ce que l’Afrique représente dans votre stratégie de développement ?

Tout d’abord, l’Afrique est cœur de nos actions, car nous sommes principalement un réassureur qui souscrit des risques en Afrique. Au sein de notre structure même, nous avons des dirigeants qui sont passionnés par les enjeux et défis que le continent connait actuellement. Dans notre équipe, Mikir Shah, PDG d’ASR est kenyan d’origine indienne ou encore James Cronje, directeur de l’expertise construction, et Genevieve Ahinful, directrice du risque politique et du crédit commercial, qui sont tous les deux britanniques d’origine ghanéenne.

Nous voulons réécrire le récit de l’assurance contre les risques qui a été mal interprété au sujet de l’investissement en Afrique. Nous avons vu les différents défis auxquels les transactions africaines sont confrontées lorsqu’elles arrivent sur le marché européen.

Nous pensons donc, que cette nouvelle perception des risques nous donne l’occasion d’aider et de mobiliser le secteur du crédit et les investissements en capital pour tenter de combler le déficit de financement dont souffre l’Afrique. Nous pouvons le faire par le biais des banques, en aidant les projets gouvernementaux, par le biais de la finance et, finalement, en apportant l’expertise d’assurance de l’ASR en arrière-plan. Nous savons tous qu’il existe un énorme déficit de financement du commerce en Afrique, mais nous savons aussi qu’il existe une solution sous la forme d’une assurance qui peut aider à cette mobilisation, c’est pourquoi nous voulons nous concentrer sur l’Afrique.

Quelle place occupe la RDC dans votre stratégie de développement ?

Comme évoqué, l’Afrique avec ses contrastes et sa diversité est au cœur de notre stratégie. Nous prêtons une attention toute particulière à la RDC qui, pour nous, est un pays stratégique pour deux raisons : d’abord au niveau macroéconomique, la RDC est sur la bonne voie, elle enregistre une croissance à 8% contre 6% l’année dernière. De plus, à la suite des dernières élections, le climat des affaires a changé très rapidement, il a évolué très vite. La deuxième raison est que le marché des assurances s’est libéralisé il y a quatre ans. Avant il y avait la Sonas (Société nationale d’assurances) qui détenait le monopole, mais aujourd’hui cette société existe encore mais dans un marché ou la concurrence existe. Pour nous, il s’agit d’un marché qui est physiquement vierge en termes de nombre d’assurances et en matière de taux de pénétration de l’assurance dans les secteurs essentiels de l’économie congolaise. Donc quand nous voyons le nombre d’habitants, l’économie florissante, les ressources économiques du pays, en termes de minerais et d’énergie hydroélectrique, nous sommes convaincus que c’est le marché qui va connaitre une croissance très importante.

Par rapport à votre stratégie de déploiement, comment parvenez-vous à évaluer les risques en temps réel ?

Les risques ne sont pas évalués de la même manière pour l’expertise violence politique et terrorisme ou pour l’expertise construction, tout dépend du domaine d’intervention. En ce qui concerne l’expertise violence politique et terrorisme en RDC, on s’appuie sur un réseau d’informations en temps réel qui nous sont fournies par des tiers et notre expérience sur le terrain. La RDC est un pays continent qui peut être analysé de différentes manières. On ne peut pas avoir les mêmes approches des risques à Kinshasa, à Goma, à Lubumbashi ou à Beni. On ne peut pas avoir la même approche de risque sur une ONG dans le Kivu, une usine installée à Kinshasa ou encore une compagnie minière implantée dans le Katanga. Je me déplace au moins une fois par an dans différents pays. En RDC, je suis arrivé il y a dix jours, je suis allé à Kinshasa, Lubumbashi, Likasi et Kolwezi où j’ai visité des sites pour évaluer les risques par rapport aux communautés environnantes et décider des mesures de risques à mettre en place. J’ai parlé avec les employés, des chauffeurs de taxis pour connaitre leur sentiment et mieux connaitre les réalités du terrain.

Nous avons donc une approche macro et puis une approche qui va analyser chaque risque sur la base d’une expérience sur le terrain. Voilà notre approche de base.

Qu’en est-il du risque lié à la construction d’infrastructures ?

