Cinq ans après, le lider maximo de l’UDPS, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, reste toujours présent dans la mémoire collective. Son combat pour la démocratie et le progrès social est inaltérable. A l’occasion de la commémoration du cinquième anniversaire de sa mort, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi Tshilombo, digne héritier de son père, le « Sphinx », a dévoilé mardi au mausolée où il repose pour l’éternité un monument géant en son honneur.
Le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a rendu hommage, le mardi 1er février, au lider maximo de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), Étienne Tshisekedi wa Mu-lumba, décédé à Bruxelles le 1er février 2017. Pour ce 5ème anniversaire de la commémoration de son décès, le Chef de l’État s’est rendu à Nsele au mausolée où repose pour l’éternité le « Sphinx ».
A cette occasion, une imposante statue de 8,50 m de haut représentant Dr Etienne Tshisekedi, le bras levé et faisant un signe de victoire, a été dévoilée au public, en hommage à son combat pour la démocratie en République Démocratique du Congo.
Par la même occasion, le Président Tshisekedi a procédé au dépôt d’une couronne de fleurs au mausolée, entouré de sa famille et de certains dirigeants de l’UDPS.
Chapeauté par la Maison civile du chef de l’Etat, ce chef d’œuvre est le fruit d’une initiative d’un trio composé, notamment de Mike Kalambayi et Lina Muvaro.
Erigé sur un socle en béton, ce monument de 8m50 de hauteur, pèsant deux tonnes, a été réalisé par l’expertise congolaise, sous la supervision de Jupson Tshiluka, artiste en chef, rapporte le site actu30.cd. Il leur a fallu trois ans pour la finalisation complète de cette oeuvre.
«Étienne Tshisekedi avait combattu toute sa vie pour l’avènement d’un État de droit, son combat a porté des fruits et la Nation tout entière lui doit reconnaissance. Et nous avons pensé l’immortaliser au travers de cette grande œuvre», a dit à actu30.cd dit l’un des initiateurs.
À en croire l’artiste en chef, ce monument retrace de manière brève le parcours du «Grand combattant». Raison pour laquelle, il est l’assemblage de plusieurs images d’Etienne Tshisekedi à des événements différents.
Selon lui, le bras gauche est une photo de lui lors d’une marche; le bras droit est une image lors de sa sortie de prison après une énième arrestation; l’inclinaison de la tête est une photo qui illustre ses derniers instants de combattant bien qu’affaibli par la maladie; et sa veste est celle portée lors d’un de ses discours.
Francis M.
Prof José-Adolphe Voto : «Etienne Tshisekedi, son héritage cinq ans après sa disparition»
Il y a cinq ans disparaissait à Bruxelles, le leader de l’opposition politique en RDC, Etienne Tshisekedi Wa Mulumba. Que reste-t-il des souvenirs de cet homme qui a marqué à sa manière la scène politique congolaise ? À ce moment précis où les cadres de son parti se déchirent dans des querelles de pouvoir interne? Que gardent les congolais de sa mémoire ?
À notre avis, l’héritage d’Etienne Tshisekedi peut se regrouper en quatre catégories : l’héritage idéologique, l’héritage symbolique, l’héritage politique et l’héritage familial
1. L’héritage idéologique
L’héritage idéologique de Tshisekedi va au-delà de la politique. C’est à ce niveau que Tshisekedi aura influencé presque tous ses compatriotes contemporains. Cet héritage idéologique se résume en trois mots : la résistance, l’état de droit et le peuple d’abord. Tshisekedi a réussi à résumer sa pensée politique en quelques mots, mais bien plus en symboliques. C’est surtout cela qui a fait sa force en terme de communication politique. En résumé, son objectif était l’état de droit, ses moyens le peuple d’abord, sa stratégie la résistance.
Objectif : État de droit.
C’est cet objectif qui est à la base de la lettre des treize parlementaires qui symbolise la création de l’UDPS le 15 février 1982. Le parti s’est donné pour objectif la création au Zaïre d’un Etat de droit face à la dictature de Mobutu. Ce mot est resté un refrain dans la bouche d’Etienne Tshisekedi et Félix-Antoine Tshisekedi en fait désormais, son refrain, son héritage privilégié au point qu’il ne peut accorder une interview sans l’évoquer.
C’est cette lutte pour un Etat de droit et la démocratie qui ont amené certains de le désigner à tort comme «le père de la démocratie», alors que, historiquement, le Congo indépendant a été déjà démocratique avant que Mobutu instaure la dictature. Le Président Kasa-Vubu et le Premier Ministre Lumumba ont été démocratiquement élus. C’est en souvenir de ce système démocratique obstrué par Mobutu que Laurent-Désiré Kabila va rebaptiser le pays «République Démocratique du Congo», bien qu’il n’était pas lui-même démocrate.
Moyens : «Le peuple d’abord ». Son parti s’appelle UDPS : Union pour la Démocratie et le Progrès Social. Or qui dit démocratie, dit peuple. Face au tout puissant Mobutu, Tshisekedi se choisi un allié aussi puissant : le peuple. Ce peuple qu’il peut mobiliser et envoyer dans la rue, même sans bouger de chez lui. Pour Tshisekedi, tout se résume au «peuple »: il travaille pour le peuple, son gouvernement, c’est le gouvernement du peuple.
