C’est pour la première fois, aussi loin que l’on remonte dans les méandres judicaires de la République Démocratique du Congo, que la justice, à travers ses officiers militaires, tenaient, le lundi 5 juin 2023, une conférence de presse pour clouer au pilori un prévenu interpellé quelques jours plus tôt sur le tarmac de l’aéroport alors qu’il s’apprêtait à embarquer dans un avion après le passage sans incident des multiples contrôles de sécurité à l’aéroport international de Ndjili. L’arrestation de Salomon Kalonda, assistant et conseiller spécial de Moïse Katumbi, candidat déclaré à l’élection présidentielle, a eu un effet boomerang dans le camp katumbiste. Salomon Kalonda restera encore un temps en détention, tant les griefs retenus contre lui sont gravissimes et touchent à la sureté nationale. Les renseignements militaires ayant finalement révélés les raisons – réelles ou apparentes – de son arrestation, l’heure est donc à la reconstitution des éléments du puzzle qui, sans nul doute, devait remonter jusqu’à Moïse Katumbi, son chef hiérarchique. Est-ce à dire que la candidature de Katumbi à la présidentielle de décembre 2023 serait déjà compromise ? Pas évident. Toujours est-il que l’arrestation de son conseiller spécial change fondamentalement la donne. On criant qu’il étouffe finalement les ambitions présidentielles de l’ « homme de Kashobwe ». Tout dépend des éléments d’inculpation que la justice militaire pourrait extraire de la déposition de celui qui a toujours été l’homme à tout faire de Moïse Katumbi Chapwe.
Finalement, on en sait un peu plus des mobiles de l’arrestation de Salomon Idi Kalonda, dit SK Della, conseiller spécial de Moïse Katumbi Chapwe, président du parti politique, Ensemble pour la République. Les révélations du Conseiller juridique de l’Etat-major des renseignements militaires (EMRM, ex-Demiap) sont sans appel. Lundi devant la presse, le juridique de l’EMRM a revelé ce qui est reproché à SK Della.
Primo : Salomon Kalonda aurait été détenteur d’un pistolet (arme de guerre) qu’il aurait fait tomber lors de la manifestation de l’Opposition, le 20 mai 2023. La justice militaire en donne même le numéro de série.
Secundo : ses téléphones, saisis depuis, regorgeraient de messages échangés avec des autorités rwandaises, accréditant sa connexion avec le mouvement «rebelle» du M23 soutenu par le Rwanda.
Tertio : il existerait une connexion possible avec le mouvement insurrectionnel, dit «Mobondo», qui sème la terreur dans une bonne partie de l’ex-province du Bandundu.Conclusion : l’homme serait au cœur d’une conspiration tendant à renverser le pouvoir établi.
MOISE KATUMBI EN LIGNE DE MIRE
L’arrestation du conseiller spécial du candidat Katumbi, contrairement aux multiples affaires antérieures près la justice militaire, est une affaire trompe-l’œil. Il est patent que c’est ce dernier qui est dans le viseur de la mécanique bien rodée. Plusieurs facteurs militent en effet en faveur de cette thèse.
L’homme, présenté comme l’une des plus grandes fortunes en RDC, est né d’un père juif grec de l’île de Rhodes et d’une mère originaire du territoire de Kasenga. Le dépôt à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi excluant de la fonction présidentielle des Congolais de père et de mère congolais est perçue comme une manœuvre pernicieuse de se défaire d’un concurrent gênant.
Bien plus, sa popularité acquise à travers ses œuvres sociales et sa gestion du Tout Puissant Mazembe, l’un des fleurons du football national et africain, ne lui ont pas fait que des amis. L’on se souvient qu’au lendemain de la manifestation de l’Opposition du 20 mai 2023 réprimée avec violence par les forces de l’ordre, l’homme a été interdit d’entrée dans la province du Kongo Central où il devait débuter une tournée à travers les provinces. Jusqu’à ce jour fatidique où son assistant est cueilli au pied de son jet en partance pour Lubumbashi.
Quoi qu’il en soit, l’arrestation de Salomon SK Della met sérieusement en difficulté le leader d’Ensemble pour la République. En effet, dans son précarré, SK Della était l’homme à tout faire. C’est par lui que passait toutes les transactions ou soutiens financiers validés par le chairman. En imputant Katumbi de son conseiller spécial, on touche, d’une certaine manière, le cœur de son système. Bien plus, son cerveau financier.
Qu’en sera-t-il alors pour l’avenir, notamment dans les ambitions présidentielles du leader d’Ensemble pour la République ? Pour l’instant, le suspense est bien réel.
Quand les renseignements militaires promettent de remonter la filière pour comprendre ce qui se tramait autour de Salomon SK Della, on pressent directement ce désir – du reste évident – d’atteindre Moïse Katumbi. Car, on ne peut pas comprendre comment Salomon SK Della pouvait entreprendre tout ce dont lui reproche les renseignements militaires sans que son chef hiérarchique, en l’occurrence Katumbi, ne soit au courant.
L’entourage de Katumbi dans le qui-vive
Par pressentiment, l’entourage de Katumbi est bien conscient de cette hypothèse. L’interpellation de Katumbi ne serait donc plus qu’une question d’heures – tous les faisceaux de fait convergeant vers lui.
A ce propos, Christian Mwando Nsimba n’a pas hésité à twitter dès l’annonce des charges retenues contre Salomon SK Della : « Les griefs portés par la Demiap contre le conseiller spécial Salomon Kalonda Della, ressemblent à une mauvaise copie du dossier ‘Mercenaires’. Triste pour mon PAYS! »
Dans un autre, le ministre démissionnaire du Plan, est allé plus loin : « Comme on sait que le peuple congolais est très remonté contre le Rwanda à cause de l’agression du M23, il faut maintenant jeter Ensemble en pâture auprès du peuple congolais et, même temps, faire peser une épée de Damoclès sur le président d’Ensemble, Moïse Katumbi, qui serait le Katangais pour lequel on voudrait faire le putsch. C’est une honte pour la République (…)».
Iracan Gratien de Saint-Nicolas, député national, élu sur la liste d’Ensemble pour la République, balaie d’un revers de main les charges retenues par SK Della : «Pas un jour Salomon Kalonda s’est caché pour échapper à la justice. Le haut-représentant de Moïse Katumbi n’a jamais été recherché ou invité à comparaître devant une instance judiciaire. Il était tjrs accessible à Kinshasa marchant même à pied. La vérité ne peut être crucifiée».
A tout prendre, l’arrestation de Salomon SK Della n’est qu’une piste dont l’issue finale amènera certainement à Moïse Katumbi Chapwe. Ce qui met sérieusement en difficulté le leader d’Ensemble pour la République dans la course à la présidentielle de décembre 2023.
Econews