Directeur général de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (Anapi), Anthony Nkinzo, lève le voile sur une RDC pas si connue que ça. Décryptage avec Le Point Afrique.
Une fois n’est pas coutume. Opportunité a été donnée ce 25 novembre, à Paris, de parler strictement affaires à propos de la RDC, c’est-à-dire des réalités à connaître et appréhender quand on veut investir dans ce pays phare de l’espace francophone au cœur de l’Afrique. Que dire de la RDC sur le plan économique ? Selon une note de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (Anapi), « après une année de croissance modérée, 1,7 % en 2020, l’économie a enregistré une expansion de 5,7 % en 2021, grâce à une hausse de la production minière et aux prix mondiaux élevés des produits d’exportation tels que le cuivre et le cobalt. La croissance des secteurs non extractifs est passée d’une contraction de 1,3 % en 2020 à une croissance de 3,3 % en 2021, grâce aux télécommunications, à l’énergie et aux services non commerciaux ».
Sans surprise, «la croissance du pays est tirée par de fortes exportations de matières premières (11,5 %) et des investissements privés (9,8 %)». Par ailleurs, «malgré le niveau élevé des dépenses courantes (dépenses salariales dépassant leur budget de 10,9 %), la hausse de 39,3 % des recettes fiscales, grâce aux contrôles fiscaux et aux pénalités, a relativement baissé le déficit budgétaire de 2,1 % à 1,6 % du PIB entre 2020 et 2021».
Selon l’Anapi toujours, «l’inflation a été mieux maîtrisée avec une baisse de 11,4 % en 2020 à 9,3 % en 2021, avec un objectif de 7 %, ce qui a permis à la Banque centrale de baisser son taux préférentiel de 18,5 % à 8,5 % en 2021. Le ratio des créances douteuses par rapport au total des prêts bruts a diminué de 9,2 % à 8,8 % entre 2020 et août 2021. Les réserves de change sont passées de 709 millions de dollars en 2020 à 3,344 milliards de dollars en 2021, en partie grâce à la réception de 50% de l’allocation de DTS de 1,52 milliard de dollars, le reste étant affecté à des investissements prioritaires». «Avec l’augmentation des exportations minières, poursuit l’Anapi, le déficit de la balance courante est passé de 2,2 % du PIB en 2020 à 1 % en 2021. Le chômage, tel que défini par l’OIT, est passé de 4,7 % en 2012 à 3,0 % en 2020». «La pauvreté monétaire a diminué de 63,4 % en 2012 à 56,2 % en 2020, grâce à une période de croissance économique solide », poursuit l’Agence congolaise en charge des investissements.
Pour Le Point Afrique, son directeur général, Anthony Nkinzo, est allé plus loin dans le décryptage de la RDC du business.
Que répondriez-vous aujourd’hui à quelqu’un qui, inquiet des échos que les médias renvoient de la RDC, souhaiterait distinguer le vrai du faux quant à l’appréciation du risque de ce pays ?
La République Démocratique du Congo, mon pays, a longtemps souffert d’un déficit de perception et d’un traitement particulier de son actualité notamment dans les médias internationaux. Pourtant, le pays est en réalité plus sûr que l’image qu’on s’en fait à l’étranger. Et depuis l’avènement au pouvoir en 2019 du président de la République Félix A. Tshisekedi Tshilombo, des efforts importants sont déployés pour justement redorer l’image du pays au plan national et international. Ainsi, l’organisation par l’Agence nationale pour la promotion des investissements (Anapi) aujourd’hui à Paris d’une rencontre d’affaires avec les entreprises françaises, en collaboration avec le Cian (Conseil français des investisseurs en Afrique), avec la coopération de la chambre de commerce et d’industrie de Paris-Île-de-France et le partenariat des cabinets Sud Axe Partners et Relecom&Partners, participe de ces efforts de « dérisquer» la RDC vis-à-vis des investisseurs internationaux.
Au-delà des caricatures souvent véhiculées dans les médias, la RDC représente aujourd’hui un modèle de démocratie en Afrique francophone, où la légitimité de l’exercice du pouvoir provient des urnes, où la gestion de la chose publique respecte les prescrits de la séparation du pouvoir entre les institutions de la République, où le respect des libertés individuelles est garanti conformément à la Constitution, et où la sécurité des investisseurs est garantie par la Constitution de la République au niveau interne et par les conventions que le pays a signées avec les mécanismes internationaux de protection des investissements (Cirdi, Miga, ACA, etc.). Les investisseurs nationaux comme étrangers ont la liberté de transférer à l’étranger leurs fonds liés aux opérations d’investissement, et ce, conformément aux dispositions de l’article 27 du Code des investissements et à la réglementation de change.
