Calme précaire au Sénégal : les réseaux sociaux coupés, Amnesty International inquiète

Le Sénégal est toujours sous haute tension après la condamnation à deux ans ferme d’Ousmane Sonko pour « corruption de la jeunesse ». Depuis jeudi, les rues de Dakar et Ziguinchor sont notamment le théâtre d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. Ces affrontements violents ont déjà causé la mort de 15 personnes, depuis jeudi 29 mai, a indiqué le gouvernement, tandis que les militaires ont été déployés dans plusieurs secteurs de la capitale.
Le calme revient au Sénégal, où des affronte ments meurtriers ont fait 15 morts depuis jeudi et la condamnation à deux ans de prison ferme de l’opposant Ousmane Sonko.
Si des heurts ont été signalés samedi 3 juin dans la banlieue de Dakar, plusieurs quartiers qui avaient connus des accès de violence jeudi et vendredi dans la capitale sont restés calmes, le ministre de l’Intérieur soulignant «une baisse d’intensité» des manifestations.
«Six nouvelles personnes ont été tuées, vendredi 2 juin, dont quatre dans la région de Dakar et deux dans la région de Ziguinchor», a indiqué à l’AFP, Maham Ka, porte-parole du ministre de l’Intérieur, après une nouvelle journée de violents affrontements entre forces de sécurité et manifestants qui protestent toujours contre la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme.
Face aux manifestations qui ont suivi la condamnation d’Ousmane Sonko, des véhicules de l’armée et des militaires ont été positionnés vendredi 2 juin dans plusieurs secteurs de Dakar. Mais uniquement pour sécuriser des sites jugés stratégiques, selon Maham Ka, le porte-parole du ministère de l’Intérieur à la RTS, la radio-télévision nationale. «Toutes les précautions d’organisations de défense et de sécurité ont été prises, et c’est bien organisé, a-t-il estimé. Ce sont des forces de catégorie 1, 2 et 3. La police, la gendarmerie et l’armée, et chacun en cas de troubles, a son rôle à jouer. On a des policiers qui sont positionnés dans certains secteurs qui jouent un rôle, les gendarmes qui en jouent un autre et les militaires qui sont positionnés juste pour le moment dans des endroits dits stratégiques».
Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, a confirmé que les autorités avaient restreint l’accès aux réseaux sociaux, ce qui a été constaté par exemple pour Facebook, WhatsApp ou Twitter. «Ayant constaté sur les réseaux sociaux la diffusion de messages haineux et subversifs, l’État du Sénégal en toute souveraineté a décidé de suspendre temporairement l’usage de certaines applications digitales», a-t-il dit.
Une situation «qui ressemble» à celle de 2021
Une situation rapidement dénoncée par Amnesty International qui a appelé les autorités à «immédiatement arrêter les violences policières et rétablir les réseaux sociaux». Dans un communiqué, l’ONG dénonce «des restrictions au droit à la liberté d’expression et à l’information» et des «mesures arbitraires contraires au droit international » qui ne «sauraient être justifiées par des impératifs de sécurité».
De son côté, le service de surveillance d’internet Netblocks a dit dans un message à l’AFP observer une « situation (qui) ressemble à celle observée en 2021 ». Le Sénégal avait alors été en proie à des émeutes meurtrières, qu’une interpellation d’Ouss-mane Sonko avait déjà contribué à déclencher. L’opposant, troisième de la présidentielle de 2019 et adversaire le plus farouche du président Macky Sall, a été condamné jeudi par une chambre criminelle à deux ans de prison ferme pour «corruption de la jeunesse», délit qui consiste à favoriser la «débauche » d’un jeune de moins de 21 ans.
À l’origine, il était accusé de viols et menaces de mort contre une employée d’un salon de beauté où il allait se faire masser entre 2020 et 2021. L’employée, AdjiSarr, avait moins de 21 ans au moment des faits qu’elle dénonce. La cour a acquitté Oussmane Sonko des accusations de viols et menaces de mort. L’enjeu était autant pénal que politique. La décision paraît, au vu du code électoral, entraîner l’inéligibilité du maire de Ziguinchor. Ce dernier n’a cessé de nier les accusations en criant à la machination du pouvoir pour l’écarter de la présidentielle.
Retour au calme également en Casamance, région d’origine d’Ousmane Sonko. Ce samedi matin, c’était ville morte à Ziguinchor, où les commerces et le marché sont fermés, ainsi que les stations essence.
Ce samedi après-midi, dans la capitale française, plusieurs centaines de Sénégalais ont manifesté, dans le quartier du Trocadéro, en soutien à Ousmane Sonko et en hommage aux victimes des manifestations au Sénégal. «Sonko c’est l’unité du Sénégal », pouvait-on lire sur les banderoles ou encore « Non à la déstabilisation du Sénégal ». Le cortège a défilé sans heurts.

Econews