Afrique-Chine : le secteur privé de l’empire du Milieu prend le relais

Pékin change de braquet pour installer un nouveau paradigme dans sa relation avec l’Afrique. Place, désormais, à la coopération entre secteurs privés.

Le développement du secteur privé est un enjeu majeur pour le devenir de l’Afrique. Le président chinois, Xi Jinping, l’a bien compris et semble désormais miser sur le secteur privé chinois pour changer de paradigme concernant la coopération sino-africaine alors que les banques publiques chinoises Exim Bank of China et China Development Bank en tête adoptent une approche prudente en matière de prêts dans un contexte de surendettement du continent.

Vers un nouveau paradigme dans les relations sino-africaines

Signe clair que les secteurs privés des deux parties joueront un rôle plus important au cours des trois prochaines années, le dirigeant chinois a promis, en conclusion du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), 30 milliards de dollars US pour financer le commerce afin d’accroître les importations en provenance d’Afrique. Il a également annoncé que l’empire du Milieu était prêt à fournir des facilités de crédit aux institutions financières africaines pour prêter aux petites et moyennes entreprises et qu’il partagerait une partie des droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international avec les États africains.

Une annonce forte qui intervient après la visite du secrétaire d’État américain Antony Blinken, qui n’a fait aucune déclaration en ce sens, alors même que les États-Unis ont obtenu 79,5 milliards de dollars de DTS. Et la Chine ne compte pas s’arrêter là puisque XI Jingping encourage également les entreprises chinoises à investir 10 milliards de dollars US supplémentaires sur le continent.

La déclaration commune de Dakar dans le détail

La Chine et l’Afrique ont «toutes deux le droit au développement», dit la déclaration commune finale de Dakar, touchant à une inquiétude répandue en Afrique d’un développement sacrifié à la lutte contre le réchauffement climatique. Trois ans après le précédent rendez-vous de Pékin, ce Focac a été précédé d’attentes fortes des pays africains vis-à-vis du premier partenaire commercial du continent, en termes de soutien au développement, d’aide aux financements et d’investissements et d’allègement de la dette ou de riposte sanitaire. Les économies africaines ont été sévèrement affectées par la pandémie.

Tout en souhaitant voir la Chine poursuivre ses grands chantiers, les dirigeants africains espèrent des échanges commerciaux moins notoirement déséquilibrés et une relation d’affaires plus profitable aux Africains. La Chine fait face au reproche de se servir des dettes contractées auprès d’elle par les États africains, notamment pour financer de grandes infrastructures, afin d’accroître son influence sur des pays incapables d’honorer leurs engagements ou peinant à le faire. Elle est aussi critiquée pour ses pratiques sociales ou environnementales.

Le secteur privé, au cœur de la bataille

Depuis la création du Focac, il y a 21 ans, Pékin n’a cessé d’augmenter le financement des infrastructures africaines. De 5 milliards de dollars US en 2005, les montants ont atteint 60 milliards de dollars US en 2015 et en 2018. Dans le cadre de la stratégie de la ceinture et de la route, la Chine a financé la construction d’autoroutes, de voies ferrées et de centrales électriques à travers toute l’Afrique.

Deborah Brautigam, professeure d’économie politique internationale à l’université Johns-Hopkins et fondatrice de la China Africa Research Initiative (CARI), a déclaré dans un entretien à South China Morninng Post que «les énormes promesses de prêts pour les infrastructures se sont complètement taries».

D’après elle, «Pékin est également réticent à avancer des fonds sur ses ressources à un moment où les citoyens chinois souffrent de la pandémie. Donc pas de promesses de subventions non plus».

D’après son analyse, «tout tourne autour du secteur privé, commerce, investissement privé, petites et moyennes entreprises », pointe-t-elle. En ce sens, Xi Jingping, a parlé d’une plateforme pour la promotion des investissements privés sino-africains qui doit voir le jour dans les prochains mois.

Soutenir les exportations africaines

Pékin veut aussi fournir 10 milliards de dollars de financement pour soutenir les exportations africaines, qui sont encore dominées par les matières premières. Cela pourrait changer avec l’ouverture de ce que le dirigeant chinois a appelé les « voies vertes », un moyen de favoriser les exportations agricoles africaines vers la Chine. Objectif : que les importations en provenance d’Afrique atteignent 300 milliards de dollars US dans trois ans. Le défi est immense tant les obstacles au commerce entre les deux parties sont nombreux, notamment en ce qui concerne les tarifs commerciaux. C’est pourquoi, lors de la conférence du Focac, le président sénégalais, Macky Sall, a appelé à un rééquilibrage : «Il nous faut accélérer le développement des capacités industrielles africaines afin que le continent facilite l’accès de ses produits au marché chinois ».