C’est avec la collaboration du Conseil des investisseurs français en Afrique (CIAN) dont le président-délégué depuis 2014 est Etienne Giros (photo) que la République Démocratique du Congo a organisé une réunion d’affaires à Paris ce 25 novembre 2022.
Par ailleurs, le gouvernement de la République a initié au cours de ces dernières années une série des réformes dont la mise en œuvre a non seulement permis au pays de mieux résister durant la pandémie de Covid-19 (1,7 % du PIB réel en 2020), mais surtout de rebondir plus rapidement (6,2 % en 2021 et 6,4 % en 2022). Tous les indicateurs d’appréciation du risque pays renseignent une perspective stable à long terme de l’économie congolaise, comme l’indiquent les agences de notation Moody’s, Standards & Poor et Bloomfield.
L’orthodoxie dans la gestion des finances publiques et les patrouilles financières lancée par l’Inspection Générale des Finances consolident les performances économiques du pays et éloignent la RDC du risque de défaut hautement spéculatif. L’adoption d’un taux de change flottant (le marché régule tout) et que la BCC, en tant qu’autorité monétaire, joue pleinement son rôle et consolide son indépendance vis-à-vis du pouvoir publique. Le programme avec le FMI et la Banque mondiale ouvrent plusieurs opportunités financières à la RDC
L’État est un acteur économique important en RDC et est à plusieurs égards un client régulier des entreprises. Quel est le niveau de l’endettement privé intérieur ?
D’après le bulletin trimestriel de la Direction générale de la dette publique du deuxième trimestre de l’année 2022, l’encours de la dette publique s’élève à USD 9 772,22 millions, dont USD 4 923,79 millions de dette extérieure, soit 50,39 % et USD 4 848,43 millions de dette intérieure, soit 49,61 %. Dans cet encours de la dette intérieure, il vient d’être intégré, comme au premier trimestre, les arriérés intérieurs relatifs à la créance de la BCC sur le gouvernement central à hauteur d’environ 2 milliards de dollars. Il sied de préciser que la part en pourcentage de la dette intérieure par rapport au PIB au deuxième trimestre de l’année 2022 s’élève à 8,46 %. Elle représente un accroissement de l’ordre de 0,32 % par rapport au premier trimestre de la même année.
Que fait l’État pour éviter que cet endettement soit un goulot d’étranglement pour les entreprises y compris pour celles à capitaux privés étrangers ?
Sur base des encaissements des recettes publiques qui dépendent de la situation économique et financière du pays, l’État fournit des efforts considérables pour amortir progressivement et de manière non discriminatoire et transparente, le volume de la dette intérieure vis-à-vis des entreprises nationales et étrangères. Cette stratégie permet aux entreprises concernées d’assurer la continuité de leur exploitation au travers de la mise à disposition des ressources cycliques.
Que diriez-vous à un investisseur étranger qui voudrait établir un partenariat avec un investisseur local et qui souhaiterait savoir quel est le traitement que vous accordez aux investisseurs locaux ?
Conformément aux dispositions des articles 34 et 35 de la Constitution en vigueur de la République, l’économie est libéralisée et qu’il n’y a pas discrimination entre les investisseurs privés étrangers et les nationaux. Aucune activité ou sous-activité des secteurs économiques n’est fermée à l’investissement privé national ou étranger. Les prises de participation étrangères sont autorisées dans le respect des conditions fixées par l’État. Aux termes de l’article 1 de la Loi n° 004/2002 du 21 février 2002, tous investisseurs nationaux et étrangers exerçant une activité licite, agréés ou non, bénéficient de l’ensemble des garanties générales découlant de ladite loi. Ainsi, il y a lieu d’affirmer qu’il n’y a pas discrimination entre les nationaux et étrangers.
En partenariat avec le CIAN, la CCI Paris-Île-de-France, le cabinet Sud Axe Partners, de Christian Makolo Kabala, fondateur-associé, Marc Davisseau, directeur général associé (photo) et Kamahunda Mulamba, directeur Afrique associé, a accompagné, avec Relecom&Partners, l’Agence des investissements (ANAPI) à Paris pour décrypter la République démocratique du Congo du business.
