Quand l’appareil judiciaire chavire, il y a toujours des éclaireurs qui tirent la sonnette pour éviter une dérive collective. Ne dit-on pas que la justice élève une nation. Après l’Université de Lubumbashi qui a consacré, il y a quelques jours, un cadre de réflexion autour des arrêts controversés de la Cour constitutionnelle sur sa compétence à juger un ancien Premier minier, c’est au tour des étudiants en droit de l’Université protestante au Congo (UPC) et ceux de l’Université catholique du Congo (UCC) de prendre le relai. Dans un format tout aussi novateur, les deux camps ont débattu devant un jury constitué d’enseignants en droit des contours réels de la volte-face de la haute Cour entre son arrêt du 15 novembre 2021 et celui du 18 novembre 2022.
Les locaux de l’Université protestante au Congo (UPC) ont accueilli, samedi 18 mars, un débat doctrinal sur les arrêts controversés de la Cour constitutionnelle en rapport avec sa compétence à juger un ancien Président de la République ou un Premier ministre. Il s’agissait, en réalité, de deux grandes universités congolaises préoccupées par les deux arrêts contradictoires rendus par la Cour constitutionnelle de la RDC. Thème retenu : « La Constitution du 18 février 2006, instrument d’impunité ou non ? Cas des anciens Présidents de la République et Premiers ministres ».
Cette thématique a donné lieu à un débat scientifique, sans passion ni connotation politique, sous la supervision de l’Agora juridique de l’Université Protestante au Congo. Il a opposé d’une part, les étudiants de la faculté de droit de l’Université protestante au Congo, et de l’autre, ceux de l’Université catholique du Congo (UCC). Un duel juridique de haute facture, animée par un jury composé essentiellement de deux éminents professeurs de droit, Roger Songambele et Otshudi ainsi que l’assistant à la faculté de droit de l’Université de Kinshasa, Me Assani.
Du côté des étudiants de l’Université protestante au Congo, le revirement jurisprudentiel, qui a donné lieu au deuxième arrêt de la Cour constitutionnelle, a sa raison d’être, dans la mesure, pensent-ils, la haute Cour cherche à combler un vide juridique. «Hérésie juridique », estiment, de leur côté, les étudiants de l’Université catholique du Congo qui rejettent en bloc ce raisonnement.
Pour eux, «les juges de la Cour constitutionnelle n’ont pas vocation de créer des normes juridiques, car elle s’est déjà prononcée sur son incompétence à juger un ancien Premier ministre. La possibilité d’un revirement juridique n’étant plus possible ». Poursuivant leur défense, les étudiants de l’UCC ont soulevé au jury un principe classique de la procédure pénale qui stipule : «Non bis in idem», autrement dit : «Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ».
Pour les étudiants de l’UCC, la Constitution ne consacre pas du tout l’impunité, mais elle est tout simplement « muette » quant aux juridictions devant lesquelles des anciens Présidents de la République et Premiers ministres devraient être jugés.
Cet exercice de la rhétorique juridique a permis aux membres du jury d’évaluer et de plébisciter l’Université Catholique du Congo vainqueur de ce duel avec 254 sur 300, contrairement à l’Université Protestante au Congo qui n’a recueilli que 228 points, au regard des critères retenus par le jury.
(*) Article rectificatif