Après de longues semaines datermoiements, de refontes du «ticket» de lUnion sacrée de la nation dans la course aux six postes du bureau définitif de lAssemblée nationale, la fumée blanche est finalement apparue, mercredi 22 mai, au sommet du Palais du peuple. Une conclusion qui, loin de constituer une surprise particulière, est venue confirmer la volonté exprimée en haut lieu, maintenant ainsi lancien président de la chambre basse, Christophe Mboso, cette fois rétrogradé à la 2ème vice-présidence, tandis que Vital Kamerhe revient au perchoir perdu il y a quinze ans. Comme lhydre de la mythologie, Kamerhe est en pleine renaissance. Jusquoù ira-t-il ? Un analyste prédit la suite : «Il a la vocation politique. Il est doté de la vertu politique. Il arrivera jusque-là où Dieu a prévu pour lui. Donnons le temps au temps !» Le retour aux premières loges de Vital Kamerhe rabat les cartes ouvrant la porte à toute forme de spéculation. Pour le moment, le leader de lUNC est contraint au jeu déquilibriste pour ne pas irriter le Président de la République, autorité morale de lUnion sacrée de la nation.
Sans surprise, les membres du bureau définitif de lAssemblée nationale ont été déclarés élus et installés dans la soirée de mercredi 22 mai, quasiment cinq mois après les législatives de décembre 2023.
A peu de choses près, cest le «ticket» de lUnion sacrée de la nation qui la emporté dans une assemblée où les députés dune écrasante majorité présidentielle ont scrupuleusement respecté la consigne de vote selon la volonté de leur autorité morale.
Lunique poste révolu à lopposition au bureau est revenu à la députée Dominique Munongo Inamizi du parti politique Ensemble pour la République qui était en compétition avec Constant Mutamba de la DYPRO. La candidature de ce dernier avait à un moment donné comme une tentative de faire barrage à une représentante du parti du farouche opposant Moïse Katumbi. La démarche était loin de menacer franchement Dominique Munongo, en raison de la faible représentativité du parti de Constant Mutamba qui ne compte quun seul et unique député en sa propre personne.
DES RÉACTIONS MITIGÉES
Au titre des réactions, il y a lieu de relever des commentaires mitigés venant de divers horizons.
Tout en félicitant les heureux élus, Me Jean-Claude Katende, président de lASADHO, souligne néanmoins quil nattend pas grand-chose de ce bureau sur la question de contrôle parlementaire. «Celui-ci na jamais été exercé de manière significative depuis que le président Tshisekedi est au pouvoir. Le Bureau de lAssemblée nationale conduit par Christophe Mboso, sous lancienne législature, avait brillé par une complaisance inacceptable en matière de contrôle parlementaire», estime-t-il.
Olivier Kamitatu, porte-parole dEnsemble pour la république de lopposant Moïse Katumbi, se focalise tout naturellement sur lélection de Dominique Munongo au poste de rapporteure adjointe et avertit : «Retenons que le combat pour le respect des principes sacrés repris dans notre Constitution est plus que jamais dactualité! LEtat de droit, la séparation des pouvoirs, la justice, le respect des dispositions intangibles reprises à larticle 220 de notre Loi Fondamentale constituent des lignes rouges non négociables.
Cest à laune du respect de ces barrières que sera jugée laction du Président Vital Kamerhe et de son Bureau. Une hirondelle ne fait pas le printemps !»
Lancien candidat à la présidentielle Noël Tshiani recommande de son côté que « Félix-Antoine Tshisekedi ne prenne pas dans le gouvernement les sénateurs, députés nationaux, députés provinciaux et gouverneurs de province. La RDC a 122 millions dhabitants. Donnons la chance à tout le monde et ne concentrons pas toutes les opportunités dans les mains des mêmes individus et leurs familles. La patrie ou la mort !»
Devenue lune des voix contestataires les plus en vue de lUnion sacrée, le député Steve Mbikayi est en encore plus incisif : «Si les autres membres du bureau sont passés par plébiscite, ce jour seule Dominique Munongo vient dêtre élue démocratiquement rapporteure adjointe du bureau de lAssemblée nationale à lissue dune compétition pleine de suspense. Cest ce qui aurait dû être fait à tous les postes. Hélas !
Vital Kamerhe, qui était passé par les primaires, et Dominique Munongo, qui vient de battre démocratiquement Constant Mutamba, jouissent de plus de légitimité au bureau de lAssemblée nationale, cette Chambre basse qui tend à perdre son qualificatif de temple de la démocratie par la ruse des néo-mobutistes qui trônent à la tête de lUSN ».