Le mot peuple était omniprésent dans sa bouche qu’il l’employait parfois à tort sans se rendre compte : À la question de savoir qu’elle était son programme en tant que Premier ministre: il répondit : «C’est le programme du peuple ».
Stratégie : la résistance. À l’instar des grands opposants comme Gandhi et Mandela, Etienne Tshisekedi a choisi la résistance pacifique comme stratégie de lutte.
Il a ainsi développé des méthodes de résistance comme la marche et les villes mortes. Face à l’armée de Mobutu et aux méthodes autoritaires de Laurent Désiré Kabila, il a développé la contestation pour s’exprimer et il disait non à tout, même parfois sans se donner le temps, si bien que Jeune Afrique le qualifia de ‘’Monsieur Non !’’
Il paraissait si imperturbable au point que la presse lui colla le titre de «Sphinx de Limete».
2. L’héritage symbolique
Étienne Tshisekedi, les deux doigts en l’air coiffé de munyere. Signes de son héritage symbolique.
Les deux doigts en l’air et le munyere constituent l’héritage symbolique de la vie politique de Étienne Tshisekedi.
3. L’héritage politique
Tshisekedi aura été un grand communicateur politique. Si Lumumba, Mobutu et Laurent Désiré Kabila était des grands tribuns, Tshisekedi qui n’était pas un grand discoureur a réussi à résumer sa pensée politique en quelques mots comme «Le peuple d’abord ». Mais surtout il a réussi à trouver des symboles comme l’index et le majeur levés qui indiquent le «V» de la victoire, mais aussi le bonnet Munyere qu’il a adopté et incarne symboliquement la résistance.
Cet héritage idéologique de Tshisekedi va au-delà de l’UDPS, au-delà même de la sphère politique. Tshisekedi a communiqué aux Congolais l’esprit de revendication de ses droits, de la résistance face à l’injustice et la dictature.
L’homme incarne toute une école en politique. Il a réussi non seulement à supplanter tous ses compagnons avec qui il a fondé le parti, mais il était devenu un modèle pour plusieurs jeunes qui se sont lancés par la suite en politique. On peut regrouper cette école en trois classes :
Les treize parlementaires. Alors qu’ils ont ensemble formé le parti, Tshisekedi finira par incarner et personnaliser ce parti et en devenir le leader principal. Certains se sont inclinés devant ce leadership naturel, d’autres comme Kibasa lui ont résisté et ont créé des ailes du parti, mais qui ne peuvent pas concurrencer l’UDPS d’Etienne Tshisekedi.
Les fils légitimes. L’UDPS a séduit plusieurs jeunes de l’époque qui se lançaient en politique. Plusieurs cadres ont adhéré à ce parti et y ont fait carrière. Certains sont restés fidèles jusqu’à la mort d’Etienne Tshisekedi ou presque. On peut citer notamment Me Mukendi, Massamba, Tshibala, Badi-banga, Loseke,…
Les fils égarés. D’autres ont quitté le parti pour évoluer ailleurs, mais ont toujours gardé l’esprit Tshisekedi partout où ils sont allés. Font partie de cette catégorie des personnalités comme François Mwamba, Eve Bazaiba, Emmanuel Shadari, etc.
Ces personnalités, qu’ils aient restés fidèles ou pas, ont été forgés dans la moule de l’UDPS et abondamment influencés par Étienne Tshisekedi au point que cela transparait sur leur comportement quels que soient le courant politique où elles évoluent aujourd’hui.
Les fils illégitimes. Ce sont des personnalités qui ont été séduits par Tshisekedi mais qui ont résisté à la tentation d’adhérer à l’UDPS. Ils ont formé leurs partis politiques pour garder leur liberté d’action mais qui parfois sont plus tshisekedistes que les fils légitimes. Dans ce lot il y a par exemple l’enfant terrible de l’opposition Ole-ngakoy, Franck Diongo, Jean Claude Mvuemba, Martin Fayulu, etc.
4. L’héritage familial.
À l’instar d’autres résistants comme Laurent Désiré Kabila ou Antoine Gizenga, on peut dire que Tshisekedi n’a pas travaillé en vain, même s’il n’est pas devenu Président.
Laurent Désiré Kabila a lutté toute sa vie et n’est resté au pouvoir que pendant quatre ans avant que son fils Joseph Kabila en jouisse réellement. Antoine Gizenga de même a résisté pendant toutes ces années pour être Premier Ministre pendant quelques mois seulement avant de laisser sa place à son neveu Adolphe Muzito. De même, Tshisekedi a lutté pendant trente-huit ans pour permettre à son fils d’accéder au pouvoir.
Avec l’avènement de l’Union Sacrée, les fils des leaders fondateurs de l’UDPS ont été les premiers à quitter le bateau du FCC pour rejoindre leur frère Félix-Antoine Tshisekedi et se frayer une place sous le soleil. Aussi, Jean Pierre Lihau et Augustin Kibasa se sont rappelé qu’ils étaient fils naturels de l’UDPS et cohéritiers de Etienne Tshisekedi.
Comme quoi, l’héritage de Tshisekedi est plus grand que l’on pense.
Prof José-Adolphe Voto (CP)