Au-delà des mesures contre la vie chère, Jérôme Sekana alerte : «Ne tuez pas l’agriculture locale !»

Afin de raffermir le pouvoir d’achat de la population, le Gouvernement a pris une série de mesures urgentes contre la vie chère. Un échantillon de huit produits de grande consommation ont été ciblés, dont l’huile de palme. Dans le double volet fiscal et parafiscal, ces mesures portent sur «la suppression de tous les droits, taxes et redevances sur le maïs et la farine de maïs. Pour les autres produits, il s’agit de 24 actes au total dont les droits, taxes et redevances, pour certains, sont totalement supprimés, d’autres réduits de 5%, 25% et 50%». S’il ne s’oppose à l’option levée par le Gouvernement, Jérôme Sekana Pene Papa, coordonnateur du réseau de journalistes économiques de la RDC, réuni au sein de l’ONG Toile d’araignée, pense que ces mesures ont un revers. Il craint qu’en allégeant des droits et taxes sur certaines importations sur certains produits agricoles, le Gouvernement ne sacrifie les producteurs locaux qui seront victimes du dumping. Par conséquent, il plaide pour un soutien conséquent à la filière agricole pour ne pas, dit-il, «tuer la poule aux œufs d’or ». C’est le cri d’alarme qu’il a lancé, samedi 31 août, dans une conférence de presse animée au siège de l’Agence Galaxie Medias (AGM).

Dans un contexte économique marqué par l’augmentation constante des prix des biens de consommation et l’érosion du pouvoir d’achat des ménages, le Gouvernement a annoncé une série de mesures urgentes pour contrer la vie chère, touchant particulièrement les produits de première nécessité. Parmi les 24 actions envisagées, un échantillon de huit produits phares a été identifié, dont l’huile de palme, le maïs et la farine de maïs, pour lesquels il est prévu de supprimer intégralement les droits, taxes et redevances.

Ces mesures, présentées dans un double volet fiscal et parafiscal, visent à alléger le fardeau fiscal pesant sur les consommateurs. La stratégie repose sur la suppression totale de certaines taxes et sur la réduction de 5 %, 25 % et 50 % des droits applicables à d’autres produits essentiels. Cette initiative a pour objectif d’améliorer l’accès des ménages à des biens de consommation et d’offrir un répit face à l’inflation galopante qui pèse sur les budgets familiaux.

Cependant, ces mesures ne sont pas exemptes de critiques. Lors d’une conférence de presse tenue le 31 août au siège de l’Agence Galaxie Medias (AGM), Jérôme Sekana Pene Papa, coordonnateur de l’ONG Toile d’araignée, un réseau de journalistes économiques de la République Démocratique du Congo (RDC), a exprimé ses réserves. Tout en reconnaissant la nécessité d’agir pour soulager les concitoyens, il a averti que cette approche pourrait avoir des répercussions négatives sur les producteurs locaux.

Pene Papa a mis en avant le risque de dumping que peuvent rencontrer les agriculteurs locaux face à la concurrence accrue des importations allégées de taxes. «En allégeant des droits et taxes sur certaines importations, le Gouvernement risque de sacrifier nos producteurs locaux», a-t-il prévenu. Aussi appelle-t-il à un soutien solide pour la filière agricole, soulignant l’importance de protéger cette industrie pour éviter de «tuer la poule aux œufs d’or» qui nourrit des millions de familles et contribue à l’économie nationale.

LE REVERS DE LA MEDAILLE

Selon Jérôme Sekana, ces mesures qu’il dit ne pas remettre en cause auront des conséquences néfastes sur l’économie congolaise, entre autres, le chômage de milliers de Congolais et la faillite imminente des producteurs locaux tels que PalmCo, PHC, Marsavco, etc., qui doivent faire face à la concurrence des importations.

«Il n’est pas recommandable de continuer à prioriser les importations alimentaires dans un pays où nous avons 120 millions d’hectares de terre arables et irrigables. Notre pays doit-il continuer à utiliser plus de 15% de son budget à financer les producteurs agricoles d’autres pays alors que 75% de notre population active se trouve dans le milieu ruraux ?», s’est-il interrogé.

Et d’ajouter : «L’auto-suffisance alimentaire doit rester une priorité nationale, et les politiques doivent être cohérentes avec cet objectif pour assurer un développement économique durable pour tous les Congolais. Les acteurs du secteur de l’huile de palme exhortent le gouvernement et les décideurs à reconsidérer cette approche afin de garantir un avenir plus prospère et autosuffisant pour la RDC»

D’après les prévisions budgétaires pour l’exercice 2024, la RDC consacre plus de 3 milliards de dollars américains à l’importation de produits alimentaires, tandis que le secteur agricole ne représente que près de 15% du budget national, soit 4.855,6 milliards de francs congolais (1,940 milliard de dollars). Il est temps, soutient Jérôme Sekana, d’inverser cette tendance en augmentant la part du budget national consacré à l’agriculture. Il s’agit, note-t-il, de soutenir les producteurs locaux par voie de subvention, de construire et réhabiliter les routes de desserte agricole.

NE PAS CONDAMNER LES PRODUCTEURS LOCAUX

Cette déclaration ouvre un important débat sur l’équilibre à trouver entre la nécessité d’alléger le pouvoir d’achat des consommateurs et la protection des producteurs locaux. Les autorités sont désormais sous pression pour mettre en place un cadre de soutien à l’agriculture nationale qui puisse accompagner ces mesures fiscales sans compromettre la viabilité des producteurs.

L’heure est donc à la réflexion pour le Gouvernement, qui doit veiller à trouver des solutions durables pour améliorer le bien-être économique de la population tout en préservant les intérêts des producteurs locaux.

Préserver et soutenir l’agriculture devrait être la priorité, préconise Jérôme Sekana. Alléger les droits et taxes de certains produits agricoles, sans penser aux agriculteurs locaux, est une belle manière de tuer l’agriculture locale, rappelle-t-il.

Sans doute, le message du coordonnateur de l’ONG Toile d’araignée sera-t-il pris en compte au plus haut niveau de l’Etat.

Econews