Après les ballons espions chinois, Washington prêt à abattre le contrat chinois en RDC

La publication par l’Inspection générale des finances (IGF) du rapport sur le contrat chinois, signé en 2008 entre la République Démocratique du Congo et un Groupe d’entreprises chinoises, a ramené sur le sol congolais la grande bataille économique que se livre les Etats-Unis et la Chine au niveau mondial. A Kinshasa et partout ailleurs, certains observateurs soupçonnent une influence américaine derrière l’action menée par l’IGF. Ce n’est donc pas pour rien que l’ambassade de Chine en RDC n’a pas attendu longtemps pour réagir à ce qu’elle qualifie de «préjugés » de l’IGF, estimant que le contenu « ne correspond pas à la réalité » et « ne peut pas être considéré comme crédible et n’a pas de valeur constructive ». C’est tout dit. C’est dire qu’après la polémique autour des ballons espions chinois interceptés sur le ciel américain, Washington cherche à abattre le contrat chinois en RDC. Principal allié des Etats-Unis, l’Union européenne a délégué, mardi dernier, auprès de Mme la ministre des Mines, Antoinette N’Samba Kalambayi, son chef de la Délégation en RDC, Jean-Marc Châtaigner, pour la « construction d’un partenariat stratégique dans la transformation des minerais de la RDC ». Tout s’explique.
En début de cette année, le monde a appris via le communique du département de la Défense des Etats-Unis qu’un ballon espion, non identifié, était repéré et abattu au-dessus de l’espace aérien de l’Amérique du Nord.
Pékin a, de son côté, affirmé que Washington a aussi envoyé des ballons pour espionner son espace aérien.
En effet, la tension diplomatique, engendrée par cette affaire des ballons espions, est venue envenimer les relations déjà tendues entre les deux pays ces dernières années.
Tandis que la saga des ballons continue à l’échelle mondiale, en République Démocratique du Congo, c’est le dernier rapport de l’IGF sur le contrat chinois de 2008 qui alimente la chronique. Surnommé «contrat du siècle», conçus sur le modèle gagnant-gagnant, selon ses initiateurs, les conclusions de l’IGF ont mis en évidence une entreprise de prédation où les intérêts de la RDC ont été totalement marginalisés.
En réalité, c’est la présence chinoise dans les mines de la RDC qui est remise en cause. Pour quel intérêt ? A qui profite ce rapport de l’IGF ? Autant de questions qui taraudent les esprits.
Hasard ou simple Coïncidence ? Nul ne peut en établir la corrélation. Cependant, les derniers voyages effectués par Jules Alingete, patron de l’IGF, au pays de l’Oncle Sam, pousse à réfléchir. Et surtout lorsqu’on connaît les intentions de Washington sur les minerais stratégiques de la RDC, dans le contexte du bouleversement de l’ordre mondial actuel.

RDC, champ de bataille entre Washington et Pékin
Entre les deux pays, la bataille se joue sur l’hégémonie mondiale. Première puissance économique mondiale, les Etats-Unis accumulent un grand retard par rapport à la Chine, en termes d’accès aux minerais stratégiques pour lesquels la RDC dispose d’une bonne dotation naturelle. Or, dans les mines congolaises, Pékin dispose d’un sérieux avantage, en s’assurant le contrôle des filières de cuivre et du cobalt. Tout récemment, la Chine a encore mis la main sur le zinc du Haut-Katanga, sans compter le lithium de Manono, dans la province du Tanganyika, pour lequel la Chine se bat pour bien positionner son major minier, ZijinMining Company.
C’est dire que les Etats-Unis se retrouvent dans une stratégie de rattrapage en rognant sur les intérêts de la Chine dans les mines congolaises. Washington utilise tous les moyens à sa disposition qui, pour certains, inclurait aussi l’IGF.
Une chose est vraie : Washington ne laissera ni la Chine ni la Russie contrôler les immenses ressources minières de la RDC. Il est prêt à se rabattre sur toutes les cartes à sa disposition.
De ce point de vue, il ne serait donc pas impossible que Washington ait poussé Jules Alingete à déterrer les vieux contentieux autour de ces contrats de 2008 dans le but de discréditer les Chinois et, par ricochet, les tenants du régime d’alors, aujourd’hui opposants. A la veille des élections, la stratégie serait bien payante au régime en place à Kinshasa. L’objectif pourrait être multiple, notamment évincer les Chinois, dissuader la Russie et créer un boulevard facilitant la victoire du régime actuel aux prochaines élections.
Grand allié des Etats-Unis, l’Union européenne travaille déjà le Gouvernement congolais. Mardi dernier, Jean-Marc Châtaigner, chef de la Délégation de l’UE en RDC, est allé à la rencontre de Mme la ministre nationale des Mines, Antoinette N’Samba Kalambayi. Objectif des échanges : parvenir à la construction d’un partenariat stratégique dans la transformation des minerais de la RDC. Une façon de mettre déjà en place les éléments du puzzle pour mieux contrer la Chine sur les mines de la RDC.