Contrairement au risque de violence politique et de terrorisme, le risque lié à la construction est très technique et répond à des indicateurs comme la localisation du projet, l’historique et l’identité du contractant qui souhaite construire telle ou telle infrastructure ou encore les process de management en interne.

Pour s’implanter en RDC, quelle est votre stratégie pour attirer les souscripteurs à vous faire confiance ?

Nous n’avons pas l’intention de nous implanter en RDC à court terme. Le marché congolais fonctionne essentiellement avec la force du relationnel, créer des liens c’est très important. Le fait de bâtir des relations à long terme avec des partenaires tiers choisis et de confiance est quelque chose que nous pensons primordial, surtout dans un marché où les projets peuvent prendre beaucoup de temps. 

Donc, on ne peut pas travailler avec tout le monde, nous allons travailler avec des partenaires connus et bien identifiés. Nous ne venons pas en RDC avec des schémas de croissance de deux à trois ans, nous préfèrerons le temps long. Nous espérons que dans les prochaines années le pays pourra surmonter des difficultés liées à la mobilité géographique, l’offre hôtelière, la qualité des infrastructures ou encore la simplification des démarches administratives. Au moment où le pays s’ouvre en termes de régulation et en termes économiques, nous souhaitons que la simplification des démarches administratives s’opère rapidement

Dans un contexte ou le pays est en guerre, comment convaincre les investisseurs de venir dans ces conditions ?

Nous travaillons dans des contextes difficiles, partout en Afrique. Le mois dernier par exemple, une équipe d’ASR a assisté à une conférence à Mogadishu ou le risque sécuritaire doit être particulièrement pris en compte. C’est dire que nous allons là où nous pensons qu’il y a des opportunités, indépendamment des risques. Après, c’est vrai que l’Est de la RDC traverse une phase très critique et très risquée qui nécessite une attention particulière. Il est certain que les élections et la guerre à l’est va entrainer des conséquences au sein du pays mais aussi au niveau de la sous-région. On peut s’attendre peut-être à une forte mobilisation sociale mais nous ne pensons pas que la situation va dégénérer. Donc pour nous, il y a un impact au niveau du pays en matière d’évaluation du risque mais nous n’identifions pas un risque particulier pour nos affaires dans l’est du pays en raison de la guerre.

Quelles ont été vos attentes dans le cadre de votre présence à la FANAF qui vient de se tenir à Kinshasa ?

La FANAF nous a permis de renforcer les liens existants avec les partenaires locaux, d’échanger avec le régulateur afin d’avoir plus de confiance en la solidité réglementaire que ce dernier veut garder au sein du marché des assurances en RDC. Concernant les risques de construction, il était important d’être ici pour voir comment les flux d’investissements varient, prendre connaissance des nouveaux projets à court et moyen terme en RDC. La FANAF nous a permis d’avoir une idée des segments du marché sur lesquels il faut se positionner en matière assurantielle pour pouvoir accompagner les besoins sur le marché.  La tenue de la FANAF était très productive pour nous. Nous pensons que c’est un très bon signal que la FANAF a donné en organisant cet événement cette année en RDC.

Vous estimez donc qu’il y a eu des opportunités dans le secteur immobilier ?

Notre ligne d’action dépend essentiellement de l’investissement. Il y a de la croissance économique et de l’investissement, et donc automatiquement, ça veut dire des projets de construction prennent de l’ampleur. De ce point de vue-là, je suis très enthousiaste du fait que les ressources minérales incitent des projets de construction, d’excavation et d’extraction. Ces projets engendrent des demandes en termes d’infrastructures, en termes des biens mobiliers, en termes des routes…etc. Dans toutes ces choses, on ne voit que du positif.

C’est vrai que les projets prennent du temps entre le début et leur finalisation. Il se passe beaucoup de temps entre l’investissement, le bouclage et le financement. C’est dire qu’il faut être patient. Beaucoup de gens parfois perdent patience en disant qu’ils travaillent sur beaucoup de projets qui n’aboutissent pas. Mais je pense que si on est patients, si on laisse les choses se faire, ces projets vont se multiplier et connaitre un succès. Nous faisons confiance au temps long, c’est ça qui est durable.

Econews