L’ONU a « pris note » de la condamnation de 51 personnes pour le meurtre de ses deux experts en RDC

L’ONU a pris note mardi de la condamnation de 51 personnes pour le meurtre de deux experts de l’ONU en République Démocratique du Congo (RDC) en 2017 mais a rappelé son opposition à la peine de mort.

Le Cour militaire du Katanga a annoncé samedi ce verdict après un procès de quatre ans. La Suédoise Zaida Catalán and l’Américain Michael Sharp menaient une enquête sur les violences dans la région du Kasaï en 2017 quand ils ont été assassinés. Les personnes condamnées comptent d’anciens miliciens de la secte Kamuina Nsapu.

«Nous notons le verdict rendu samedi par le Tribunal Militaire de l’Ex-Kasaï Occidental, aboutissant à la condamnation du Colonel Jean de Dieu Mambweni, de M. Thomas Nkashama, et de M. Jean Bosco Mukanda et d’autres qui leur sont associés, en rapport avec les meurtres de Mme Zaida Catalán et M. Michael Sharp, anciens membres du Groupe d’experts sur la RDC», a déclaré le porte-parole adjoint du Secrétaire général de l’ONU, Farhan Haq, dans une note à la presse.

«Nous comprenons que ces décisions peuvent faire l’objet d’un appel », a-t-il ajouté. Il a noté que «le procureur général militaire enquête également sur d’autres personnes en relation avec les meurtres de Mme Catalán et de M. Sharp et le sort de leurs quatre compagnons congolais».

Opposition du Secrétaire général à la peine de mort

Notant également que certains des autres accusés ont été reconnus coupables de tous les chefs d’accusation et condamnés à mort, « nous réaffirmons l’opposition du Secrétaire général au recours à la peine de mort en toutes circonstances », a dit M. Haq.

Le porte-parole adjoint a observé qu’il existe un moratoire de facto sur l’imposition de la peine de mort en RDC. Dans ce contexte, « nous exhortons les autorités de la RDC à maintenir le moratoire sur la peine de mort et à envisager de l’abolir en droit », a-t-il dit.

«Les Nations Unies soutiennent les autorités congolaises dans l’enquête sur le meurtre de nos deux experts depuis 2017 par le biais de son mécanisme de suivi sur la RDC. Nous continuerons d’assister, le cas échéant, l’Auditorat général militaire dans tout recours contre ce verdict», a-t-il ajouté. «Le Secrétaire général s’est engagé à poursuivre le soutien apporté par ce mécanisme aux autorités congolaises dans leur quête de justice pour nos experts de l’ONU, ainsi que leurs quatre compagnons congolais ».

Rappel des faits

Nous sommes en 2017. Les deux experts de l’ONU, l’américain Michael Sharp et la suédoise Zaida Catalan, ont été envoyés au Kasaï pour enquêter sur des fosses communes liées au conflit armé qui avait éclaté dans la région après la mort du chef coutumier Kamuina Nsapu, tué le 12 août 2016 par les forces de sécurité. Ce conflit opposant les milices Kamuina Nsapu à l’armée congolaise a fait 3400 morts et des dizaines de milliers de déplacés entre septembre 2016 et mi-2017.

Disparus le 12 mars 2017, leurs corps ont été retrouvés dans un village deux semaines après, le 28 mars 2017. La jeune femme avait été décapitée.

En juin 2017, un rapport remis au Conseil de sécurité de l’ONU estimait que ce double meurtre était un «guet-apens prémédité» et n’excluait pas l’implication de membres de la sécurité d’État.

La version officielle, sous le gouvernement Joseph Kabila, affirmait que les deux experts onusiens avaient été exécutés le 12 mars 2017 par des miliciens Kamuina Nsapu. Comble de l’horreur, les autorités congolaises n’avaient pas hésité à montrer à la presse une vidéo d’environ deux minutes, montrant le crime commis par des hommes armés. Et cela, dans le but apparent d’écarter les soupçons qui pèsent sur Kinshasa dans cette affaire.

Un procès peu crédible

Dès le départ, ce procès a été très critiqué. L’un des porte-parole du secrétaire général des Nations unies avait mis en doute la crédibilité de la procédure car la plupart des prévenus présentés devant le tribunal n’avaient rien à voir avec le meurtre. Plusieurs responsables sécuritaires cités n’ont jamais été convoqués. Parmi les condamnés à mort – des anciens membres de la milice – un certain nombre ont été condamnés par contumace, soit parce qu’ils n’ont jamais été appréhendés, soit parce qu’ils se sont évadés après leur arrestation.

Jusqu’au bout, la crédibilité de ce procès a été mise à mal. Lors du verdict, une bonne partie de l’audience s’est déroulée dans l’obscurité. C’est à l’aide de la lumière d’un téléphone portable que le président a lu les 146 pages de l’arrêt…

Hugo Tamusa