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Choix cornélien

La diplomatie congolaise traverse une zone d’essai et erreur. L’échec des négociations directes entre Kinshasa et la coalition AFC/M23, organisées sous l’égide de l’Angola, suivi de la rencontre surprise à Doha entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame, a jeté un froid entre la RDC et son voisin angolais, traditionnel médiateur dans la crise de l’Est.

À Luanda, on crie à l' »humiliation », tandis que Kinshasa semble tiraillée entre deux visions : celle d’une résolution « africaine » des conflits, chère à l’Union africaine, et celle d’une diplomatie éclatée, ouverte aux acteurs globaux. Un choix lourd de conséquences.

L’Angola, acteur clé dans la stabilisation de la RDC depuis des décennies, a vu d’un mauvais œil l’effondrement des pourparlers qu’il parrainait. Mais ce qui a davantage ulcéré Luanda, c’est la tenue le même jour d’un dialogue Tshisekedi-Kagame à Doha, orchestré dans l’ombre du Qatar. Pour les Angolais, c’est un double affront : un camouflet à leur rôle de médiateur régional, et une trahison du principe panafricain selon lequel « les problèmes africains doivent avoir une résolution africaine », comme l’a rappelé, piqué au vif, le ministre des Affaires étrangères Tété Antonio.

Cette réaction n’est pas que question d’ego. Luanda incarne une génération de dirigeants qui, depuis les accords de Sun City (2002), ont œuvré à pacifier la RDC, souvent au prix d’engagements militaires et politiques coûteux. Voir Kinshasa se tourner vers Doha, capitale d’un État non africain, pour discuter d’une crise régionale, est perçu comme un désaveu.

La rencontre de Doha, bien que présentée comme  » informelle « , n’en est pas moins symbolique. Le Qatar, acteur montant dans la médiation internationale, cherche à étendre son influence en Afrique, notamment via des investissements et des ponts diplomatiques. Pour Kinshasa, ce rapprochement pourrait s’expliquer par une lassitude face à l’inefficacité des mécanismes régionaux, ou par la volonté de diversifier ses alliances face à un Rwanda perçu comme intouchable par l’UA.

Mais cette stratégie comporte des risques. En court-circuitant Luanda, la RDC fragilise un partenaire historique, dont le soutien militaire et logistique reste crucial dans la lutte contre les groupes armés. Surtout, elle ouvre la porte à une externalisation des crises africaines, où chaque acteur global (États Unis, Chine, Turquie, Qatar) défend ses intérêts au détriment d’une vision collective.

Le président Tshisekedi se trouve à la croisée des chemins. D’un côté, il ne peut se permettre de rompre avec Luanda, dont le rôle stabilisateur reste vital. De l’autre, il semble tenté par une realpolitik assumée : chercher des appuis où qu’ils soient, quitte à froisser les voisins, pour contrer le Rwanda et sécuriser l’Est.

Plutôt que de choisir entre Luanda et Doha, Kinshasa gagnerait peut-être à réconcilier les deux approches. Comment ? En insufflant un nouveau souffle aux mécanismes régionaux, tout en intégrant des partenaires internationaux complémentaires, sous l’égide de l’UA. Cela suppose de remettre l’Angola au cœur du jeu, tout en exigeant de l’UA une plus grande fermeté envers Kigali, accusé de soutenir le M23.

Econews

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