A douze jours de la date du 20 décembre, la campagne électorale est entrée dans sa ligne droite. Quoique avec des fortunes diverses, les candidats aux différents scrutins (présidentiel, législatives nationales et provinciales, urbaines et locales) sillonnent les provinces, pour les plus nantis, tandis que les plus modestes font du porte-à-porte quand ils n’expriment pas leur désaveu de leurs Autorités morales qui se montrent réticents à financer leur propagande électorale. Tous ne semblent pas tourner leurs regards vers la Commission électorale nationale indépendante qui éprouve de sérieuses difficultés à déployer son matériel de vote sur l’ensemble du pays. Avec le risque d’un report des élections. Le président de la CENI ne l’affirme pas explicitement, mais il y a des signes qui ne trompent pas.
La correspondance pour le moins inhabituelle du président de la CENI, Denis Kadima, est datée du 5 décembre 2023. Inhabituelle, parce qu’elle est directement adressée au président de la République. Copie en est réservée au seul Premier ministre, ignorant royalement les ministres des Finances et du Budget, ceux qui tiennent en principe les cordons de la bourse en vue du financement du processus électoral.
Largement relayée sur les réseaux sociaux, la lettre de Denis Kadima soulève des inquiétudes et apporte de l’eau au moulin de ceux qui, à l’instar de l’archevêque de Kinshasa, doutent de l’organisation effective des élections à la date du 20 décembre 2023. En concerne, il est spécifié qu’il s’agit d’une demande d’appui logistique pour déploiement et ramassage du matériel électoral. Scrutins combinés du 20 décembre 2023.
Il s’agirait d’un appui en termes de ressources aériennes supplémentaires afin de permettre à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de finaliser l’acheminement du matériel et des équipements électoraux vers les sites réputés à accès difficiles. La CENI reconnaît bizarrement que cette période de déploiement du personnel, du matériel et des équipements destinés au vote coïncide malheureusement avec la campagne électorale, le déficit en desserte aérienne et la pénurie du carburant et par conséquent, la capacité de mobilité et d’intervention de la Centrale électorale est très réduite. Pour parer à cette situation, la CENI a urgemment besoin de 4 Antonov 26 et de 10 hélicoptères afin d’être à même de déployer ses cargaisons dans le délai.
LE CHAUD ET LE FROID
Ces inquiétudes, Denis Kadima les a personnellement exprimées lors d’un entretien accordé ultérieurement à actualite.cd. Confirmant avoir encaissé 130 millions de dollars US sur les 300 attendus du gouvernement, somme qui contribuerait, selon lui, à finaliser les dernières acquisitions.
A la question de savoir quand la CENI pourrait entrer en possession du solde du montant destiné au financement des élections, Denis Kadima a dédouané le gouvernement qui aurait plein d’autres priorités. « Il faut faire avec ce qu’on a. La vie continue. Il faut comprendre que le gouvernement a plein de dépenses à faire. Nous ne sommes pas la seule activité… il y a la sécurité à l’Est…les élections n’arrêtent pas la vie…».
Dans le cas où le financement des élections continuerait à poser problème, et si les moyens sollicités ne sont pas réunis, Kadima souffle le chaud et le froid; «Nous allons organiser les élections, mais avec énormément de difficultés. Par exemple pour transporter le matériel jusqu’aux bureaux de vote, il faut des moyens rapides». Autrement, il faudra emprunter la route en cette saison des pluies, ce qui prendra le temps qu’il faudra, mais nous nous efforçons malgré les difficultés de nous conformer à notre calendrier », a déclaré le président de la CENI.
DES SIGNES QUI NE TROMPENT PAS
Sur son compte X (ex-twitter), la sénatrice Francine Muyumba, restée fidèle au FCC de Joseph Kabila, n’a pas eu de mots tendres vis-à-vis de Denis Kadima et la CENI : «La CENI qui a embarqué toute la nation dans ce processus électoral chaotique doit savoir assumer les conséquences. Les élections doivent se tenir dans le délai constitutionnel. Nous n’accepterons même pas une poussière de seconde de plus. Monsieur Kadima doit avoir le courage de dire la vérité à la nation.»
Autant dire qu’à l’approche de la date du 20 décembre, les nuages s’accumulent dans le ciel de la CENI, confrontée à des vents contraires. Le retrait de la mission d’observation électorale de l’Union européenne, la déclaration pleine de pessimisme du cardinal archevêque de Kinshasa qui, s’dressant aux jeunes catholiques, estimait récemment qu’il n’existerait aucune preuve de la volonté des autorités à organiser les élections dans le délai, l’incendie de l’entrepôt de la CENI Bolobo (Maï-Ndombe) sont autant d’indicateurs qui confortent le doute quant à la tenue effective des élections générales du 20 décembre.
Cependant, il y a plus. A moins de deux semaines de la date fatidique, la CENI elle-même ne communique plus sur l’évolution du déploiement de son matériel à travers le pays. Les dernières images fortement médiatisées à la mi-novembre montraient certes le président de la CENI en séjour à Séoul (Corée du Sud) en visite dans les usines de la firme sud-coréenne Miru System où il a assisté au conditionnement du matériel électoral.
Cette absence de communication sur l’évolution du déploiement du matériel électoral soulève des inquiétudes quant à la préparation des élections. Les électeurs et les acteurs politiques ont besoin de transparence et de confiance dans le processus électoral, et le manque d’informations de la part de la CENI ne favorise pas cette confiance.
Il est essentiel que la CENI communique de manière transparente et régulière sur le déploiement du matériel électoral afin d’assurer la crédibilité et la légitimité des élections à venir. Les citoyens ont le droit de savoir que les élections se dérouleront de manière juste et équitable, et la CENI a la responsabilité de fournir ces assurances.
Il est donc impératif que la CENI revoie sa communication et fournisse des mises à jour régulières sur le déploiement du matériel électoral afin de dissiper les doutes et les inquiétudes qui persistent actuellement.
Depuis, il n’est pas certain d’attester de la part de la Centrale électorale la certitude d’une organisation sans conteste des scrutins.
KADIMA A RENDEZ-VOUS AVEC L’HISTOIRE
Denis Kadima semble faire preuve d’une détermination louable face aux défis techniques et logistiques rencontrés dans la préparation des élections. Il est conscient des enjeux et des conséquences d’un report de la date du 20 décembre et semble déterminé à éviter une période d’incertitude pour la RDC.
Cependant, il est important de noter que la tenue d’élections justes, équitables et transparentes est plus importante que de respecter une date butoir. Si les défis techniques et logistiques sont tels qu’ils compromettent l’intégrité des élections, il pourrait être préférable de reporter la date pour s’assurer que le processus électoral se déroule de manière adéquate.
Il est crucial que la priorité soit accordée à la qualité du processus électoral et à la confiance des citoyens dans son déroulement. Il est donc essentiel que les autorités électorales prennent les mesures nécessaires pour garantir que les élections se déroulent de manière juste, transparente et crédible, même si cela implique un report de la date initialement prévue.
Econews