Changement de la Constitution : le PPRD se réveille et attaque

Changement de la Constitution : le PPRD se réveille et attaque
Le débat sur la révision ou le changement de la Constitution a provoqué de vives réactions au sein des partis politiques. Longtemps resté discret et en retrait de la scène politique, le PPRD a brusquement pris la parole pour exprimer son opposition catégorique à toute tentative de modifier la loi fondamentale du pays. Pour le parti du président honoraire Joseph Kabila, le projet de changement de la Constitution représente une ligne rouge à ne pas dépasser. Emmanuel Ramazani Shadary, figure emblématique du PPRD, a profité dune émission télévisée pour mettre en garde contre les conséquences dune telle réforme constitutionnelle. Selon lui, cela remettrait en question les acquis démocratiques obtenus ces dernières années. Face à ces déclarations choc, cest Steve Mbikayi, membre de la majorité présidentielle, qui sest chargé de recadrer Shadary, soulignant que le débat sur la révision de la Constitution fait partie intégrante de la démocratie et que chaque parti politique a le droit dexprimer son opinion. Cest parti pour une période de fortes tensions…
Entre danciens alliés au sein du Front commun pour le Congo (FCC) de lancien président Kabila et les nouveaux alliés du Président Tshisekedi, le débat fait rage autour de la question dune éventuelle révision de la Constitution ou lécriture dune nouvelle loi fondamentale comme le clament haut et fort ceux qui, hier encore, étaient les chantres inconditionnels du kabilisme alors triomphant.

Se distingue particulièrement dans ce dernier camp, le député Steve Mbikayi, ancien ministre de Kabila et député FCC parti en guerre contre Emmanuel Shadary, secrétaire permanent du PPRD dont le parti a boycotté le processus électoral de 2023. Par réseaux sociaux interposés, les deux hommes échangent des piques empoisonnées, soutenus par des influenceur.euse.s faussement désintéressés.

REGARDS CROISES

Alors que Mbikayi et des faucons USN de la dernière heure soutiennent la modification du mandat présidentiel qui passerait de lactuel quinquennat au septennat, le PPRD y voit une manœuvre pour Tshisekedi de se maintenir indéfiniment au pouvoir, à linstar du chef dun Etat voisin qui, sil est réélu pour un quatrième mandat aux présidentielles de juillet prochain, devrait sans surprise et régulièrement rempiler jusquen 2034 au moins !

Le premier à sortir lartillerie lourde dans le débat autour de la révision, le changement, ou carrément la rédaction dune nouvelle loi fondamentale avec ses conséquences dont le prolongement du mandat présidentiel dans une république (la 4ème), le secrétaire permanent du PPRD, ancien ministre de lIntérieur sous Joseph Kabila et candidat malheureux à la présidentielle de 2018.

Réagissant aux propos du président Tshisekedi devant un auditoire de son parti, lUDPS, et qui, au cours de son dernier déplacement en Occident, déclarait quil ne sopposerait pas à une modification ou un changement de la constitution, Emmanuel Shadary sorti dun long silence estimait sans ambages dans un entretien sur un canal télévisé : «On ne peut pas réviser la constitution avec cette Assemblée nationale parce que les élections ont été mal organisées; cétait un simulacre délections. (…) Cest le point de vue dune grande frange de la population qui estime que cette Assemblée nationale et le Sénat sont illégitimes».

AVERTISSEMENT ET CONTRATTAQUE

Le secrétaire permanent de lancien parti présidentiel qui a ignoré les dernières élections générales de décembre 2023 prévient : «Si on révise cette constitution avec cette Assemblée nationale, à défaut davoir les 3/5èmes pour que ca passe, ca peut aller au référendum. Cest la constitution qui le dit. Il faut que la CENI intervienne. Or pour nous, la CENI nexiste pas. Sils le font, les conséquences seront incalculables».

La réponse de lactuel camp présidentiel ne sest pas fait attendre. Intervenant sur son compte X (ex-Twitter), le député Steve Mbikayi, son ancien collègue au Front commun pour le Congo passé dans le camp des alliés de Tshisekedi, lui a répondu avec une dureté teintée dhumour et sans que lon sache sil sexprimait à titre personnel ou sil a été dûment mandaté par le camp présidentiel : «Cher Emmanuel Shadary, nous nallons pas changer la constitution. Nous allons rédiger une nouvelle constitution à soumettre au référendum. Cest le souverain primaire qui va décider (…) il y a quatre ans, nous avions proposé une mandature de 7 ans et la suppression dinstitutions budgé-tivores, approuver la double nationalité, sauf pour les pays limitrophes, etc.».

La légitimité non seulement des élus à tous les niveaux tant évoquée par les partisans du maintien de la constitution de février 2006 est du poil à gratter dans la conscience de la Majorité présidentielle actuelle.

Steve Mbikayi qui se croit concerné sen défend : «Dire que cette Assemblée nationale est illégitime, cest mentir à votre propre conscience. Les députés actuels sont plus légitimes que ceux de 2018. Toutefois, nous sommes contents de votre réveil. Lopposition est morte de sa belle mort. Ressuscitez-la ! Dénoncez, critiquez. Et nous vous répondrons coup sur coup».

PETIT RAPPEL HISTORIQUE

Une plongée nécessaire dans lhistoire pourrait expliquer la croisade contre la constitution promulguée par le président Kabila le 18 février 2006.

En effet, sept mois plus tôt, le 9 juillet 2005 au stade Tata Raphaël, Etienne Tshisekedi tenait un meeting devant une foule estimée en son temps à une quinzaine de milliers de personnes. Pêle-mêle, le père de lactuel président de la République avait appelé à un retour à lordre constitutionnel, mais surtout, appelé les militants de lUDPS à ne pas sinscrire sur les listes électorales et à boycotter le référendum constitutionnel en préparation. Mot dordre qui fut apparemment suivi, mais qui nempêcha pas le texte issu des négociations de Sun City demporter lassentiment de la majorité de la population.

Il va de soi quarrivé au pouvoir, lUDPS semploie à sen débarrasser comme la dernière relique dun kabilisme qui lui colle à la peau, régulièrement réchauffée par lopinion qui soutient lexistence dun compromis à lamiable entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi loin des regards dans le ranch de Kingakati.

Cest le fameux «arrangement à lafricaine» évoqué naguère par le Français Jean-Yves Le Drian.
Les arguments selon lesquels la constitution de 2006 aurait été rédigée par des étrangers au profit dun certain… Paul Kagamé sert dabord de paravent qui cache mal les insuffisances dogmatiques dun pouvoir qui se recherche encore sur les cendres dun premier quinquennat perdu.

Ensuite ramener systématiquement tous les malheurs du peuple congolais au seul Kagame passe difficilement au baromètre dune analyse objective.
En attendant une position officielle du présidium de lUnion sacrée de la nation, la coalition au pouvoir, le débat sur la révision constitutionnelle reste dactualité. Les divergences au sein de la classe politique témoignent des enjeux et des tensions qui entourent cette question cruciale pour lavenir du pays.
Ce débat plonge la démocratie congolaise dans une période de très fortes turbulences.

Econews