En outre, étant donné que la RDC est membre de l’Ohada, et ce, conformément aux dispositions de l’article 3 de l’acte uniforme sur les sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique, toutes personnes, quelle que soit leur nationalité, désirant exercer en société, une activité commerciale sur le territoire de l’un des États parties, doivent choisir l’une des formes de société qui convient à l’activité envisagée, parmi celles prévues par le présent acte uniforme.
Toutefois, conformément à l’arrêté départemental 86/001 du 31 mars 1986, une liste indique les emplois interdits aux étrangers, c’est-à-dire qu’il y a des postes clés réservés uniquement aux Congolais.
Quels sont les grands projets structurants actuellement en œuvre en RDC pour préparer la multiplication de filières et de chaînes de valeur locales susceptibles d’offrir l’opportunité d’un nombre important d’emplois ?
La croissance économique d’une Nation est fonction directe du degré des investissements atteint ! Pas d’investissement, pas de croissance semble être le postulat corollaire sine qua non. C’est pourquoi, la RDC vient de se lancer dans un processus d’investissement dans divers projets. On peut notamment citer : le Programme d’appui au développement rural inclusif et résilient (PADRIR). Son objectif global est de contribuer à la réduction de la pauvreté rurale et à l’amélioration des revenus, de la sécurité alimentaire, de la nutrition et de la résilience des bénéficiaires; le Projet d’appui au secteur agricole dans la province du Nord-Kivu (PASA-NK). Son objectif principal du PASA-NK est d’améliorer durablement la sécurité alimentaire et les revenus des ménages participants; le Programme de développement local des 145 territoires. Il vise à réduire les inégalités spatiales, redynamiser les économies locales, et transformer les conditions et le cadre de vie des populations congolaises vivant dans les zones jusque-là mal desservies par les infrastructures et services sociaux de base; le Projet de production des composantes des batteries pour les véhicules électriques; le Projet de construction du barrage hydroélectrique d’INGA; le Projet de construction du port en eau profonde de Banana et du pont route-rail RDC-Congo-Brazzaville.
Le potentiel minier de la RDC n’est plus à présenter. Qu’en est-il de son potentiel agricole et des opportunités d’investissement dans le secteur de l’agriculture ?
Par sa localisation régionale, la RDC fait partie du bassin du Congo et du bassin du Nil. C’est un pays à la fois équatorial et tropical qui jouit d’une diversité d’écoclimats locaux dus à la combinaison de plusieurs facteurs : physiographie, température, précipitations, durée des saisons, impacts des activités de l’homme sur le milieu naturel et position à cheval sur l’Équateur.
Les précipitations annuelles s’étalent de 800 mm le long de la côte atlantique à 2.200 mm dans la cuvette centrale jusqu’à atteindre 2.500 mm dans les régions montagneuses de l’est du pays où elles peuvent même dépasser 3.000 mm. Point n’est besoin de rappeler que ce secteur présente plusieurs atouts qui doivent être transformés en richesse réelle dont 80 millions de terres arables et 4 millions de terres irrigables, dont 10 % seulement sont en état d’exploitation à ce jour et 3,2 % d’hectares sont irrigués.
En termes d’opportunités d’investissement, elles s’offrent dans la culture maraîchère (oignon, tomate, légumes, etc.), vivrière (manioc, maïs, riz, arachide, bananes plantains, pomme de terre, igname, blé, sorgho, haricot, soja, niébé, taro, patate douce, etc.) et pérenne (fibres, hévéa, millet, palmier à huile, quinquina, cacaoyer, tabac, coton, pyrèthre, thé, canne à sucre, papaye, sésame, urena, voandzou, jatropha, etc.)
La RDC est un pays aux ressources énergétiques impressionnantes. Quid du mix prévu entre les différentes sources dans la perspective de contribuer à la lutte contre le changement climatique, mais aussi de répondre aux besoins domestiques comme à ceux des pays voisins ?
Le gouvernement de la RDC entend assurer une plus grande accessibilité de firmes, de toutes les couches sociales et communautés nationales de base à une énergie électrique fiable. Il se fixe pour se faire quatre objectifs :
garantir un accès fiable à l’électricité pour tous les groupes sociaux, favoriser le gaz et toutes les sources de l’énergie renouvelable, transformer le secteur de l’électricité et de l’eau en un pilier de revitalisation et de croissance de l’économie congolaise, développer l’interconnexion sous-régionale pour faciliter l’exportation d’électricité.