UNE MARCHE SUR DES OEUFS
La confirmation du leader de lUNC au perchoir de lAssemblée nationale ne sera pas de tout repos. Il entame en effet son mandat sous des auspices pour le moins aléatoires.
Dabord, il accède au perchoir au moment où lUDPS, (cest-a-dire le chef de lEtat) sacharne à la refonte de la loi fondamentale. Entre la rédaction dune nouvelle constitution, sa révision ou sa «requalification», Kamerhe ne sest pas encore ouvertement exprimé.
Ensuite, sa détermination à mener à leur terme les interpellations des membres du gouvernement sont autant de pièges qui serviront aux proches du président de la République, ordinairement accusés de malversations, de trouver un substitut à un élément gênant.
Enfin, la situation de guerre dans lEst du pays devrait normalement sinviter dans les débats à venir. Singulièrement, il devra donner son point de vue sur lutilisation des milices Wazalendo en appui aux forces loyalistes.
Un épisode qui viendrait rappeler son indignation quand en janvier 2009, il avait bruyamment exprimé son indignation davoir mis à lécart du projet des opérations militaires conjointes FARDC-RDF dans la traque des rebelles rwandais au Sud-Kivu.
Une «rébellion» qui lui valut son éjection du perchoir. Le reste de lhistoire est connue.
Autant dépées de Damoclès suspendues sur la tête de Vital Kamerhe. Le moindre écart dopinion, aussitôt récupérée par ses adversaires servira de soupape à son éjection du perchoir inaugurant par ricochet, une nouvelle traversée du désert dont lélu de Bukavu saura peut-être à coup sûr rebondir.
A tout prendre, Kamerhe marche sur des œufs. Son avenir politique au cours du second mandat de Félix Tshisekedi est tributaire dune extrême prudence qui, à la longue, finira par révéler les dessous dune alliance en dents de scie.
Econews
Discours dinvestiture de Vital Kamerhe, président de lAssemblée nationale
Mes chers collègues, au moment où lhonneur méchoit dassumer la direction de lAssemblée nationale, en dépit de lémotion ressentie habituellement en pareille circonstance, car il arrive des moments, dans la vie, où vous sentez que la parole est insuffisante pour traduire les sentiments qui vous animent. Car, traverser par des émotions parfois contradictoires.
En prenant la parole devant vous, je ne peux mempêcher dévoquer la main de lEternel qui, se plaçant au-dessus de nos insuffisances, a permis que ce jour arrive pour quensemble, nous soyons mobilisés afin de servir notre nation, pour que nous soyons présents pour affronter les défis auxquels elle fait face actuellement.
Mes remerciements sadressent à Dieu, notre Seigneur et notre Créateur, au Président de la République, Chef de lEtat, Commandant suprême des Forces armées de la République Démocratique du Congo, en qui notre peuple a renouvelé sa confiance et à qui je rends mes hommages les plus déférents. Je vous demande dapplaudir et le Tout-Puissant Créateur et son serviteur, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo de façon frénétique. Je voudrais aussi remercier le peuple congolais et tous mes chers collègues députés qui viennent de me charger de conduire notre destinée parlementaire à bon port.
Cet événement intervient au moment où les ennemis de la démocratie ont agi de manière criminelle contre notre Etat, versant à lEst et maintenant à lOuest un peu de sang dans une aventure de prédation qui na que trop duré et à laquelle nous sommes déterminés à mettre fin.
Dernièrement encore, nous déplorons lincursion dun commando non autrement identifié, lourdement armé, qui a tenté en vain de déstabiliser les institutions de la République, dont ma famille et moi-même avons été victimes. Et, nous avons eu la vie sauve grâce à la miséricorde divine. Le psalmiste le dit bien : «Celui qui demeure sous labri du Très haut repose à lombre du Tout-Puissant. Je dis à lEternel : Mon refuge et ma forteresse, mon Dieu en qui je me confie !» Psaumes 91. Je vous recommande aussi le Psaume 23.
Jai confiance que le moment nest pas approprié pour évoquer cette question capitale de linsécurité à lEst du pays, aggravée dans cette partie, et à lOuest qui sera au cœur de nos préoccupations quotidiennes pendant cette législature qui commence sous le signe de grandes échéances.