F.K.

Renégociation du contrat chinois : l’IGF Jules Alingete, le bras armé de Washington pour bouffer du Chinois ?
Le 20 septembre 2022, pendant que se tenait à New York la 77ème session ordinaire de l’ONU, Jules Alingete recevait dans la même ville le prix « Forbes Best of Africa 2022 » institué par le magazine américain Forbes, fondé par Bertie Charles Forbes en 1917. Son siège social est situé sur la 5ème Avenue à New York. Son classement annuel identifie les entreprises les plus performantes et les personnalités les plus célèbres au monde.
Fait du hasard ? Pas du tout, parce qu’en avril 2022, Jules Alingete avait participé à un Forum des investissements Nord-Sud organisé par Anthony Lebukse à Houston avec comme thème «S’inspirer du modèle américain pour booster l’industrialisation de la zone Congo ». L’objectif affiché était « le rapprochement entre les décideurs congolais et les investisseurs américains, le mixage d’opportunités d’affaires entre les pays de l’Amérique du Nord et ceux du bassin du Congo, ainsi que le renforcement de la présence économique américaine au Congo ».
Bien entendu, il avait été question d’exploitation minière en RDC avec, en toile de fond, la révisitation du contrat sino-congolais.
Au mois d’août 2022, de passage à Kinshasa dans le cadre de la crise de l’Est, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken y avait fait allusion. Dans la déclaration du Département d’Etat fixant l’opinion sur cette visite, le porte-parole soulignait que « les États-Unis soutiennent la décision du gouvernement de la RDC de revoir les contrats miniers et une plus grande responsabilisation dans le secteur» et encouragent «la RDC à poursuivre sa collaboration et à travailler sur la transparence fiscale, les droits du travail et le respect des normes environne-mentales, sociales et de gouvernance pour le secteur minier».
Pour ce faire, poursuit le porte-parole du Département d’Etat, Washington mettait à la disposition de Kinshasa USD 30 millions « pour aider la RDC à promouvoir des pratiques minières responsables et durables ».
Et voilà qu’en septembre 2022, en mission d’enquête de 60 jours dans l’ex-Katanga, une équipe de l’IGF va non seulement convoquer hors-délai la direction générale de l’IGF, mais en plus décider de la suspension des droits d’exonération douanière alors qu’elle n’en avait ni la compétence ni le droit.
Où était-il, Jules Alingete, au moment où son équipe violait toutes les règles établies ?
On vous le donne en mille : il se faisait offrir à New York le fameux Prix «Forbes Best of Africa 2022 ».
Encore fait du hasard ? Pendant que ceux qui peuvent répondre s’y exercent, il y a lieu de relever le «supplément d’enquête» exigé par l’IGF la veille du sommet «Etats-Unis/Afrique» mi-décembre 2022.
Le constat auquel toutes ces coïncidences conduisent fait soupçonner dans la bravade de l’IGF une main noire. Elle serait américaine que personne ne s’en douterait.
En effet, depuis quasiment l’annonce de la signature du contrat sino-congolais en 2007, Washington n’a jamais apprécié ce qu’on considère comme une «intrusion chinoise» dans l’exploitation minière en RDC, activité monopolisée par les entreprises occidentales depuis plus d’un siècle.
Or, les Congolais s’en sont rendu compte par eux-mêmes : depuis les années 1985, il n’y a plus eu d’investissements européens ou américains de grande envergure dans ce pays. Pire, la transition politique démarrée en 1990 avec le faux massacre d’étudiants survenu sur le campus de l’université de Lubumbashi (né en 1963, Jules Alingete avait 27 ans à l’époque) avait entraîné la suspension de la coopération structurelle. Pis, la guerre de l’AFDL suivie de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila ainsi que de l’avènement de Joseph Kabila en pleine «balkanisation» – puisque chaque belligérant administrait en autonomie le territoire sous son contrôle – constituait pour les Occidentaux un bon prétexte d’accentuer le désinvestissement.
C’est finalement le contrat sino-congolais qui a restitué la foi et requinqué le moral des Congolais dans leur pays au grand dam, malheureusement des forces congolaises et étrangères acquises au schéma du démembrement.
De là à supposer alors l’instrumentalisation – peut-être volontaire, peut-être non volontaire – de l’IGF pour punir les Chinois d’avoir empêché le plan «balkanisation » de se réaliser – il n’y a qu’un pas vite franchi.
De quoi inciter, ou plutôt exhorter Jules Alingete et tous ceux qui, de manière consciente ou inconsciente, ont participé à la messe noire du 15 février 2023 pour «bouffer du Chinois », à apprendre à se méfier du cadeau des Grecs des temps modernes.
S.M. (Tribune tirée de yabisonews.cd)