Pour rappel, la RDC est traversée par le fleuve Congo, le plus important du continent par son débit, long de 4.320 km et pourvu d’un réseau hydrographique exceptionnel qui lui confère un potentiel hydroélectrique estimé à environ 106.000 MW répartis dans 780 sites pour développer le pico, micro, petite et centrale hydroélectrique.
En outre, la RDC dispose d’autres ressources énergétiques, à savoir le bois évalué à 1,250 million de tonnes, 122 millions ha de forêt équatoriale ; le charbon minéral à 720 millions de tonnes ; le gaz naturel évalué à 57 milliards de m3 de gaz méthane dissous dans le lac Kivu, ressource partagée avec le Rwanda ; le solaire avec 70.000 MW (identifiés) sur l’ensemble du territoire ; l’éolien dans les régions les plus favorables (au bord du Lac Tanganyika et aux environs de Kabinda) vents variant entre 5 et 6,5 km/h et enfin, la géothermie.
Il y a lieu de rappeler que la consommation finale d’énergies en RDC est caractérisée, d’une part, par une prédominance de la biomasse-énergie traditionnelle (bois de feu, charbon de bois) qui représente en moyenne 95 % en énergie, soit 20.565 kilo-tonne-équivalent-pétrole (ktep) sur une consommation totale de 22.047 ktep et par un accès limité de la population aux énergies modernes, particulièrement à l’électricité. Ainsi, pour permettre d’accroître le taux de desserte en énergie électrique, la RDC opte pour le mix énergétique afin de préserver ses forêts pour la consommation des ménages d’une part, et d’autre part, pour la relance des unités de production.
Quels sont les chantiers urgents mis en œuvre en matière de santé et où la RDC est aussi à la recherche de partenaires ?
L’ambition du gouvernement est d’atteindre la couverture universelle des soins de santé primaires pour tous, d’ici à l’horizon 2030. Dans cette optique, il compte faire passer la dépense de santé par habitant d’une moyenne de 3,2 USD à environ 15 USD, au-dessus de la moyenne en Afrique subsaharienne située à 10 USD par habitant. Pour ce faire, le gouvernement entreprend une approche progressive, à savoir : dans un premier temps, l’assurance-maladie obligatoire des fonctionnaires et agents de l’État, la subvention des interventions ciblant les enfants âgés de 0 à 5 ans et au contrôle prénatal et de la maternité pour induire une baisse sensible, à terme, du taux de mortalité et l’assistance médicale ciblée de vulnérables et des personnes démunies.
Ainsi, quatre objectifs doivent être atteints, à savoir : développer les zones de santé et assurer la continuité des soins avec un focus sur l’amélioration de la disponibilité et de l’accessibilité aux soins de qualité dans la dynamique de la CSU ; appuyer le développement des ZS par le renforcement des piliers du système de santé ; renforcer la gouvernance et le pilotage du secteur et (iv) Améliorer l’accessibilité aux soins de santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent.
Où en est aujourd’hui la RDC quant à son infrastructure numérique et quelles sont les opportunités les plus prometteuses à portée d’investisseur ?
Depuis la mise en place du ministère du numérique, la RDC enregistre plusieurs avancées concernant le cadre légal et celui de l’investissement en infrastructures numériques. Le cadre légal du numérique en RDC, qui sera bientôt adopté au Parlement, va constituer une opportunité pour les investisseurs tant nationaux qu’étrangers autour de cinq livres : les activités et services numériques (administrations électroniques, archivage électronique, commerce électronique, plateformes numériques); les écrits, outils électroniques et prestations de service de confiance (validité juridique de l’écrit électronique et de la preuve électronique); les contenus numériques (données publiques et données personnelles) ; la sécurité et protection contre les pirates des systèmes d’information ; les dispositions transitoires et finales.
Il y a ensuite le cadre autour de l’élaboration de la stratégie de connectivité. Le gouvernement a ainsi doté la banque centrale du Congo du Switch National pour toutes les opérations de paiement en ligne et autres. Il a mis en place l’intranet du gouvernement, a assuré la mise à niveau du data center du gouvernement, enfin, il a prévu pour 2023 d’investir dans un data center national.
Étant donné que le secteur des NTIC est libéralisé, les opérateurs se félicitent des changements courageux apportés qui ont introduit un cadre réglementaire de licence technolo-giquement neutre et convergente qui appuiera le développement et la croissance du secteur. De ce qui précède, plusieurs privés investissent dans les infrastructures de télécommunication notamment la fibre optique, etc.
Avec Le Point Afrique