Face à la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, qui ravage l’Est de la RDC depuis des décennies, le président Félix Tshisekedi mise sur un audacieux « deal minier» avec les États-Unis pour acheter la paix. Sur le modèle de l’accord «mines contre infrastructures» conclu avec la Chine en 2008, il propose désormais aux Américains un partenariat stratégique : l’accès aux richesses de l’Est congolais en échange d’un soutien contre Kigali. Une task force travaille déjà à Kinshasa sur ce projet, tandis que Tshisekedi, dans les colonnes du New York Times, en appelait à l’Occident pour «partager les bénéfices» du secteur minier. Mais entre convoitises géopolitiques, risques de dépendance et héritage d’échecs passés, ce pari reste suspendu à un équilibre fragile.
Dans une audacieuse manœuvre diplomatique, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, tenterait de séduire les États-Unis pour stabiliser l’Est du pays déchiré par les conflits, en échange d’un accès aux ressources minières stratégiques du pays.
Selon des sources proches de la présidence de la République, cette initiative mise sur les immenses réserves de cobalt, de coltan et de cuivre de la RDC — essentielles pour les industries technologiques et la transition énergétique — afin d’obtenir le soutien américain contre les rebelles soutenus par le Rwanda.
UNE STRATEGIE NEE DANS L’URGENCE
Depuis plus de trente ans, l’Est congolais est ravagé par des violences, avec la rébellion du M23 qui aggrave l’instabilité. Le groupe, accusé d’être appuyé par Kigali, continue de déplacer des milliers de civils et de contrôler des zones minières lucratives. Sous pression pour ramener la paix, le président Tshisekedi se tourne vers Washington après des résultats mitigés sur le plan régional. Une cellule de crise au sein de son administration élabore une proposition visant à attirer investisseurs et décideurs américains, liant l’accès aux minerais à une coopération sécuritaire.
Cette approche rappelle l’accord conclu en 2008 avec la Chine sous l’ancien président Joseph Kabila, qui échangeait des droits miniers contre des infrastructures. Cependant, la vision de Tshisekedi diffère : «Ce n’est pas simplement des ‘mines contre des routes’, mais des minerais contre une paix durable», a expliqué à Econews une source interne de la Présidence de la République.
SEDUIRE WASHINGTON, CONTRER KIGALI
Dans un récent entretien au New York Times, Tshisekedi a explicitement invité les pays occidentaux à « partager directement les bénéfices de notre secteur minier», soulignant que les investissements internationaux devraient contribuer à stabiliser la région. «Les États-Unis ont un devoir moral et stratégique de mettre fin à ce pillage», a-t-il insisté, faisant allusion au rôle présumé du Rwanda dans le soutien au M23.
Les analystes soulignent l’attrait des minerais congolais. Le pays détient près de 70 % du cobalt mondial, indispensable aux véhicules électriques, et d’importantes réserves de cuivre. En présentant ces ressources comme un enjeu stratégique pour Washington, Tshisekedi espère affaiblir l’influence rwandaise, accusée de profiter du trafic illicite de minerais en provenance des zones de conflit.
SCEPTICISMES ET RISQUES
Si la proposition suscite des débats dans les cercles diplomatiques, son succès reste incertain. Les responsables américains ne se sont pas encore exprimés publiquement, mais des sources évoquent un intérêt prudent. «Washington pèse les opportunités économiques face à la complexité d’une médiation régionale», a confié un diplomate occidental.
Les critiques mettent en garde contre les écueils. Les accords passés, comme celui de la Chine en 2008, ont souvent échoué à bénéficier aux populations, renforçant la corruption.
«Offrir des minerais sans réformes de gouvernance solides, c’est répéter les erreurs du passé », alerte un économiste. D’autres s’interrogent : les États-Unis privilégieront-ils la RDC sur le Rwanda, un partenaire clé dans les initiatives sécuritaires africaines ?
Sur la toile, les perspectives d’un tel accord entre Kinshasa et Washington alimentent également les échanges.
Dans le groupe whatsapp «Les économistes du Congo», un analyste salue l’initiative : «Si la rencontre avec Trump se déroule bien, l’on sera sur le starting block pour une nouvelle ère. En effet, la déliquescence interne actuelle de la RDC a été préparée et mise en place par des officines noires, à partir de l’Occident. Le Rwanda a été bien briefé pour les stratégies à mettre en place pour noyauter, infiltrer et affaiblir la RDC de l’intérieur. Au Rwanda, il y a un desk RDC où des spécialistes de diverses nationalités européennes et américaines travaillent pour mettre en coupe réglée la RDC et la gérer comme un Etat-multinational. D’où mixages, brassages et introduction des agents rwandais dans les FARDC, la Police, dans les Administrations publiques et dans les institutions politiques. Le choix de négociateurs est crucial. Si c’est fait sur base des copinages ou des affinités tribalo- ethniques, nous sommes partis pour la gloire ».
Un autre relativise : «N’allez jamais vers un crocodile pour lui proposer vos moutons et chèvres en échange des traversées tranquilles du fleuve. Car un crocodile pourrait choisir mieux de vous manger en premier pour avoir libre accès à vos animaux d’élevage. Allez négocier avec les américains en ayant à l’esprit qu’ils connaissent mieux nos faiblesses et que depuis l’accession à la souveraineté nationale et internationale, ils ont déjà négocié avec plusieurs prédécesseurs.
Ils connaissent que tout le monde de nous qui négocie avec eux utilise toujours les mêmes bases des échanges : libre accès à l’exploitation des ressources naturelles, surtout minières, contre la stabilité politique et la sécurité des frontières.
Sachez que depuis le départ de Mobutu, les américains savent qu’il n’y a plus que le Katanga, dont le sous-sol regorge des minerais, il y a aussi le Kivu et la province orientale. Sachez aussi que les américains recherchent l’exploitation des ressources à coût très très bas. Un schéma dans lequel ils travaillent déjà avec le Rwanda.
Pour sortir de ce carcan ou schéma funeste, il faudrait que nous proposions autre chose et il faudrait que nous puissions nous montrer plus crédibles que le Rwanda qui se vend mieux à l’extérieur que nous sur la capacité de mieux gérer des situations que nous. Et avant même le début de ces négociations, il faudrait donner des signes d’amélioration des choix des personnes sur la base des compétences ».
UN PARI FRAGILE
Pour Tshisekedi, l’enjeu est de taille. Fragilisé par la crise de l’Est de la RDC, son gouvernement cherche des progrès tangibles dans cette partie du pays. Mais les experts rappellent qu’une paix durable exige plus que des alliances extérieures. «Les solutions militaires et les deals étrangers ne suffiront pas à résoudre des décennies de fractures ethniques et de mauvaise gouvernance», souligne un analyste en géostratégie.
Alors que les négociations se précisent, le Président Tshisekedi parie que l’appétit américain pour les minerais critiques — et la rivalité géopolitique avec la Chine — serviront sa quête de stabilité. Reste à savoir si ce pari apportera la paix… ou renforcera la dépendance du pays.
F.K.