Comment ne pas saluer lexercice démocratique, minutieusement mené par le bureau provisoire et spécialement de savoir qui est père et président Mboso Christophe. Grâce à ce jeu démocratique, nous avons aujourdhui un bureau définitif équilibré où les critères de la géopolitique et de la représentation suffisante de la femme, comme la souhaité le président de la République, ont été respectés. Cest pour la première fois dans lhistoire parlementaire de notre pays que le président de lAssemblée nationale, naturellement qui tient le marteau comme arbitre, a trois femmes et trois hommes de tous les âges : les jeunes et les sages. Cest extraordinaire. Jai beaucoup de chances de vivre ces moments de lhistoire.
Honorables députés,
Nous devons afficher lunité. Et, cette unité ne peut se refaire là où elle a été tirée que par la reconquête de la dignité, de lhonneur et de la noblesse qui accompagnent le travail parlementaire. Cest pourquoi je vous invite à plus dabnégations et de sacrifices, car être parlementaire se doit dêtre vécu comme un devoir sacré et non un statut de privilège. Nous devons demeurer aux côtés de nos électeurs, jallais dire aux côtés du peuple congolais. Nous irons ensemble devant ce même peuple pour présenter le résultat de notre travail et il devrait ainsi nous recevoir avec allégresse à condition que nous ayons travaillé profondément à lamélioration de ses conditions.
Honorables députés et chers collègues
Pour mieux accomplir cette mission constitutionnelle, il nous faut la réhabilitation du député national dans son honneur et dans sa dignité. Le député, en tant quélu du peuple, mérite respect et considération. Pour cela, chers collègues, vous pouvez compter sur moi collectivement mais aussi individuellement, pour quensemble nous rendions à lAssemblée nationale ses lettres de noblesse, et faisions delle un véritable temple dexpression démocratique où le débat démocratique aura bel et bien lieu : Majorité très significative et Opposition, malgré sa dimension. Que de ce débat puisse jaillir la lumière qui va baliser le chemin de la réalisation du rêve de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, de restaurer notre pays dans son rôle de moteur du décollage de lAfrique subsaharienne.
Honorables députés et chers collègues
Nous allons ensemble, dans lunion des intelligences, transformer ce qui apparait actuellement comme une malédiction… en un véritable atout qui va placer la République Démocratique du Congo au cœur de la transition énergétique à laquelle lhumanité est contrainte suite aux effets néfastes du changement climatique. Dans cette mission, la RDC sera non seulement pourvoyeur de la paix et de développement pour ses voisins mais pour lensemble de lAfrique subsaharienne. Cest ce Congo-là, rêve de Kimbangu et de Lumumba, que le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo veut concrétiser sous forme dhéritage aux générations futures.
Honorables députés
Que cette législature soit celle de stabilité institutionnelle, quelle soit celle des réformes pertinentes et courageuses, quelle soit celle de la compétence dans le contrôle parlementaire mais aussi celle de léquité et de la justice. Nous ne pourrons y parvenir quen travaillant en équipe et dans la discipline, en respectant lheure de travail, en ayant une régularité dans le contrôle parlementaire et dans la production législative. Cest au prix de cette discipline, qui naliénera ni votre liberté ni votre esprit initiatique, que nous serons en mesure dassurer la cohérence du travail parlementaire et daborder sainement les défis de cette législature.
Honorables députés et chers collègues,
Je voudrais évoquer ici les questions de la diplomatie parlementaire. Les honorables députés devront simpliquer non seulement dans les questions de coopération régionale et internationale mais également dans les questions qui concernent le retour de la paix à lEst de notre pays. Personne nignore que la République Démocratique du Congo fait face actuellement à une agression féroce dans sa partie Est, causée par le Rwanda et lOuganda. Pour cela, je voudrais vous demander de bien vouloir vous lever pour observer une minute de silence en mémoire de tous les morts à lEst du pays, et spécialement de ceux qui ont été touchés par les obus lancés par les M23 dans les camps des déplacés civils à Mugunga.
La paix est possible. Pour le gouvernement congolais, la recherche de la paix ne souffre daucun doute. La guerre nous est imposée. Le temps de restaurer la paix et la sécurité et de stopper définitivement cette guerre injuste, que nous subissons ainsi que toutes les atrocités qui sen suivent, simposent. Plus elle dure, plus elle cause de dégâts humains et matériels chez nous. Noublions pas que la guerre se déroule sur le sol congolais.
Honorables députés et chers collègues
Les points inscrits à lordre du jour étant épuisés, la séance est levée.
Vital Kamerhe
Président de lAssemblée nationale